Interview-Kouassi Wah Houphouët Ayokpa Guillaume (Imam principal de la mosquée Imane de la Riviera Abata) : « L’Aïd al Adha symbolise la foi, l’obéissance à Dieu, le sacrifice et le détachement des biens matériels de ce bas-monde »
La communauté musulmane de Côte d’Ivoire va célébrer, le vendredi 6 juin 2025, la tabaski. Considérée comme la plus grande fête musulmane, cette fête se caractérise par l’immolation d’une bête, en particulier le mouton. Dans cet entretien, le guide religieux Kouassi Wah Houphouët Ayokpa Guillaume, imam principal de la mosquée Imane de la Riviera Abata et de la mosquée Iqmat du Plateau, explique le fondement de cet acte religieux.

Le Patriote : Les musulmans vont célébrer l’Aïd al Adha, plus connue sous le nom de la tabaski, encore appelée la fête du mouton. Imam, que doit-on savoir sur cette fête ?
Kouassi Wah Houphouët : Louanges à Allah, Seigneur de l’univers. Que la paix et la bénédiction soient sur notre prophète Muhammad (s.a.w), sur sa noble famille et ses vertueux compagnons ainsi que ceux qui les ont suivis, les suivent et les suivront jusqu'au jour de la résurrection.
La fête de la tabaski, aussi appelée Aïd al Adha, est l'une des fêtes les plus importantes de l'islam. Elle est célébrée par les musulmans du monde entier, environ 70 jours après la fin du mois de ramadan. L’Aïd al Adha commémore un événement majeur : le sacrifice d’Ibrahim (a.s). Allah (s.w.t) a mis à l'épreuve la foi du prophète Ibrahim (a.s) en lui demandant de sacrifier son fils Ismaël. Le prophète Ibrahim (a.s) obéit à Dieu mais au dernier moment, Allah (s.w.t) remplaça l'enfant par un bélier, récompensant ainsi la soumission et la foi du prophète Ibrahim (a.s).
Ainsi la fête de l’Aïd al Adha en arabe et appelée communément tabaski en Afrique de l'ouest, symbolise la foi, l’obéissance à Dieu, le sacrifice et le détachement des biens matériels de ce bas-monde.
LP : La fête est célébrée à quel moment ?
KWH : Cette fête intervient au 10ème jour du 12è mois du calendrier lunaire. C’est le mois de Zhoul-Hijja. Il est important de signifier que c'est une fête qui conclue également le hajj (le grand pèlerinage, 5ème pilier de l'islam).
LP : La tabaski est aussi marquée par l’immolation d’une bête surtout un bélier. Est-ce un acte obligatoire ?
KWH : Avant de répondre, permettez-moi de faire un rappel historique sur le sacrifice en Islam. Le sacrifice en Islam est une offrande pour l'amour de Dieu dans l'espoir de se purifier, de se rapprocher du Seigneur des mondes. C'est un acte de dévotion qui date des premières époques de la vie terrestre de l'espèce humaine. Et le prophète Ibrahim (a.s) le père du monothéisme a perpétué cette tradition. En effet, on se rappelle du récit de Qabil et Habil, les deux fils de Awa. Qabil et Habil voulut marier la même femme, mais précisons, cette femme revenait de droit à Habil. Alors pour trancher, Allah (s.w.t) les invita tous à faire une offrande. Et celui dont l'offrande serait acceptée devrait marier la femme. Qabil l'aîné qui était cultivateur offrit une tine de ses céréales les plus viles tandis que Habil offrit un beau bélier. Alors le bélier fut monté au ciel au détriment de la tine de céréales, confirmant l'acceptation de l'offrande de Habil au détriment de Qabil. Voici le point de départ de l'offrande, du sacrifice de façon générale.
Le prophète Ibrahim (a.s) renouvela cet acte de dévotion par l' immolation du même bélier que Allah (s.wt) lui fit descendre en remplacement de son fils Ismaël qu'il s'apprêtait à immoler par obéissance à Dieu. Et voilà ce que Ibrahim a dit à ce propos : « En vérité, ma prière, mes actes, ma vie et ma mort appartiennent à Allah, Seigneur de L'univers. » S6V162. L’immolation est donc un acte d’adoration.
