Interview-Serge Dioman Parfait (Expert international en industries pétrolières et énergies) : « Les voitures électriques se rentabilisent à court ou moyen terme »
Les véhicules électriques sont de plus en plus en vogue. Dans cet entretien, Serge Dioman Parfait, expert international en industries pétrolières et énergies, présente les avantages de ces véhicules ainsi que les différentes offres des concessionnaires. Il en profite pour donner quelques conseils sur la maitrise de la consommation énergétique dans les ménages.
Le Patriote : Les voitures électriques sont en vogue. Est-ce un effet de mode ou une réelle transition ?
Serge Dioman Parfait : Qu'il s'agisse de voitures neuves électriques ou d'occasion, les concessionnaires ont renchéri la diversité de l'offre. La demande est en hausse en effet. Les populations vivent à l'ère transitionnelle énergétique et sont bien au parfum de l'air du temps des technologies nouvelles.
Elles sont donc sensibilisées à l'éco-responsabilité et baignent dans la mouvance de verdisation, dite bas-carbone, que procurent les voitures électriques. L'on ne saurait alors parler d'effet de mode mais d'une double nécessité écologique et économique plutôt car l'insignifiante empreinte carbone au roulage et le faible prix du carburant électrique, comparés à ceux de l'essence et au gasoil routier, les rendent attrayantes.
LP : Le prix d'achat des voitures électriques serait-il particulièrement abordable en ce moment donc ?
SDP : Une chose sûre est qu'il est à la baisse. Et d'ailleurs, ces voitures se rentabilisent à court ou moyen terme grâce aux faibles coûts de maintenance et de carburant électrique.
Pour preuve, après donc la génération des premiers électro-automobilistes qui recevaient des véhicules électriques de fonction de la part des entreprises, il y a de cela quelques années, l'on voit de plus en plus de particuliers, en quête de voitures électriques personnelles, se rendre au présentoir autos des concessionnaires de diverses marques en places.
LP : Cela reste une affaire de nantis…
SDP : Pas nécessairement vu la disponibilité des gammes neuves et d'occasion accessibles à différents budgets.
LP : Qui sont alors ces nouveaux électro-automobilistes ?
SDP : En fait, certaines personnes qui ont déjà vécu l'expérience des voitures électriques, ailleurs sous d'autres cieux, sont donc dans la continuité de ladite expérience une fois rentrées au pays. C'est pour elles plus une question d'habitude et d'éco-conformisme en général. Pour d'autres, ces fêtes de fin d'année furent l'occasion de faire leurs premiers pas dans l'univers de l'électrique pour s'en offrir une ou en faire cadeau. Tout ceci ayant au final contribué à booster les ventes.
LP : Le coût du carburant électrique serait-il l'une des motivations majeures pour ces électro-automobilistes ?
SDP : Pour ces véhicules truffés d'électroniques, le défi majeur n'est pas tant le prix d'achat, vu qu'il s'amortit, mais la quête d'un environnement infrastructurel adéquat. Quand le linéaire routier est de qualité et que l'on dispose d'une facilité d'accès aux bornes de rechargement, la motivation est là.
Pour la Côte d'Ivoire, qui représente 50% du réseau de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), les infrastructures routières déployées par l'Agence de gestion des routes (AGEROUTE CI) sont incitatives pour le plein essor du 100% électrique, d'ailleurs acté dans les mœurs.
L'appui opérationnel de la Société multinationale de bitumes (SMB), unique raffinerie de bruts à bitumes du genre en Afrique, est en ce sens alors à saluer vu son offre de bitumes réputés résilients sous diverses rudesses climatiques.
LP : Rouler à l'électrique, d'accord donc, mais comment s'y retrouver dans toute la gamme d'offres actuelles ?
SDP : Si basculer du carburant fossile vers le 100% électrique peut paraître difficile, sinon lointain pour certains, une chose sûre est que la transition se fera. Les raffineries pétrolières du monde sont en migration vers les carburants électriques tandis que des fabricants de voitures thermiques planifient l'arrêt de production dans l'enveloppe de la décennie à venir.
