Leçons d’une opération

Leçons d’une opération
Le président de la CEI, Ibrahime Coulbaly-Kuibiert , a saisi toutes les tribunes pour expliquer et le bien-fondé de l'opération et son mode opératoire (ph DR)

Etape importante avant l’élection présidentielle d’octobre 2025, l’opération de révision de la liste électorale s’est achevée le dimanche 17 novembre dernier. Pendant quatre semaines - elle avait débuté le 19 octobre 2024 -, les Ivoiriens en âge de voter, qui ne figurent pas le listing électoral, ont eu le loisir de s’y inscrire, en fournissant bien entendu les documents administratifs requis.

L’objectif, selon la Commission électorale indépendante (CEI), était de rechercher environ 4 millions de nouveaux inscrits, dont une majorité de primo-votants, pour porter le nombre d’électeurs de 8 à 12 millions. Mais, au bout de la course, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs ! Seulement un peu plus de 900 000 Ivoiriens ont été enregistrés sur la liste électorale. Ce qui confirme a priori le faible engouement des populations pour cette opération. Il y a un an, pour la même opération, il n’y avait que 500 000 inscrits. Pourquoi les Ivoiriens sont-ils si indifférents à un processus aussi important ?

A dire vrai, la désaffection des Ivoiriens pour cette nouvelle révision de la liste électorale appelle à une vraie réflexion. Pour en tirer les leçons qu’il faut. De prime abord, des acteurs politiques, notamment ceux de l’opposition, imputent cela à la CEI et au gouvernement d’avoir volontairement imposé un délai court pour l’opération. Ce qui, selon eux, n’a pas permis à un maximum de requérants de se faire enrôler. D’aucuns évoquent des « tracasseries » pour l’obtention des papiers requis (CNI, certificat de nationalité) pour l’inscription sur la liste électorale. « La CEI s’est rendue responsable de l’exclusion de milliers de citoyens ivoiriens du processus électoral… » a même accusé le Parti des peuples africains (PPA-CI), par son président exécutif, Sébastien Dano Djédjé, lors d’une déclaration.
A la vérité, c’est une analyse erronée, et tendancieuse, de cette opération, consistant à totalement dédouaner les partis politiques, en l’occurrence le PPA-CI, et faire porter tout le chapeau de cet « échec » à la pauvre CEI. C’est de la manipulation et surtout une très mauvaise lecture de la situation. Car, disons-le tout net, le rôle de la CEI n’est pas de tirer les Ivoiriens de leur lit pour qu’ils aillent s’inscrire massivement sur la liste électorale. Sa mission, c’est de mettre en place le dispositif technique – pas moins de 16 000 centres ont été ouverts sur l’ensemble du territoire national – et de faire la sensibilisation. Ce qu’elle a d’ailleurs fait intensivement, en utilisant plusieurs canaux de communication ; et personne en Côte d’Ivoire ne peut dire qu’il n’était pas au courant de cette révision de la liste électorale.
Ce que ces opposants refusent d’admettre, c’est qu’il appartenait plutôt aux partis politiques, qui ont besoin de voix dans les urnes, de mobiliser suffisamment leurs militants afin qu’ils s’inscrivent sur la liste électorale. Ce qu’ils n’ont pas réussi, force est de le connaître. Sur le terrain de la mobilisation, le RHDP était seul ; le PPA-CI, le PDCI et le FPI quasiment absents. Aucune effervescence en leur sein, aucune présence réelle sur le terrain. D’ailleurs, la brève tournée du président du PDCI, qui a sillonné quelques localités, est l’arbre qui cache une forêt de défaillances. C’est la première leçon à tirer de cette opération. 
Le deuxième enseignement à retenir, c’est que les Ivoiriens, sans doute échaudés par les crises précédentes, ne se passionnent plus pour la politique, encore moins les élections. Le traumatisme de la présidentielle de 2010, qui a débouché sur une crise postélectorale ayant fait officiellement 3000 morts, est encore dans les esprits. Conséquence : des Ivoiriens ne veulent plus jamais voter ! Et comme l’inscription sur la liste électorale n’est pas contraignante, ils ont le loisir de ne pas le faire. De plus, cette aversion pour la politique est malheureusement nourrie chez eux par les déclarations enflammées de certains hommes politiques qui prospèrent dans la belligérance et font planer, à onze du mois du scrutin, le spectre d’une crise qui n’a pas lieu d’être, en cherchant à discréditer la CEI et le processus électoral. Ces sorties irresponsables, qui relèvent de la manipulation, ne sont pas de nature à rasséréner les Ivoiriens. Qui aspirent au développement dans la paix et à la stabilité.
Justement, c’est ce que leur offre le Président Alassane Ouattara et son gouvernement depuis 2011. A y voir de près, les Ivoiriens dans leur écrasante majorité n’ont aucune soif de changement. Conscients que le pays a franchi un grand cap sous Alassane Ouattara avec toutes les infrastructures qu’il a bâties, ils préfèrent dans leur for intérieur, excepté ceux qui sont aveuglés par le fanatisme politique, que la Côte d’Ivoire poursuive sa belle dynamique de développement enclenchée, il y a treize ans par le RHDP et son président. Surtout qu’en face quand ils regardent, ils ne voient aucune alternative crédible. Ni Laurent Gbagbo, un homme du passé et dépassé ; ni Tidjane Thiam, un ovni politique en manque de légitimité n’incarnent, à leurs yeux, une nouvelle espérance pour la Côte d’Ivoire. En tout cas, ces deux hommes-là, qui ont échoué à créer une effervescence autour de la révision de la liste électorale, ne les font pas du tout rêver. C’est sans doute la troisième leçon à apprendre de cette opération. Et, pour sûr, la plus cruciale.

Charles Sanga