Revenant à votre question, le prophète Muhammad (s.a.w) dit dans un hadith : « Celui qui a les moyens de sacrifier et ne le fait pas, qu’il ne s'approche pas de notre lieu de prière ». À la lumière de cette parole prophétique, nous pouvons dire que le sacrifice est obligatoire et important pour ceux qui ont les moyens mais pas obligatoire pour ceux qui n'en ont pas. Pas besoin de s'endetter pour ceux qui ne peuvent pas supporter financièrement (l’achat d’un mouton). Le prophète Muhammad (s.a.w) a une fois immolé deux bêtes, la première était pour sa famille et lui. Quand il immolait la deuxième bête, il a dit : « Ça c'est pour tous ceux de ma communauté qui viendront par la suite et qui n'auront pas les moyens pour faire le sacrifice ».
LP : Une même personne peut-elle immoler plusieurs bêtes et plusieurs personnes peuvent-elles également se mettre ensemble pour immoler une bête ?
KWH : Oui, on peut immoler plusieurs bêtes. C’est permis en islam à condition que cela ne soit pas pour montrer sa puissance financière. Le prophète Muhammad même a immolé 2 bêtes. Il n’y a pas de limites, tout dépend de l'intention. Également la jurisprudence islamique autorise plusieurs personnes à se mettre ensemble pour immoler une bête, mais il faut 7 personnes. Le nombre de personne dépend de la bête. Pour le mouton, c’est une personne. Pour la vache ou le bovin, 7 personnes au maximum. Pour le chameau ou dromadaire, 7 personnes également.
LP : Comment se fait le partage de la viande ?
KWH : Le prophète Muhammad (s.a.w) a dit : « Qui sacrifie sa bête avant la prière, c'est de la viande qu'il s'offre, mais qui le fait après la prière, c'est un vrai sacrifice rituel conforme au sacrifice que font les musulmans ». Donc il est important de préciser que l'immolation doit se faire après la prière de la tabaski et jamais avant. Il est permis de retarder le sacrifice aux 11, 12 et 13 Zhoul hijja comme le dit le prophète Muhammad (s.a.w) : « Tous les jours du Tachrik sont valables pour le sacrifice. C’est-à-dire le 11,12 et 13 zoul – hijja ».
Selon les enseignements prophétiques, la viande doit être divisée en trois parties. Un tiers pour soi-même et sa famille, il est destiné à la consommation personnelle ; un tiers pour les proches, amis et voisins, ce partage favorise la fraternité et les bonnes relations sociales et le dernier tiers pour les pauvres et les nécessiteux. Ce tiers doit être donné en aumône aux personnes dans le besoin.
LP : Y a-t-il une disposition particulière à prendre avant de se rendre à la prière ?
KWH : Pour le fidèle qui se prépare à assister à la prière de l’Aïd al Adha, il est recommandé de suivre certaines dispositions spirituelles, physiques et sociales.
Les dispositions spirituelles, c'est avoir l'intention sincère d'accomplir la prière de la fête de la tabaski pour se rapprocher d'Allah (s.w.t) et non par tradition et habitude. Le fidèle doit multiplier le zikr et en particulier le Takbir avant la prière, dès l'aube du jour de Arafat jusqu'au dernier jour du Tachriq, c'est-à-dire le 13 zoul hijja.
Quant aux dispositions physiques, il faut faire la grande ablution avant de sortir, porter ses plus beaux vêtements en évitant l'extravagance, en recommandant aux hommes de se parfumer. Se rendre à la prière à pied si possible, en prenant un chemin à l'aller et un autre au retour comme l'a fait le prophète Muhammad (s.a.w).
Le fidèle doit observer un jeûne consistant à ne rien manger avant la prière de la fête de la tabaski. Le fidèle doit accomplir la prière en groupe et écouter le sermon qui suit la prière. Après la prière, il devra satisfaire à certains comportements sociaux comme féliciter les autres musulmans, manifester la joie et la fraternité tout en respectant les limites de l'islam.
Qu'Allah nous accorde ce jour de l’Aïd al Adha. Puisse Allah nous enseigner les pratiques qui nous permettent de nous purifier et nous rapprocher de lui.
Bonne fête à tous et à toutes. Que Dieu nous accorde plusieurs fêtes de la tabaski. Amine.
Réalisée par DM