Dura lex, sed lex : Le rêve brisé

À six mois de l'élection présidentielle prévue, selon la Constitution, le 25 octobre prochain, le président et candidat désigné du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, se retrouve déjà hors course. Une plainte déposée par huit requérants – parmi lesquels figurent des militants de son propre parti – a conduit le président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan à ordonner, au terme d’un procès relatif au contentieux électoral, la radiation de Tidjane Thiam de la liste électorale. Le motif ? Lors de son enrôlement, il était citoyen français. L’article 48 du Code de la nationalité énonce clairement : « Perd la nationalité ivoirienne, tout Ivoirien qui acquiert volontairement une autre nationalité ou déclare la reconnaître… ».
Entré en politique par opportunisme, Tidjane Thiam découvre à ses dépens que la Côte d’Ivoire a changé, et cette transformation marque une étape cruciale dans son histoire politique. Elle n’est plus cette nation où les intérêts partisans dominaient les institutions judiciaires, où le PDCI, autrefois au pouvoir, manipulait juges et lois pour écarter des candidats de la course présidentielle. Aujourd’hui, la séparation des pouvoirs est devenue une réalité tangible, et ni le chef de l’État ni son parti ne s’immiscent dans la gestion des contentieux électoraux.
Cette évolution témoigne de la maturité démocratique du pays, où les institutions fonctionnent désormais de manière autonome, garantissant une justice impartiale et équitable. Les tribunaux appliquent la loi avec rigueur, sans favoritisme ni influence politique, affirmant ainsi la primauté du droit sur les intérêts individuels ou partisans. Ce progrès est le fruit d’une volonté collective de bâtir un État de droit solide, où la transparence et l’équité sont les piliers de la gouvernance. Il reflète également l’engagement des citoyens à protéger les acquis démocratiques et à promouvoir une culture politique basée sur le respect des règles et des institutions.
Loin de comprendre cette réalité tangible, Tidjane Thiam accuse la justice d’être soumise au politique. Mais, il paie plutôt pour ses propres turpitudes. Visiblement, l’ingénieur, qui prétendait apporter des « solutions concrètes », n’a pas préparé son entrée dans l’arène politique. Ses maladresses, son narcissisme outrancier et outrageant trahissent une ambition démesurée : devenir président de la République de Côte d’Ivoire à tous les coups. Après avoir quitté la tête de Crédit Suisse, il s’est lancé dans une conquête précipitée du pouvoir, croyant que la prise en main du PDCI-RDA, suite au décès soudain du Président Henri Konan Bédié en août 2023, suffirait à garantir son succès. Cependant, cette stratégie a suscité des résistances au sein même de son parti, où certains militants rejettent son leadership.
Face à ce revers, Tidjane Thiam apparaît comme un boxeur groggy, seul face à son destin. Les cadres irréductibles qui l’ont poussé dans cette aventure – motivés par leur opposition au Président Alassane Ouattara – voient en lui un challenger idéal, grâce à son parcours dans la finance internationale et son supposé carnet d’adresses. Mais la réalité politique ivoirienne rattrape le polytechnicien. Que fera-t-il désormais ? S’engagera-t-il dans une bataille judiciaire ? Rien n’est moins sûr. En 1999, il avait fui le pays au moindre coup de feu. Devant les caméras de la presse internationale, il avait clairement indiqué être échaudé par le situation politique créée par le coup d’Etat et qu’il ne souhaitait plus s’y engager. Aujourd’hui, il pourrait bien se contenter de dénoncer la loi ivoirienne depuis l’étranger, qualifiant le Code de la nationalité de « sombre loi que personne ne connaît ».
Cependant, les Ivoiriens, dans leur écrasante majorité, protégeront leur pays contre toute tentative de déstabilisation. Ils se mobiliseront pour préserver la paix et poursuivre la marche vers le progrès et l’enracinement de la démocratie. Avec des institutions solides et crédibles, la Côte d’Ivoire avancera inexorablement, refusant les arrangements politiques au profit de l’État de droit. Dura lex, sed lex – « La loi est dure, mais c’est la loi ». Cette maxime rappelle l’importance du respect des règles, même lorsqu’elles semblent sévères ou injustes. Ainsi va la démocratie.
Charles SANGA