Suicide collectif
Les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. En se rendant à la COP29 – la 29ème Conférence des parties sur le climat organisée par l’Organisation des Nations unies - qui s’est tenue du 11 au 22 novembre 2024, à Bakou, en Azerbaïdjan, les pays les moins développés espéraient des engagements forts des grandes puissances dans la lutte contre le réchauffement climatique. Surtout qu’elles sont les plus grands pollueurs, Chine et Etats-Unis en tête.
Selon l'Accord de Paris signé en 2015, les Etats doivent présenter tous les cinq ans leurs plans d'actions climatiques, avec en toile de fond, des "contributions déterminées au niveau national" (NDC). La troisième salve de révision, avec des objectifs à 2035, doit être publiée d'ici février.
Ainsi, en prélude à cette échéance, la COP29 avait pour objectif d’engager les pays nantis à définir un montant global de l'aide climatique afin d’aider les pays en développement à assurer leur transition. L’enjeu était donc crucial, pour la survie de la planète.
Mais, après une dizaine de jours d’intenses négociations, les pays riches ont décidé de ne lever que 300 milliards US par an d’ici 2035 contre 1.300 milliards attendus par les nations pauvres. Une très faible « aide climatique » qui a profondément déçu, voire irrité, les dirigeants des pays du Sud. « Vous attendez de nous que nous ayons des NDC ambitieux, mais avec 300 milliards, regardons la vérité en face, c'est totalement irréaliste », a même tempêté le Nigeria.
De toute évidence, la COP29 n’a pas renvoyé au monde, surtout aux pays qui souffrent le plus de la pollution, des signaux encourageants pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si avec l’Accord de Paris, ils étaient au vert, désormais ils sont passés à l’orange, avec le risque bien réel de virer, dans les années à venir, au rouge. D’autant que les pays développés n’en font visiblement plus leur priorité à l’image des Etats-Unis d’Amérique qui menacent, avec la future administration Trump, de se retirer, encore une fois, de l’Accord de Paris.
Comment comprendre cette attitude alors qu’il y a péril en la demeure ? D’après le nouveau rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) sur les émissions de gaz à effet de serre, même si des progrès ont été réalisés depuis la signature de l'Accord de Paris en 2015, avec une augmentation de 3% au lieu des 16 % initialement prévus, les émissions de gaz à effet de serre prévues pour 2030 doivent encore diminuer de 28 % pour limiter le réchauffement climatique à 2 °C dans le cadre de l'accord de Paris et de 42 % pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
Malheureusement, face à un monde en danger, les grands se dérobent, empêtrés dans des querelles de clochers autour de la question du dérèglement climatique, qui font perdre de vue l’essentiel. Et, ce qui est paradoxal, pour ne pas dire ahurissant, ces pays injectent des sommes colossales dans la guerre russo-ukrainienne, en soutien à l’Ukraine ou à la Russie. Ou encore fournissent des armements, à coup de milliards de dollars, à l’armée israélienne dans le conflit au Proche-Orient et dans d’autres conflits armés à travers le monde. D’un côté, on refuse de donner de l’argent pour sauver de vie, et de l’autre on ouvre le robinet de billets de banque pour arracher des vies. Est-ce que ce monde est sérieux ? Comme le fredonne le célèbre chanteur français, Francis Cabrel. « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs », alertait, déjà, l’ancien Président de la République française, Jacques Chirac, au Sommet de la Terre en 2002. L’Afrique ne produit que 4% de la pollution mondiale, mais c’est à elle que les grand pollueurs demandent des sacrifices et c’est elle qui, malheureusement, subit les plus grandes conséquences de la pollution .
En parallèle de Bakou, se sont tenues à Busan en Corée du Sud, les négociations entre délégués de plus de 175 pays qui tentaient de se mettre d'accord sur un traité contraignant pour venir à bout de la pollution plastique qui empoisonne la santé humaine et des écosystèmes. Organisée, du 25 novembre 2024 au 1er décembre, cette conférence a aussi buté sur l’intransigeance des « grands ». Là encore, c'est un constat d'échec.
A l’allure où vont les choses, beaucoup de pays africains et asiatiques pourraient revoir à la baisse leurs ambitions futures en matière de réduction de gaz à effet de serre, et, qui sait, reléguer la lutte contre le changement climatique au second plan. Autrement, ils vont continuer, à leurs risques et périls d’ailleurs, de développer tranquillement leurs énergies fossiles et, dans une certaine mesure, ne plus se sentir concernés par la question climatique.
Les rencontres de Bakou et Busan ont suscité beaucoup d’attentes. Au finish, l’espoir a fait place à la déception. Et ce n’est pas bon signe pour le futur de la Terre. Car, à en croire l'ONU, les engagements actuels, même pleinement mis en œuvre, entraîneraient une hausse dévastatrice de la température mondiale de 2,6°C d'ici 2100 par rapport à l'ère préindustrielle. C’est peu dire, d’affirmer que notre planète court à sa perte et veut se suicider. Car, quand la nature se fâche, on l’a vu, nul n’est épargné. Grands comme petits pays. Un suicide collectif qui met surtout en danger les générations à venir. « Apprenons à vivre ensemble comme des gens intelligents, sinon nous mourrons ensemble comme des idiots », a averti l’artiste Alpha Blondy.
Charles Sanga