Contribution : Ficgayo ou la République des plaignants.

La CAP-CI avait promis un raz-de-marée politique, une marée haute de militants venus des quatre coins du pays. Mais à l’arrivée, une vaguelette tiède à Ficgayo. 25 partis pour 5000 personnes, soit 200 supporters par parti en moyenne.
Le constat est un exploit à l’envers. Bien plus qu’un meeting, un aveu flagrant d’impuissance.
Une performance si singulière qu’elle semble avoir réussi l’impensable. Faire fuir la mobilisation à l’appel d’une démonstration de force.
Blé Goudé, l’homme qui promet la paix à condition qu’on l’écoute, le plus tonitruant des orateurs, Charles Blé Goudé, n’a pas dérogé à son style martial. Affichant une fausse sérénité, il s’est voulu le stratège de l’opposition, mais le vernis n’a pas tenu. Ses propos ont vite glissé vers la menace à peine voilée.
Parler de « ne pas se laisser faire » dans un contexte où la paix civile en Côte d’Ivoire s’est faite sans son approbation, revient à jeter l’huile rhétorique sur les braises institutionnelles.
Entre les lignes, c’est le vieux fantasme d’une confrontation en version muette qui transparaît.
Le message n’était pas « respectons les règles », mais plutôt « plions-les à notre convenance ». Mais pendant que l’orateur s’échauffe, la majorité silencieuse des Ivoiriens, attachée à la paix, retient son souffle en se demandant s’il va, encore une fois, leur demander de jouer aux figurants dans son film de résistance planifiée .
Affi N’Guessan, le juriste amnésique
Il n’est pas en reste. Pascal Affi N’Guessan s’est, lui aussi, fendu de sa partition habituelle, jouée sur un ton désormais bien connu.
La CEI serait inféodée, partiale, et tenue par les gens du Nord.
Derrière cette accusation apparemment technique, se glisse un vieux fond de nationalisme déguisé, où la géographie devient un soupçon, et l’identité régionale, une preuve de culpabilité.
Affi n’guessan flatte un imaginaire clivant, celui d’une Côte d’Ivoire fragmentée entre ceux qui gouvernent « illégitimement » et ceux qui se disent spoliés.
Simone Gbagbo ou le droit de refuser l’adversaire
Plus inquiétants encore furent les propos de Simone Gbagbo.
En affirmant publiquement que le président sortant, Alassane Ouattara ne devait pas être candidat est une posture fondée non sur des raisons juridiques, mais par simple rejet politique.
Le disant, elle a franchi un cap.
Elle ne conteste pas la loi, elle conteste que l’adversaire puisse y avoir droit. Ce n’est plus une opinion politique, mais une croisade personnelle. Simone Gbagbo n’argumente pas, elle exorcise. Ce n’est pas une candidature qu’elle rejette, c’est un fantôme, celui d’Alassane Ouattara, devenu, au fil des ans, moins un rival qu’une obsession morale. Aucune démocratie ne peut survivre longtemps si l’on commence à exclure l’ennemi politique au nom de ses préférences personnelles.
La CAP-CI, le buffet froid de l’indignation
Ce n’est pas une coalition, c’est une brocante politique. Un mouvement saisonnier de figures recyclées. 25 formations pour produire le même discours ressassé. L’exclusion, la victimisation, la CEI vendue, la Constitution piégée, le monde entier complice. Chacun y est allé de sa doléance.
Cependant, pas une ligne sur un projet porteur d’avenir, pas une phrase pour semer l’espoir, seulement des dénonciations, en boucle.
Tout cela sous les yeux d’une foule fatiguée, plus spectatrice que militante, venue par réflexe plus que par conviction, et repartie avec le sentiment diffus d’avoir assisté à un meeting du passé pour un avenir toujours en pointillés.
La grand-messe des recalés
Ce 31 mai, la place Ficgayo n’a pas accueilli une force politique en marche, mais une chorale d’anciens candidats frustrés, déclinant leurs complaintes sur fond de tambours désaccordés.
Le meeting aura servi de thérapie collective pour opposants en quête de sens, mais n’aura accouché d’aucune idée neuve, d’aucune stratégie sérieuse, d’aucun programme crédible. Juste un long gémissement public, où les regrets se font passer pour projet de société.
Au fond, ce que la CAP-CI réclame n’est pas un audit, ni une élection juste, mais un miracle institutionnel : que la loi plie, que l’histoire recule, et que le destin s’incline devant leur ressentiment.
Kalilou Coulibaly, Doctorants EDBA, Ingénieur.