Interview-Imbassou Ouattara (conseiller du Secrétaire exécutif du RHDP) : « Le vote à 18 ans n’a jamais été un acquis politique de Laurent Gbagbo » 

Ancien député à l’Assemblée nationale, Imbassou Ouattara est actuellement le conseiller du secrétaire exécutif du RHDP. Dans cette interview, il se prononce sur la prochaine révision de la liste électorale, les déclarations de proches de Laurent Gbagbo relativement aux acquis démocratiques en Côte d’Ivoire. Il met également en garde toutes les personnes qui projettent des troubles à l’occasion de la présidentielle de 2025. 

Interview-Imbassou Ouattara (conseiller du Secrétaire exécutif du RHDP) : « Le vote à 18 ans n’a jamais été un acquis politique de Laurent Gbagbo » 
« Laurent Gbagbo a trahi le serment de Strasbourg, la coordination de la gauche, un accord avec le PDCI, le Front républicain et Robert Gueï »

Le Patriote : La Commission électorale indépendante lance bientôt la révision de la liste électorale. Au niveau du RHDP, votre formation politique, comment vous préparez cette opération ?

Imbassou Ouattara : Le nouveau cycle électoral a effectivement démarré. Des actions importantes sont en cours. Les partis ou groupements politiques s’organisent comme ils peuvent pour aborder cette question que tout le monde comprend aujourd’hui comme étant l’un des points importants du processus électoral dans tous nos pays. Notre parti s’y prépare activement avec beaucoup de sérieux comme, il l’a toujours fait. Parce que de notre présence sur cette liste dépend notre victoire. Aujourd’hui, un effort est à faire au niveau des primo-votants, ceux qui vont voter pour la première fois. Il faut aller les chercher partout où ils sont, dans tous les hameaux, dans tous les recoins pour qu’ils comprennent qu’ils ne doivent pas être indifférents du fait électoral. Bien au contraire, ils doivent comprendre que c’est la participation de chacun d’entre nous qui va nous amener à faire le bon choix. C’est-à-dire permettre au RHDP et à son candidat naturel, le Président Alassane Ouattara, de poursuivre l’œuvre immense de construction et de partage de richesse que le président a commencé depuis plus d’une dizaine d’années. C’est un sujet très sérieux au niveau du RHDP. Les stratégies pour avoir le maximum de primo-votants qui nous sont proches, attirer le maximum des personnes qui se sont désintéressés un tant soit peu de la question électorale, ont été élaborées et seront exécutées le moment venu pour la consolidation de la nation. 

LP : Qu’est-ce que cela vous fait de voir les jeunes garçons de 18 ans voter ?

IO : Par le passé, c’est à 21 ans que les uns et les autres étaient autorisés à voter. L’âge est passé, depuis quelques années, à 18 ans. Je voudrais profiter de cette occasion pour dire merci à l’engagement et à la vision du Président Ouattara. Parce que c’est son combat. C’est un des acquis du combat politique du RDR et de son président.  Ce combat a été mené autour des années 96, 97, 98 par la formation politique de l’actuel président de la République, le RDR à l’époque. C’est ce combat qui a permis d’avoir des conditions consensuelles devant aboutir à l’organisation des élections de 2000. Au nombre des revendications du parti du Président Ouattara, il y avait le vote des jeunes à 18 ans. C’était en première ligne. Les témoins sont là. Il y avait aussi la nécessité d’avoir un bulletin unique, ainsi que des urnes transparentes, un listing consensuel et un code électoral consensuel.  Tous ces acquis sont les fruits du combat politique du Président de la République, Alassane Ouattara. On s’étonne aujourd’hui que les gens ramènent cela à Laurent Gbagbo. 

