Arrêtons de nous faire peur

Arrêtons de nous faire peur
Hubert Oulaye, 2e vice-président du PPA-CI

"Si Gbagbo n'est pas inscrit sur la liste électorale, il n'y aura pas d'élection". C'est la menace surréaliste en forme de chantage que l'ancien ministre de la Fonction publique, Hubert Oulaye, a lancée implicitement aux autorités ivoiriennes la semaine dernière, lors d'un séjour à Zoukougbeu. 
Manifestement, le PPA-CI, formation politique de Laurent Gbagbo, à travers ces propos de son 2ème vice-président, veut faire planer, à nouveau, une épée de Damoclès sur la tête du pays, et ainsi donner le sentiment qu'une crise politique point à l'horizon, alors qu'il n'en est rien. 
Car, depuis 2011, et la fin de la parenthèse honteuse et douloureuse du régime frontiste, la Côte d'Ivoire a renforcé son exercice démocratique avec des élections locales et générales transparentes, ouvertes et apaisées. Les présidentielles de 2015 et 2020 ainsi que les législatives du 6 mars 2021, les municipales et les régionales du 2 septembre 2023 et les sénatoriales du 16 septembre 2023 en sont des illustrations parfaites. Des scrutins qui se sont globalement bien déroulés sans violence, exceptés quelques incidents mineurs. Par exemple, l'an dernier, tous les observateurs avaient salué la participation de toutes les forces politiques significatives du pays, dont le PPA-CI, à ce double scrutin local. Toute chose qui confirme l'enracinement de la jeune démocratie ivoirienne. D'où vient-il alors que le PPA-CI agite aujourd'hui le chiffon rouge pour faire croire qu'il y a péril en la demeure parce que son leader est empêtré dans des démêlés avec la justice? 
A dire vrai, comme l'a si bien relevé le ministre d'Etat et porte-parole du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), Kobenan Kouassi Adjoumani, le PPA-CI n'est pas dans une logique d'aller aux élections. Sa quasi-absence sur le terrain où l'on ne note aucune action notable de sa part en est une épreuve évidente. La question de la candidature de Laurent Gbagbo n'est donc qu'un paravent pour masquer la faiblesse du PPA-CI qui, depuis sa création en octobre 2021, n'a jamais réussi à exister sur l'échiquier politique national. En 2023, lors des municipales, le Ppa-CI n'a triomphé que dans trois communes pour zéro région. Même avec Gbagbo et son nom qu'il brandit, le PPA-CI ne pèse pas grand-chose sur la scène politique nationale. Hubert Oulaye, Koné Katinan... et Gbagbo lui-même le savent bien. C'est pourquoi, ils optent à dessein pour la surenchère politique en créant des polémiques inutiles, au lieu d'investir le terrain. Comme il se doit. Et proposer, à tout le moins, une alternative crédible au RHDP. Mais, on le sait tous, le PPA-CI n'a ni les hommes ni les moyens de rivaliser en ce moment avec le parti au pouvoir. Et ce qu'il trouve de mieux à faire, c'est de brandir la menace de troubles. Disons-le tout net, Gbagbo et son parti jouent à se faire peur, avec cette menace puérile.  Et après, c'est pour fuir le pays, après avoir mis le feu aux poudres, comme en 2010 et 2020. Les faux braves, ceux qui crient sur tous les toits et à la moindre étincelle prennent la poudre d'escampette, on en a assez vu dans ce pays. 
Manifestement, Gbagbo et ses hommes n'ont pas tiré les leçons du passé, surtout celles de leur éviction du pouvoir, il y a maintenant treize ans. 
A quoi sert de jouer la carte de la violence, quand le fil du dialogue n'a jamais été rompu ? Et surtout que les autorités multiplient les gestes d'apaisement et sont soucieuses de la préservation de la stabilité de la Côte d'Ivoire. 
De toute évidence, le PPA-CI se trompe de combat et d'époque. Le temps de la belligérance est révolu. Place désormais aux échanges constructifs dans le respect des institutions. "Le dialogue est l'arme des forts", répétait à l'envi le Président Félix Houphouët-Boigny. Il se sert à rien de vouloir brûler le pays pour si peu. 
Le PPA-CI gagnerait donc à changer de fusil d'épaule. Et à faire profil bas quand on sait que le refus catégorique de son président de se soumettre au verdict des urnes a provoqué un conflit postélectoral ayant causé officiellement la mort de 3000 personnes. Si tant est que l'inscription de son premier responsable, Laurent Gbagbo, sur la liste électorale le préoccupe, il devrait plutôt saisir la justice qui a condamné l'ex-chef d'Etat à une réclusion de 20 ans pour le braquage de la BCEAO, en pleine crise postélectorale de 2010-2011. C'est si simple que ça. Pas besoin de remuer ciel et terre. 
Prendre le raccourci de la violence, c'est s'exposer inévitablement à des poursuites judiciaires. Avec le risque très grand de se retrouver derrière les barreaux. À bon entendeur... 


Charles Sanga