PPA-CI - Communiqué relatif aux propos xénophobes de ses militants : Une condamnation du bout des lèvres

PPA-CI - Communiqué relatif aux propos xénophobes de ses militants : Une condamnation du bout des lèvres
Le parti de Laurent Gbagbo a produit un communiqué décevant

Le PPA-CI a publié, ce lundi 18 août, un communiqué relatif aux propos à caractère xénophobe tenus par certains de ses militants lors de la marche du Front commun du 9 août dernier à Yopougon. En effet, le samedi 16 août, Laurent Gbagbo, au cours de son meeting tenu sur la place Ficgayo, avait jugé nécessaire de recadrer ses partisans. « Je n’ai pas aimé que vous chantiez 'on va installer Gbagbo, petit Mossi rentre chez toi'. Ne répétez plus ça », avait-il déclaré, annonçant dans la foulée qu’une note officielle de son parti sera publiée pour clarifier cette affaire. Cette promesse a donc été suivie d’effet. 

Mais à la lecture du communiqué en question, la déception est grande. Là où l’opinion publique, tant nationale qu’internationale, s’attendait à une condamnation claire et ferme de tels propos, le texte se contente de les justifier, les attribuant à la « colère » de militants frustrés. Une manière à peine voilée de minimiser la gravité de ces slogans, alors même que l’histoire récente de la Côte d’Ivoire a démontré les ravages causés par l’idéologie de l’ivoirité et ses déclinaisons xénophobes. Or, rien dans ce communiqué ne laisse transparaître une volonté réelle de rupture avec ces dérives dangereuses.

Si Gbagbo avait réellement voulu condamner ces propos, il aurait dû réagir dès le lendemain de leur prononciation. Mais il a attendu une semaine pour le faire. Mieux, le jour de la tenue de son meeting à Ficgayo, pendant qu'il prétendait désapprouver lesdits propos, les militants continuaient de les professer de plus belle. Sans aucune réaction de sa part. Comment pourrait-il en être autrement, quand on connaît le parcours de Laurent Gbagbo, dont la carrière politique a largement reposé sur un discours identitaire et victimaire destiné à galvaniser ses bases ? Quelques mois auparavant, plus précisément en juin dernier, à Port-Bouët, l’ancien président reprenait encore sa rhétorique favorite : « S’ils veulent qu’on se batte, on va se battre. Ça ne peut pas rester comme ça. Vous venez trouver un fils authentique chez lui et vous voulez le piétiner chez lui ? Mais non, ça ne peut pas se passer comme ça. Tu me trouves en Côte d’Ivoire et tu veux me piétiner en Côte d’Ivoire, moi ? » Des propos qui rappellent, s’il en était besoin, qu’il a bâti son leadership sur une logique de confrontation, nourrissant ses militants du sentiment d’appartenir à une « tribu assiégée ».

Dès lors, pouvait-on réellement s’attendre à un tournant dans son discours et dans celui de son parti ? La réponse semble évidente.

Condamner sans ambages de tels propos reviendrait à risquer de heurter une frange importante de son électorat, profondément imprégnée de cette vision identitaire. Comme le dit l’adage, « un chat n’accouche pas d’une souris ». Les militants sont à l'image de leur champion. Le communiqué du PPA-CI apparaît donc comme un simple exercice de communication, davantage destiné à soigner son image et à préserver ses nouvelles amitiés diplomatiques, notamment avec les régimes de l’AES (Mali, Burkina Faso, Niger), qu’à engager une véritable autocritique. En réalité, il ne s’agit que de la poudre de perlimpinpin, une stratégie d’évitement qui ne trompe personne. 

En plus de soigner son image par rapport à ses nouvelles amitiés, il faut ajouter que ce "recadrage" voulu par Laurent Gbagbo et la direction de son parti n’est pas étranger à la sortie du procureur de la République. Ce dernier, invité sur la chaîne NCI le dimanche 10 août, a annoncé que les personnes reconnues coupables de propos haineux et xénophobes lors de la marche de la veille seraient recherchées, appréhendées et jugées, mettant ainsi fin à la récréation. Le parti de Gbagbo ne manque d’ailleurs pas de dénoncer ces "poursuites judiciaires" qui pèsent sur ses militants dans ce communiqué.

Pour rappel, la loi n°2008-222 du 4 août réprime le racisme, la xénophobie, le tribalisme et les discriminations raciales ou religieuses d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 500 000 à 5 000 000 FCFA. La peine est portée au double si l’infraction a été commise par voie de presse écrite ou tout autre écrit, par radio, télévision ou tout autre instrument des nouvelles technologies de l’information et de la communication permettant une diffusion à grande échelle, si l’infraction a été commise à l’occasion ou au cours d’une manifestation publique ou d’un rassemblement à caractère politique, ou si l’infraction a été commise par un fonctionnaire, au sens de l’article 223 du code pénal.

Voilà qui est clair et qui devrait faire réfléchir les ivoiritaires de tout poil.

Rahoul Sainfort