« Il serait difficile qu’avec sincérité on puisse construire quelque chose autour ou avec Laurent Gbagbo »


LP : Dans l’imaginaire populaire, c’est Laurent Gbagbo qui est le père de tous ces acquis mais vous soutenez le contraire. Les gens ne diront-ils pas que vous êtes dans le faux ?
IO : Je ne suis pas dans le faux, je rétablis une vérité historique. Pour faire simple, je dirai que Laurent Gbagbo n’est pas à lui seul le père des acquis démocratiques en Côte d’Ivoire. C’est une convergence de circonstance et de combat de plusieurs chapelles. Les intellectuels ont porté la parole dans ce pays avant le retour au multipartisme.  Des cercles de réflexions ont existé. Le discours de La Baule prononcé en juin 1990 par François Mitterrand, président français à l’époque, devant les chefs d'État des pays africains avait ragaillardi la plupart des cercles mouvants dans nos différents pays. En Côte d’Ivoire, c’est depuis les années 70 que Laurent Gbagbo, avec trois autres de ses camarades  dont Zadi Zaourou, Assoa Adou et Mamadou Traoré dit Le Puissant avait fait le serment de Strasbourg. Ils s’engageaient à faire en sorte qu’il y ait une autre offre politique en Côte d’Ivoire.  Au plan national, la réflexion existait en milieu universitaire. A l’avènement du multipartisme, le serment de Strasbourg a volé en éclats. Laurent Gbagbo s’est retrouvé à la tête du Front populaire ivoirien (FPI). Zadi Zaourou a créé l’Union de sociaux-démocrates (USD). Assoa Adou à lui rejoint Francis Wodié pour créer le Parti ivoirien des travailleurs (PIT).  Mamadou Traoré dit Le Puissant, lui, est resté en France. Plus tard, il dira : « Nous ne nous sommes plus retrouvés parce que le serment a vacillé ».  Il n’est pas allé plus loin. Mais tout le monde sait qu’avec Gbagbo, ce n’est pas facile. Ce combat a continué. En 1990, ils ont essayé de mettre en place la coordination de la gauche. Elle regroupait le FPI, l’USD, le PIT et d’autres formations politiques. Ces partis politiques avaient décidé de ne pas présenter de candidat à l’élection présidentielle de 1990, face au géant Félix Houphouët-Boigny.  Mais en toute discrétion, pour ne pas dire en catimini, Laurent Gbagbo a déposé ses dossiers au ministère de l’Intérieur. Juste pour récupérer le prestige que pouvait donner  une candidature  du seul Ivoirien à être capable d’affronter le Président  Félix Houphouët-Boigny à une élection. Il l’a fait malgré ce qui avait été arrêté par la coordination de la gauche à l’époque. Donc il a trahi à nouveau. Il est ensuite élu député à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Il négocie avec le groupe parlementaire PDCI des conditions consensuelles d’une élection en 1995. Ils s’accordent sur une dizaine de points. Dans l’intervalle, Félix Houphouët-Boigny décède. Laurent Gbagbo va quitter ledit accord pour rejoindre le RDR dans le Front républicain. Il a profité de ce rassemblement pour effectuer une visite prestige au Fonds monétaire international où le Président Ouattara exerçait en tant DGA. Ayant senti qu’il ne pouvait pas phagocyter le RDR, il est sorti du Front républicain sans crier gare au grand étonnement de Djeni Kobinan Georges qui en avait été très meurtri.  Le combat s’est poursuit pour obtenir les acquis que j’ai énumérés plus haut. Pour me résumer, le vote à 18 ans n’a jamais été un acquis politique de Laurent Gbagbo. Ils peuvent le dire, parce que chez eux, il n’y a pas de vérité établie. C’est ce qu’on répète à satiété qui finit par apparaitre comme la vérité. C’est ce qu’ils font. C’est de la manipulation. Il n’a jamais été le père de la démocratie en Côte d’Ivoire. C’est à tort qu’on lui attribue ces titres.

LP : Parlant toujours de Laurent Gbagbo, dans la perspective de la présidentielle de 2025, il appelle à une union de la gauche. Que pensez-vous de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui « l’appel de Bonoua » ? 

