La panne des vertus : Et si la Côte d’Ivoire reprenait sa boussole morale ?

La panne des vertus : Et si la Côte d’Ivoire reprenait sa boussole morale ?

Quand la société perd ses repères

 

La Côte d’Ivoire avance. Les routes s’étendent, les villes grandissent, les projets s’affichent. Mais au cœur de cette modernité en surface, un mal plus profond nous ronge : la perte de repères moraux. Comme un orchestre sans chef, notre société produit de plus en plus de bruit, mais de moins en moins d’harmonie.

 

Dans nos rues, nos quartiers, nos réseaux sociaux, les gestes nobles se font rares. La vertu s’efface, la décence recule. L’argent facile, la quête du pouvoir, l’égoïsme et la ruse sont devenus les nouveaux baromètres de la réussite. Les jeunes, souvent privés de repères solides, prennent pour modèles ceux qui crient le plus fort, même quand ils ont tort.

 

Où sont passées nos vertus ?

 

Autrefois, la parole d’un vieillard valait le silence d’une foule. Aujourd’hui, l’insulte fait plus d’audience que la sagesse. Ce n’est pas seulement une crise politique ou économique. C’est une crise de valeurs. Et elle concerne tout le monde : citoyens, leaders, familles, institutions.

 

La corruption, par exemple, n’est pas née dans les bureaux climatisés. Elle commence dans nos choix quotidiens : quand nous justifions le favoritisme, quand nous tolérons le mensonge, quand nous applaudissons l’injustice parce qu’elle nous arrange. Le vrai combat se joue dans les consciences, pas seulement dans les lois.

 

Ce que nous avons laissé s’effondrer

 

Nous avons peu à peu abandonné ce qui faisait notre force : le respect, la solidarité, la parole tenue, la mesure. Nous avons remplacé l’honneur par le calcul, le mérite par le clientélisme, la vérité par la rumeur.

 

Et nous en payons le prix : tensions communautaires, montée des incivilités, suspicion généralisée, perte de confiance entre les citoyens et les institutions. Une société où plus personne ne croit en personne devient une poudrière silencieuse.

 

Il est encore temps de réagir

 

Mais tout n’est pas perdu. Partout dans le pays, des femmes, des hommes, des jeunes, des anciens, se lèvent pour faire autrement. Des ONG, des associations, des entrepreneurs sociaux montrent qu’un autre avenir est possible.

 

Ce qu’il nous faut aujourd’hui, ce n’est pas seulement un plan, c’est un réveil moral collectif. Un retour à l’essentiel. Un recentrage sur nos valeurs ivoiriennes, africaines, humaines. Redécouvrons la parole sage sous l’arbre à palabres. Revalorisons la fraternité qui traverse nos alliances à plaisanterie. Transmettons aux jeunes l’exemple plutôt que le reproche.

 

L’État a son rôle, mais la société a son devoir

 

Le gouvernement peut impulser. Il peut encadrer. Mais il ne peut pas tout faire. Ce n’est pas à l’État d’enseigner le respect dans les foyers, ni d’imposer la décence dans les conversations. C’est à nous, citoyens, d’incarner ce changement.

 

Parents, enseignants, chefs traditionnels, influenceurs, artistes, journalistes… chacun peut contribuer à réinstaller la vertu dans notre quotidien. Cela commence par un mot, un geste, un refus, un silence même.

 

Retrouvons la mesure, retrouvons la paix

 

La Côte d’Ivoire n’est pas condamnée à la division, à la tricherie ou à la violence symbolique. Mais elle est à un carrefour. Si nous ne retrouvons pas la mesure dans nos actes et nos paroles, si nous n’honorons plus les vertus qui nous ont construits, alors nos progrès matériels ne seront que des façades sans fondation.

 

Chacun de nous est une brique du pays. C’est ensemble, en reprenant le goût du vrai, du juste et du bien, que nous pourrons bâtir un avenir plus solide, plus paisible, plus digne.

 

Alors oui, il est encore temps. Mais il faut commencer aujourd’hui. Par vous. Par moi. Par nous.

 

Par Norbert KOBENAN