Affaibli et miné par de graves dissensions internes : Pourquoi le PDCI rêve debout et ne peut absolument pas gagner en 2025

Affaibli et miné par de graves dissensions internes : Pourquoi le PDCI rêve debout et ne peut absolument pas gagner en 2025
Tidjane Thiam et le PDCI devraient revoir leur copie

En politique, comme dans tout autre secteur, le rêve est permis. Mais, parfois, certains acteurs rêvent trop loin et visent des objectifs quasi-inatteignables, au regard de leurs forces du moment. C’est justement le cas du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA). Voilà un parti politique qui a perdu presque tous ses bastions, et se recroqueville aujourd’hui dans le centre du pays, mais clame à cor et à cri qu’il gagnera, à la surprise générale, l’élection présidentielle d’octobre 2025. A l’image du parcours singulier des Eléphants de Côte d’Ivoire à la CAN 2023, une compétition au cours de laquelle, les Eléphants sont passés d’un poil à côté d’une élimination, avant de remporter finalement la compétition. D’ailleurs, il ne faut pas se méprendre sur le compte des pachydermes ivoiriens. Ils figuraient parmi les favoris de cette CAN, avant de faire un parcours inattendu, rythmé par de nombreux rebondissements, pour remporter au finish la compétition, après avoir été au bord de l’élimination à l’issue de la phase des poules.

Mais, la comparaison s’arrête-là, tout net : car une CAN n’est pas une élection politique. Croire qu’on peut créer, comme par enchantement, une surprise à un scrutin aussi crucial qu’une élection présidentielle, surtout sans préparation ni une présence effective sur le terrain, c’est rêver ni plus ni moins debout !
Allons au petit jeu de la comparaison avec les Eléphants. D’abord, les Eléphants sont une équipe nationale alors que le PDCI n’est plus un parti national. Il n’a quasiment plus de base dans beaucoup de régions du pays. Ensuite, les Eléphants sont une constellation  des meilleurs joueurs ivoiriens évoluant dans les meilleurs championnats du monde. A contrario, le PDCI, depuis son départ du RHDP en 2018, a perdu l’essentiel de ses animateurs ( Aka Aouélé, Achi Patrick, Amedé Kouakou, Kobenan Kouassi Adjoumani, Ahoua N’doli Théophile, Siandou Fofana, Dr Raymonde Goudou-Coffie…pour ne citer qu’eux) qui militent aujourd’hui au RHDP ( Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix). Ce n’est pas tout, car si les Eléphants ont derrière eux le soutien ardent de tout le peuple ivoirien, ce n’est, en tout cas, pas le cas du PDCI, un parti auquel beaucoup d’Ivoiriens ont aujourd’hui tourné le dos.
De toute évidence, Tidjane Thiam et ses collaborateurs promettent du vent aux militants du vieux parti, en endormant leur conscience parce qu’une élection, aussi petite soit-elle, ne se gagne pas avec des discours, mais plutôt des actions concrètes.
Et là, à 13 mois de cette échéance électorale, le PDCI est presque dans l’inaction et totalement invisible sur le terrain. Exceptées quelques sorties sporadiques de son président, et quelques réunions ici et là, il n’y a pratiquement rien. Comme le dénonçait, bien à propos, Jean-Louis Billon, haut cadre du PDCI, dans un entretien accordé récemment à un confrère. 

De plus, contrairement aux Eléphants, qui avaient l’adhésion du peuple entier de Côte d’Ivoire, le PDCI ne bénéficie pas du soutien de la majorité des Ivoiriens. Qui lui ont tourné le dos depuis quelques années. D’abord avec la création du RDR en 1994, une bonne partie des hauts cadres et militants ont claqué la porte du PDCI pour rejoindre cette nouvelle formation politique.  Et la politique ivoiritaire du Président Bédié, va occasionner la perte de tous ses bastions dans le Nord du pays. Ensuite, avec l’avènement du régime Gbagbo en octobre 2000, le FPI chasse le PDCI à l’Ouest du pays et récupère une grande partie de l’Est de la Côte d’Ivoire.  De première force du pays, à la mort d’Houphouët-Boigny en décembre 1993, le PDCI est devenu en 2010, à l’issue du 1er tour de l’élection présidentielle, le 3ème parti politique sur l’échiquier politique national, derrière le FPI de Laurent Gbagbo et le RDR d’Alassane Ouattara. Ce n’est pas tout, car, avec la naissance du parti unifié RHDP, en juillet 2018, en lieu et place de la coalition de partis houphouëtistes créée en mai 2005, le PDCI subit une signée importante de ses meilleurs cadres qui choisissent de militer désormais au RHDP, sous la vision du Président Alassane Ouattara.