IO : il y a une certaine gauche qui cherche effectivement à se réunir autour de Laurent Gbagbo. De mon point de vue, il serait difficile qu’avec sincérité on puisse construire quelque chose autour ou avec Laurent Gbagbo. C’est impossible. Parce qu’il a trahi le serment de Strasbourg. Il a trahi la coordination de la gauche en 1990. Il a trahi le Front républicain. Il a trahi le groupe parlementaire PDCI-RDA. Il a trahi le général Gueï. Et même quand un journaliste lui pose la question de savoir s’il sait qu’on l’appelle le boulanger. Il répond : « oui, c’est parce que j’ai tendance à dribbler adversaires et partenaires ». Avec tout cela, je me demande comment autour de lui, on peut construire quelque chose de sérieux.  Je me demande même si le PPA-CI croit à sa candidature pour l’élection 2025. L’avenir nous le dira. Mais tout porte à croire qu’il n’est pas le candidat idéal. Nous avons été témoins de sa gouvernance, de ses déclarations. Que va-t-il proposer pour que les gens l’accompagnent dans son projet ? Sa posture d’hier et celle d’aujourd’hui, rappelle toujours cette formule qui avait choqué certains membres de l’opposition. Il disait à l’époque : « ce sont les rivières qui coulent vers le fleuve. Et non le contraire ». Lui étant le fleuve, il attend que les gens viennent toujours à lui. Il est dans la même posture. Après la fragmentation de son camp, pour moi, il serait difficile pour lui de réunir la gauche. Aujourd’hui le MGC est né. Le Cojep s’est émancipé.  Gbagbo a perdu son instrument historique et légitime de combat, le FPI. Il a lancé le PPA-CI. On a vu les scores faits par cette formation politique aux dernières élections locales. Pour moi, ce n’est pas une candidature sérieuse. 


« Qu’il soit sur la liste électorale ou pas, les élections se passeront en paix »


LP : Que répondez-vous aux cadres de cette formation politique qui soutiennent que si Laurent Gbagbo n’est pas candidat en 2025, il n’y aura pas d’élection en Côte d’Ivoire ?
IO : On joue souvent dans ce milieu politique à se faire peur. Laurent Gbagbo n’a jamais effrayé le parti du Président Ouattara dans ce pays. Laurent Gbagbo lui-même n’a jamais été un épouvantail pour le parti du Président Ouattara. Pour le RHDP, Gbagbo n’est pas un danger. Qu’il soit sur la liste électorale ou pas,  les élections se passeront en paix. La présidentielle de 2025 confirmera la bonne lancée du RHDP sur le terrain. Ils peuvent le dire. Ils l’ont dit en 2020. Je ne passe pas par pertes et profits les nombreux morts, les dégâts matériels qui ont été enregistrés à l’occasion, parce que c’était vraiment une sédition, mais le scrutin a eu lieu. Ils ont mis en place un Conseil national de transition. Ils ont nommé un porte-parole. Ils attendaient peut-être de rendre public leur gouvernement, mais avec intelligence, le Président Alassane Ouattara a géré cette autre crise dans notre pays. On a vu, comment avec tact et surtout avec le verbe, nos forces de défense et de sécurité ont pu arriver à calmer les tensions. Qu’on ne joue pas à se faire peur. Pour eux, comme pour nous, 2020 est loin derrière nous, très près de nous. Mais ça ne sera en aucune façon, 2025.

LP : Contrairement à ce que vous avancez, le PPA-Ci répondra que, c’est parce que le RHDP a peur de     Laurent Gbagbo qu’il ne veut pas que son nom figure sur la liste électorale. Que répondez-vous ?

IO : Laurent Gbagbo a déclaré lui-même qu’il a pu accéder au pouvoir en 2020 qu’après avoir éliminé Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Laurent Gbagbo avait tous les leviers de pouvoir en main quand il a été battu en 2010. Ç’ a été un déni de démocratie en refusant de céder le pouvoir au Président Alassane Ouattara. Il avait reconnu sa défaite devant le médiateur de l’Union africaine, Monsieur Raila Odinga. Il n’a pas voulu parti. Quand on est démocrate, on ne prend pas de telles postures. En aucune façon, il n’est pas une menace pour le RHDP. Il n’a jamais été une menace pour le RHDP. Il ne l’est pas aujourd’hui. Il ne le sera pas demain.


Réalisée par Thiery Latt