Interview-Oumar Sacko (Directeur général des transports terrestres et de la circulation) : « Désormais il est formellement interdit de circuler à moto et en tricycle sur le boulevard Félix Houphouët-Boigny »
À partir d'aujourd'hui 15 mai 2025, les deux et trois roues motorisées sont formellement interdites de circuler sur le boulevard Félix Houphouët-Boigny, ex-VGE, à Abidjan. Une mesure forte du ministère des Transports pour endiguer l’insécurité routière. Oumar Sacko, directeur général des transports terrestres et de la circulation, en explique les motivations et les perspectives dans cet entretien.

Le Patriote : Quelles sont les motivations qui ont conduit votre direction, à travers le ministère des Transports, à interdire la circulation des deux et trois roues sur le boulevard Félix Houphouët-Boigny à partir d’aujourd’hui ?
Oumar Sacko : Cette décision du ministre des Transports, M. Amadou Koné, à travers ses entités techniques, vise à réduire le nombre d’accidents sur le boulevard Félix Houphouët-Boigny (ex-VGE). L’État ivoirien s’est doté d’une stratégie nationale de sécurité routière qui a pour objectif de diminuer de façon significative les accidents et les pertes en vies humaines sur nos routes. En 2021, on enregistrait environ 1600 morts par an. L’objectif est de réduire ce chiffre d’au moins 25 % d’ici 2025 et de 50 % à l’horizon 2030, soit moins de 800 décès. Malgré les efforts, les usagers des deux et trois roues demeurent très vulnérables et représentent une part importante des victimes. D’où cette mesure, à la fois préventive et corrective.
LP : Peut-on considérer cette décision comme une réponse à une recrudescence des accidents ou des incivilités ? Disposez-vous de données à ce sujet ?
OS : Tout à fait. Selon les statistiques de l’Office de sécurité routière (OSER), pour la période 2023-2024, environ 500 accidents impliquant des motos ont été recensés à Abidjan, dont 300 cas concentrés dans la capitale. Plus alarmant encore, sur l’ex-VGE uniquement, on dénombre 50 morts sur la période. Cela signifie que près de la moitié des décès liés aux deux et trois roues proviennent de ce seul axe. Face à ce constat, le ministère des Transports, en collaboration avec l’AGEROUTE, l’OSER, la Police spéciale de sécurité routière et d’autres partenaires, a jugé nécessaire de prendre une mesure forte pour préserver la vie des usagers.
LP : Comment cette décision s’inscrit-elle dans la stratégie globale pour améliorer la sécurité et la fluidité routière à Abidjan ?
OS : Nous avons mis en place un plan de circulation pour permettre aux conducteurs d’éviter le boulevard tout en assurant leur mobilité. Par exemple, ils peuvent emprunter le boulevard de Marseille après le pont Houphouët-Boigny, ou encore l’axe partant du pont Général De Gaulle vers le carrefour Ancien Koumassi, en passant par Belleville (Treichville). Cette réorganisation vise à désengorger l’ex-VGE tout en garantissant une alternative viable pour les usagers concernés.
LP : Pensez-vous que la sensibilisation a été suffisante avant l’entrée en vigueur de cette mesure ?
OS : Oui. Nous avons mené plusieurs campagnes de sensibilisation via les médias traditionnels, les plateformes numériques et les canaux communautaires. Nous avons également organisé des séances de travail avec les représentants des conducteurs pour leur expliquer la mesure et les alternatives proposées. Ils ont, à leur tour, la responsabilité de relayer l'information à leurs pairs. Toute personne qui connaît bien Abidjan sait désormais qu’il est formellement interdit de circuler à moto ou en triclycle sur le boulevard Félix Houphouët-Boigny.
LP : Envisagez-vous d’étendre cette interdiction à d’autres grandes artères de la capitale ? Si oui, lesquelles ?
OS : C’est une perspective envisagée. Dans plusieurs pays, les motos et tricycles sont soumis à des restrictions horaires ou d’accès à certains axes. Le plan de la Mobilité urbaine du Grand Abidjan (MUGA) a déjà prévu des scénarios de restriction. Nous peaufinons encore les détails, mais le principe est acquis. Nous poursuivrons la sensibilisation, mais il faut aussi de la discipline. Les contrevenants seront sanctionnés, car nul n’est au-dessus de la loi.
Par Malaoua Bertin