Thiam, les Ivoiriens et l’idiotie

Samedi, la Coalition pour une Alternance Pacifique (CAP) a rassemblé ses militants sur la place Ficgayo à Yopougon, réaffirmant son engagement à peser sur l’élection présidentielle d’octobre prochain. Cette coalition, qui réunit une vingtaine de partis anecdotiques autour du PDCI-RDA, réclame « un dialogue politique » malgré l’imminence de la phase finale du processus électoral, avec la publication prochaine de la liste électorale définitive et l’étape du parrainage citoyen.
La rencontre a été ponctuée par des discours de figures de l’opposition comme Simone Ehivet Gbagbo et Affi N’Guessan. Mais c’est l’intervention à distance de Tidjane Thiam, président controversé du PDCI-RDA, qui a marqué les esprits. À 6000 kilomètres de là, esquivant la rudesse du terrain et les défis du combat politique qui l’attendent, loin des plateaux de télévision et des bureaux feutrés parisiens, l’ancien patron de Crédit Suisse a choisi une formule aussi irréfléchie que maladroite. « Les Ivoiriens ne sont pas idiots », a-t-il déclaré à ces quelque 5000 partisans réunis sur cet espace de la plus grande commune du pays.
Oui, Thiam a parfaitement raison. Son éloignement prolongé de la Côte d’Ivoire et son retour opportuniste sont des éléments qui alimentent la méfiance d’une grande partie des Ivoiriens qui sont loin d’être des idiots. Peut-on légitimement prétendre diriger un pays sans en avoir partagé les réalités du quotidien ? Son expérience internationale, bien que prestigieuse, renforce les doutes sur son attachement aux enjeux nationaux. De plus, les tensions internes au sein du PDCI sous sa direction illustrent les difficultés qu’il pourrait rencontrer pour rassembler.
Ils ne sont effectivement pas idiots, les Ivoiriens. Ils ne sont pas idiots pour faire confiance à quelqu’un qui a fui les difficultés du pays pendant 23 longues années, ignorant ses peines et ses meurtrissures et promettant, devant caméra, de ne plus s’y jeter dans le marigot politique. Et qui y revient, par pur opportunisme, avec l’ambition presqu’indécente de le gouverner. Quelqu’un qui se nourrit de statistiques livresques et de rapports d’organismes sur son pays, parce que le connaissant très peu. Et qui traite - quel sacrilège - le Code de la nationalité de son pays de « sombre loi ». Qui a toujours travaillé pour la France, à deux doigts d’intégrer le gouvernement de ce pays il y a quelques années, et qui a beaucoup calculé avant de se décider à renoncer à la double nationalité.
Ils ne sont pas non plus idiots les Ivoiriens. Pour faire confiance à un homme qui a trompé les militants du PDCI. Quelqu’un qui tripatouille les textes d’un parti qu’il n’a pas créé, qu’il n’a pas contribué à construire et qui s’entoure d’une clique de revanchards pour faire main basse sur une machine qu’il ne connaît que de loin. Pour ne pas dire très peu pour n’y avoir ni milité, ni assisté à une seule réunion, pendant plus de deux décennies. Un homme d’un clan, qui a montré toute son incapacité à rassembler la famille, et bien plus, a amplifié par sa gouvernance chaotique la fracture au sein du vieux parti en écartant les Héraults d’hier
Ils ne sont aussi pas idiots, les Ivoiriens. Pour suivre des opposants sans boussole, sans projets ni vision. Des hommes et des femmes qui sont dans le déni permanent des progrès substantiels et palpables réalisés par la Côte d’Ivoire depuis 2011. Des acteurs politiques qui se ridiculisent, chaque jour, en peignant tout en noir, même les choses les plus évidentes qui sautent aux yeux. Des gens peu crédibles qui ont passé le plus clair de leur temps à boycotter les processus électoraux et qui se rendent subitement, aujourd’hui, compte de leur retard et veulent bouleverser le calendrier électoral quitte à piétiner les délais constitutionnels. Et fouler au sol les principes démocratiques, qu’ils prétendent pourtant défendre.
Enfin, les Ivoiriens ne sont pas idiots. Pour tourner le dos à un président qu’ils connaissent et qui les connaît. Un grand homme d’Etat qui a immensément fait ses preuves. Un chef d’Etat, qui a sauvé Félix Houphouët-Boigny de la honte, au début des années 90, en évitant au pays la faillite, et qui lui a permis une sortie honorable en 1993.
Un président qui a combattu de bons et justes combats et qui, depuis quatorze ans, s’échine à redresser le pays. Ce qu’il a d’ailleurs réussi brillamment, en relançant l’économie ivoirienne, en structurant l’administration, en ramenant la sécurité, la paix, et en construisant de nombreuses infrastructures majeures. Autant de réalisations qui font la fierté de la Côte d’Ivoire, et ont considérablement redoré le blason du pays, qui a repris toute sa place dans le concert des Nations. Après les parenthèses douloureuses des ivoiritaires dont Thiam faisait partie en 1999 et des refondateurs, de 2000 à 2010, les Ivoiriens ne commettront plus la grave erreur de confier les rênes du pays, à un aventurier. Ils ne sont pas si idiots pour faire…cette balourdise. En un mot, l’élection à venir ne sera pas simplement un choix partisan, mais une décision cruciale entre continuité et rupture. Les Ivoiriens, loin d’être naïfs, sauront analyser ces enjeux pour faire un choix éclairé.
Charles SANGA