Et déjà, certains pays commencent d'ailleurs à les tenir à l'écart des routes de grandes villes. Elles y sont interdites.
Le rôle des concessionnaires autos est donc d'accompagner cette transition au travers d'offres variées allant du 100% électrique aux voitures de types hybrides. Les choix vont des citadines aux 4x4 tout-terrain jusqu'aux poids lourds, taxis, bus de transport, tracteurs et autres camions de chantier, etc.
Alors, même si l'électro-automobiliste réalise des économies de carburant de l'ordre de 75%, le critère de choix primordial pour s'y retrouver est l'autonomie des batteries électriques. Sinon, faudrait-il songer au choix de voitures phybrides qui ont un roulage mixte via les carburants fossile et électrique.
LP : Quelles seraient les mesures d'accompagnement qui pourraient être des défis au plein essor de la filière ?
SDP : Du point de vue endogène, la différence notable entre les marques du marché reste l'autonomie des batteries. Certains modèles garantissent même un roulage d'au moins 700 à 900 kilomètres sans rechargement en route.
Par ailleurs, si l'on parle de véhicules électriques, il va sans dire que le renforcement des capacités des garages, appelés à se mettre à niveau et se spécialiser pour intervenir sur les véhicules 100% électriques, est fondamental. Il en va de même du besoin de pièces de rechange électroniques, etc.
Des questions exogènes relatives au taux de couverture électrique du pays concerné, son taux de disponibilité électrique et le coût du kilowattheure (kWh) d'électricité consommée lors du rechargement en espace public ou à domicile entre autres, sont à considérer.
LP : En général, qui a la responsabilité d'installer les bornes de rechargement et d'en assurer la garantie ?
SDP : Dans le domaine public, des stations services, des centres commerciaux, des aires de repos d'autoroutes, des parkings d'aéroports, de restaurants et boulangeries, etc. proposent du rechargement moyennant un paiement. Dans un cadre privé d'entreprises, l'on en trouve même pour les besoins de leurs véhicules de fonction.
Une profession nouvelle s'est donc développée autour de cette opportunité pour laquelle un agrément est nécessaire, car il s'agit d'électricité et de risques afférents avant tout.
D'autre part, tandis qu'un plein de véhicule thermique se fait en l'espace de 5 minutes en moyenne, la durée du rechargement aux bornes électriques peut aller au-delà de dizaines de minutes. C'est une préoccupation qui va de paire avec la disponibilité effective de bornes à rechargement rapide sur l'ensemble du territoire national en question.
Au final, le rechargement à domicile devient une alternative.
LP : Le rechargement à domicile serait-il moins coûteux ?
SDP : Il aura un impact sur la consommation globale. Il sera corrélé au coût de l'index habituel indiqué sur notre facture car en effet, un compteur électrique ne fait pas de différence entre les kilowattheures (kWh) sourirés pour tel ou tel usage.
Au besoin, se rapprocher de la compagnie d'électricité locale pour réajuster l'ampérage du compteur électricité du domicile pour tenir compte de la puissance prévisionnelle de la voiture électrique à brancher au secteur. Au meilleur des cas, il est conseillé de le faire de nuit ou au coucher. L'on songera bien dans ce cas alors à arrêter un chauffe-eau ou un congélateur entre autres pour éviter la surconsommation ou la surcharge électrique.
LP : Justement, d'aucuns trouvent, à tort ou à raison, que les factures d'électricité reçues après les fêtes de fin d'année sont élevées. Qu'en est-il réellement ?
SDP : Une facture, élevée ou pas, n'est que la restitution de notre consommation effective. Techniquement dit, la compagnie d'électricité n'a aucun moyen de rajouter des kilowattheures non consommés sur une facture. Il importe que cela soit clairement entendu et su. Pour des compteurs électroniques et numériques, une offre en pré-paiement existe à cet effet pour maîtriser sa consommation.
