Contribution - « Debout sur la promesse d’une nation » : Quand L’Abidjanaise devient le miroir de notre engagement collectif

« L’Abidjanaise ne demande pas seulement à être chantée. Elle exige d’être incarnée. »
L’hymne national est à une nation ce que le cœur est au corps : le centre de la pulsation commune, le souffle de l’âme collective. Il n’est pas seulement fait de notes et de mots, mais de mémoire, de promesse et de responsabilité. En Côte d’Ivoire, L’Abidjanaise n’est pas qu’une œuvre musicale. Elle est un serment. Et à l’heure où les tensions politiques, sociales et identitaires affleurent, la revisiter devient un acte de lucidité patriotique.
Car chanter un hymne, ce n’est pas seulement faire vibrer des cordes vocales. C’est consentir à une vision. C’est se redresser sous le poids de l’histoire pour assumer la charge de l’avenir.
« Salut, ô terre d’espérance ! » — Quand l’hymne devient bénédiction fondatrice
Dès les premiers mots, une salutation solennelle s’élève, comme une incantation d’espérance. Ce salut n’est pas un geste formel : il est une reconnaissance. La terre d’espérance, c’est celle que nos aïeux ont rêvée, celle qu’ils ont bâtie entre souffrance et sueur, celle que nous devons préserver avec ferveur.
Mais espérer, ce n’est pas attendre que tout tombe du ciel. C’est semer aujourd’hui ce que demain réclamera. L’espérance devient dès lors une responsabilité, et non un simple état d’âme.
« Tes légions remplies de vaillance ont relevé ta dignité » — La mémoire comme flambeau
Ces vers font surgir la bravoure des bâtisseurs de la nation. Leurs armes n’étaient pas seulement des fusils, mais des convictions, des sacrifices, des renoncements. Aujourd’hui, la vaillance ne se mesure plus sur les champs de bataille, mais dans la loyauté envers la République, dans la droiture administrative, dans l’intégrité politique, dans la résistance à la corruption.
Si hier les baïonnettes ont relevé notre drapeau, c’est à notre conscience civique d’en maintenir la hauteur.
« Tous rassemblés et pour ta gloire, te bâtiront dans le bonheur » — Unité ou mirage collectif ?
Ce passage est un serment d’unité, une promesse de convergence vers un bonheur commun. Mais dans les périodes électorales, cette unité semble parfois se déliter au gré des intérêts partisans et des fractures identitaires. Sommes-nous encore capables d’agir “tous rassemblés”, ou avons-nous fait de la division notre nouveau confort politique ?
L’hymne interpelle : sans unité, pas de gloire nationale. Sans rassemblement, pas de bonheur partagé. Le vivre-ensemble n’est pas un luxe, mais le socle même de notre viabilité collective.
« Fiers Ivoiriens, le pays nous appelle » — L’appel du devoir ou l’écho de l’indifférence ?
Cet appel est une convocation solennelle à la responsabilité. Il rappelle que la liberté conquise ne suffit pas : elle doit être consolidée, approfondie, rendue vivante dans les institutions, les comportements, les politiques publiques.
Mais trop souvent, l’indifférence gagne du terrain. Le citoyen déserte l’arène, le politique séduit au lieu de servir, et l’appel du pays devient murmure dans la cacophonie des ambitions personnelles. Ce vers agit alors comme un rappel : le pays ne cessera jamais de nous appeler. La question est de savoir si nous l’écoutons encore.
« Notre devoir sera d’être un modèle » — Quand l’exemplarité devient mission de civilisation
Ce n’est pas une prétention. C’est une ambition fondée. Être un modèle pour l’Afrique, pour le monde, suppose d’être d’abord un modèle pour soi-même. Cela implique une gouvernance éthique, des institutions crédibles, une jeunesse responsabilisée, et une culture politique fondée sur la vertu.
L’Ivoirien ne doit pas seulement être fier de son hymne. Il doit être digne de son message.
« La patrie de la vraie fraternité » — Le ciment invisible de notre maison commune
La fraternité, ce mot souvent galvaudé, est ici exaltée comme finalité ultime. Mais elle n’est pas donnée. Elle se construit à travers la justice sociale, le respect des différences, la réconciliation sincère. Elle exige que l’on renonce à diaboliser l’autre, à instrumentaliser les origines, à diviser pour régner.
Sans fraternité, la patrie devient façade. Avec elle, elle devient foyer.
Que L’Abidjanaise ne soit pas un chant creux, mais une voix vivante
Notre hymne est une école de citoyenneté. Il enseigne l’engagement, la dignité, la solidarité. Il n’est pas un décor sonore pour cérémonies officielles, mais un appel vibrant à la conscience collective. Il est ce miroir dans lequel chaque Ivoirien devrait se regarder avant de parler, d’agir, de voter, de décider.
Car une nation ne meurt pas quand ses frontières sont attaquées, mais quand ses symboles sont oubliés.
Alors chantons L’Abidjanaise avec foi, mais surtout, vivons-la avec intégrité. Que chaque mot devienne action. Que chaque vers devienne engagement. Et que la Côte d’Ivoire, debout sur la promesse de sa fraternité, avance avec fierté, lucidité et paix.
Par Norbert Kobenan