Un parti en perte de vitesse

Depuis lors, le poids électoral du PDCI ne cesse de dégringoler et son assise s’étiole au fil des années. A preuve, le nombre de communes aux mains du PDCI a dégringolé de 50 en 2018 à 34 en 2023. Et ces 34 localités ont été raflées en alliance avec le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI). C’est dire que sans cet attelage, le PDCI en aurait gagné moins. Au niveau des régions, c’est la même dégringolade. Si en 2018, le PDCI avait remporté, à lui seul, 6 régions et deux en couple avec le RHDP, en revanche en 2023, il n’a glané que…3 conseils régionaux, sous sa bannière, et un en tandem avec le PPA-CI. Des chiffres qui montrent que l’influence du PDCI sur le territoire s’est réduit comme peau de chagrin. 
A cela d’ajoutent des dissensions internes et des clivages profonds. Déjà, sous le règne de Bédié, le PDCI était miné par une bataille fratricide entre plusieurs clans rivaux prêts à en découvre. Avec l’élection de Tidjane Thiam à la tête du parti, en décembre dernier, dans des conditions non démocratiques, en contradiction totale avec la dénomination de cette formation politique, la division s’est accentuée au sein de la maison verte. Avec à la clé, de nombreuses échauffourées entre militants, à l’image du spectacle honteux que les militants d’Abengourou et de Cocody ont servi aux Ivoiriens ces dernières semaines. En effet, au siège du PDCI, des partisans de Jean-Marc Yacé et de Yasmina Ouégnin, tous membres de la délégation de Cocody 4,  en sont venus aux mains. Faut-il le rappeler, ces deux responsables locaux du PDCI s’étaient affrontées, il y a un an, aux municipales. Jean-Marc Yacé sous les couleurs officielles du PDCI, et Yasmina Ouégnin, en candidate indépendante. 
A un peu plus de 200 km de là, quelques semaines plus tôt, soit le 18 avril 2024, à Abengougou, chef-lieu de la région de l’Indénié-Djuablin, Adom Amoikon Dihyé Guillaume, candidat malheureux du PDCI aux municipales de 2023, et le député de cette circonscription, Bredou Athanase se sont livrés à un combat de boxe sous le regard médusé des militants lors d'une réunion de la délégation locale. Alors que le premier cité justifiait sa défaite par le fait qu’il n’a pas eu le soutien de ses camarades du PDCI, le second l’a interrompu violemment.

Ces deux tristes spectacles – indignes d’un parti dit organisé – montrent, avec acuité, que le malaise est profond au PDCI. Dans certaines régions, les cadres sont à couteaux tirés, comme à Yamoussoukro où le maire Kouamé Kouassi Paul et le haut représentant du président du PDCI, Grangbé Kacou, ne sont pas de bons amis ; ou encore à Akoupé, avec les bisbilles entre Valérie Yapo, qui a démissionné de son poste de déléguée communale,  et Yapo Calice, Haut-représentant du président du parti dans le District des Lagunes et secrétaire exécutif chargé de la Formation et de I'Institut Politique, pour le rayonnement du Parti dans la région de la Mé.

Manifestement, Tidjane Thiam a du pain sur la planche ; lui qui n’a pas réussi à ramener la sérénité au sein du PDCI, encore moins à éteindre les foyers de tension. D’ailleurs, l’ancien patron du Credit Suisse n’est pas au bout de ses peines car, en plus de ces rivalités entre les cadres, il doit gérer le cas Billon, un os dans sa gorge. Le député de Dabakala confie à qui veut l’entendre qu’il sera candidat à la convention de désignation du candidat du PDCI pour la présidentielle de 2025.  Et il s’y prépare en conséquence. Dans une interview à bâton rompu accordée au magazine « Ceux qui font l’Afrique », Jean-Louis billon s’est voulu clair : « Il est essentiel que la convention se déroule dans les règles de l’art. Ce que j’attends, c’est une convention ouverte et crédible, contrairement aux conventions éclatées et désorganisées du passé. À ce moment-là, si la convention est crédible, alors le candidat le sera également ».  Tout en dénonçant la gestion actuelle du parti par le nouveau président, Tidjane Thiam, son potentiel adversaire à cette convention qui est fortement attendue, qui ne semble pas lui donner totalement satisfaction. « Il est président du parti et nous attendons que le parti soit géré comme un parti politique doit l’être. Aujourd’hui, il y a beaucoup de retard dans les actes de gestion du parti et il faudrait que cela soit corrigé. Je pense que l’équipe qui l’entoure est trop en retard et ne l’oriente pas de la manière attendue par les militants. Nous devons avoir un bureau politique. Et le congrès qui est l’instance supérieure du parti peut valider ou non les nominations qui ont été faites parce qu’elles ont été faites en dehors des textes », a-t-il relevé. On le voit, le PDCI, affaibli et désuni, n’a ni la force ni l’assise politique nécessaires, pour prétendre vaincre l’insubmersible armada du RHDP en octobre 2025.

Thiery Latt