Toutefois, vu que les fêtes du nouvel an s'avèrent être des périodes festives où l'on a facilement tendance à aller à de la surconsommation électrique, par omission ou par ignorance de certaines dispositions d'efficacité énergétique, il en résulte que nos appareils ménagers énergivores sont souvent à l'origine première de la tendance haussière de nos factures.
LP : Les véhicules électriques rechargés à domicile sont-ils considérés comme des surconsommateurs ?
SDP : Des kits de rechargement économique, de type 100% solaire ou de type hybride, c'est-à-dire pouvant fonctionner soit au solaire soit au travers de la fourniture électrique du réseau, sont proposés pour les domiciles par quelques concessionnaires innovants.
Certains kits de rechargement de voitures électriques à domicile sont en revanche des surconsommateurs d'énergie. A l'achat, il faudrait alors vérifier l'étiquetage de performance énergétique. C'est un marquage collé sur le kit pour notifier son potentiel plus ou moins consommateur d'électricité.
Depuis le 1er juillet 2024 en effet, tous les appareils neufs importés en Côte d’Ivoire en sont obligatoirement marqués pour informer le consommateur à toutes fins utiles et ce, sur les lampes, congélateurs, réfrigérateurs, climatiseurs, etc.
LP : Quelques conseils à la suite des fêtes du nouvel an ?
SDP : Toute période festive nous expose, par conscience ou par ignorance, à une surconsommation d'électricité. Sauf que le gaspillage énergétique chronique, qui s'étend au-delà donc des fêtes est un risque de ‘’janviose’’ exacerbée par une facture d'électricité surconsommée qu'il faudra alors payer.
C'est pourquoi, la maitrise de la consommation énergétique commence, à l'achat, par prioriser les appareils économiques au détriment des types énergivores. Leur coût se rentabilise.
En termes d'autres bonnes pratiques, prière en outre d’espacer les congélateurs et réfrigérateurs d'au moins 15 centimètres des murs et les dégivrer entièrement pour ôter le givre avant de refaire son plein alimentaire. Nous veillerons aussi à éteindre les luminaires et ampoules en journée, y compris les téléviseurs et les chaînes de musiques quand personne n'est à l'écoute, de même qu'arrêter le ventilateur qui tourne à vide.
LP : Les climatiseurs sont souvent pointés du doigt, même par temps frais d'harmattan. Pourquoi ?
SDP : Ce sont des appareils frigorigènes. Quand ils sont encrassés de poussières d’harmattan, si l'entretien périodique n'est pas fait, ils souffriront donc à aspirer l'air frais et entreront en surconsommation. Idem quand ils manquent de gaz ou quand les baies vitrées des portes et fenêtres ne sont pas recouvertes de voilages adéquats. Le pire est quand celles-ci ont des trous de passage du froid vers l'extérieur ou quand elles sont laissées entrouvertes.
LP : Qu'en est-il du bon réglage économique à effectuer pour nos climatiseurs ?
SDP : Ils pourraient aussi être en surconsommation quand ils sont mal réglés. D'ailleurs, à quoi sert-il de glacer à l'extrême la chambre à coucher ou le salon pour ensuite dormir sous une double couette de lit ou doubler le pull-over parce qu'on aurait finalement pris froid ?
En ces temps d'harmattan où l'on enregistre moins de 18°C dans certaines régions, voire 13° au Nord et dans l'Ouest montagneux, il n'est point nécessaire d'utiliser le climatiseur. Un petit ventilateur suffit amplement pour brasser l'air.
Et enfin, toujours garder à l'esprit la règle de l’art qui est de savoir qu'un écart de plus 10°C entre la télécommande intérieure et la température ambiante prévalant à l'extérieur pousse le climatiseur en surconsommation. C'est un état où il souffle du vent bruyant comme un ventilateur brassant l'air.
Réalisée par Anzoumana Cissé