Droits TV de la CAN 2025 : Les télés africaines gratuites sacrifiées au profit de Canal+
La Coupe d'Afrique des Nations 2025 au Maroc suscite déjà une vive controverse alors que le premier match n'a pas encore été joué. Cette grogne généralisée découle d'une décision de la Confédération Africaine de Football (CAF) jugée injuste et dangereuse par l'ensemble des acteurs médiatiques du continent. Pour la première fois dans l'histoire de la compétition, les chaînes de télévision publiques et privées gratuites africaines se voient proposer la diffusion de seulement 32 matchs sur un total de 52 rencontres. Cette restriction sans précédent marque une rupture brutale avec les pratiques habituelles qui permettaient aux télévisions nationales de diffuser l'intégralité du tournoi continental depuis sa création.
À ce jour, seule la chaîne publique sud-africaine SABC bénéficie de l'autorisation de diffuser les 52 matchs de la compétition, une exception qui soulève également des questions d'équité entre nations africaines. Selon le collectif des télévisions nationales africaines gratuites, la CAF et ses dirigeants ont décidé d'adopter un nouveau modèle économique qui privilégie ouvertement l'argent, le business et le favoritisme. Ce modèle accorde l'exclusivité totale des 52 matchs de la compétition à Canal+, une chaîne de télévision privée payante française.
Un nouveau modèle économique contesté
Dans un communiqué publié le samedi 22 novembre 2025 à Lomé au Togo, le collectif des télévisions nationales publiques et privées africaines dénonce vigoureusement cette approche : « Il est injustifiable et économiquement inéquitable d'imposer un modèle de commercialisation calqué sur les standards de la FIFA et de l'UEFA, sans en adopter le modèle de financement car dans le cas de la CAN ce sont les États africains qui financent. Donc vendre ensuite la diffusion de l'intégralité de la compétition exclusivement à un diffuseur payant international en privant les chaînes nationales de ces États de diffuser, cela est inacceptable. »
Cette déclaration fait suite à une réunion de crise organisée dans la capitale togolaise, qui a rassemblé la quasi-totalité des directeurs généraux des télévisions publiques et privées gratuites africaines, tant francophones qu'anglophones, attributaires des droits de diffusion de la CAN 2025. Lors de cette rencontre historique, les dirigeants des chaînes nationales ont désigné Papa Alle Niang, directeur général de la RTS (Radiodiffusion Télévision Sénégalaise), comme porte-parole de leur combat. Ce dernier a immédiatement lancé une offensive médiatique vigoureuse pour promouvoir les revendications des télévisions publiques et privées qui demandent justice, équité, respect et dignité.
Les télévisions nationales africaines soulignent une différence fondamentale entre la CAN et les compétitions européennes ou mondiales. Contrairement aux tournois organisés par la FIFA ou l'UEFA, la CAN est préfinancée de deux manières par les États africains, et donc par le contribuable africain. D'une part, directement à travers les infrastructures sportives et les équipements nécessaires à l'organisation. D'autre part, indirectement via les staffs techniques des équipes nationales, la prise en charge complète des sélections, les primes des joueurs et autres émoluments. Cette réalité économique rend, selon les diffuseurs africains, totalement inadapté l'application d'un modèle commercial inspiré des pratiques européennes, où les fédérations et organisations financent elles-mêmes leurs compétitions avant d'en commercialiser les droits.
Un impact direct sur les supporters africains
L'attribution partielle des droits aux chaînes gratuites a des répercussions directes sur l'expérience des supporters. En n'octroyant que la moitié des matchs aux chaînes gratuites, la CAF prive le grand public africain de rencontres cruciales : la moitié des huitièmes de finale, la moitié des quarts de finale, et la moitié des demi-finales. Comme le commente un spécialiste du sport africain : « Ce qui est inacceptable, c'est que les fans africains ne pourront pas suivre certains des matchs les plus importants de leur propre compétition continentale. »
En privilégiant Canal+ pour la diffusion intégrale de la CAN 2025, les dirigeants de la CAF semblent ignorer les réalités économiques du continent. Les millions de fans africains de football, confrontés à un pouvoir d'achat modeste et des conditions de vie difficiles, devront désormais payer un abonnement à cette chaîne privée pour suivre l'intégralité de la compétition. Cette situation crée une forme de discrimination économique où seuls ceux qui peuvent se permettre un abonnement payant auront accès à l'ensemble des matchs de leurs équipes nationales.
Dans leur communiqué de presse, les directeurs généraux des télévisions africaines formulent des demandes claires et précises : « Nous demandons le rétablissement du principe d'accès universel à l'intégralité de la CAN pour les télévisions nationales africaines publiques ou privées assurant un service public gratuit aux populations. » Les dirigeants des médias africains dénoncent cette situation en termes particulièrement forts : « C'est une atteinte à l'égalité d'accès à un bien commun, une marginalisation des couches populaires défavorisées et une négation du rôle des médias de service public. »
La CAN, bien plus qu'un simple business
Le collectif rappelle que la Coupe d'Afrique des Nations ne peut être réduite à une simple opération commerciale. Cette compétition représente bien plus que du business et de l'argent. C'est avant tout une célébration du football où les supporters et les fans vibrent devant leur écran de télévision et communient avec leurs idoles et leurs stars. C'est un moment de communion collective qui transcende les frontières et les différences socio-économiques. La CAN incarne l'Afrique rassemblée, unie et solidaire. Elle représente l'un des rares moments où le continent tout entier se retrouve autour d'une passion commune, créant un sentiment d'appartenance et de fierté collective. L'argent et le business du sport, aussi légitimes soient-ils, ne devraient pas, selon les diffuseurs africains, éloigner les fans de leurs stars et de leurs idoles, ni créer des barrières artificielles d'accès à ce bien commun continental.
Le collectif des télévisions africaines appelle solennellement les dirigeants de la faîtière africaine du football à revenir aux pratiques commerciales jusqu'alors plébiscitées par tous les acteurs du monde du football africain. Cette mobilisation sans précédent des médias africains témoigne de l'importance de l'enjeu : garantir que la CAN reste accessible à tous les Africains, indépendamment de leurs moyens financiers, et préserver ainsi l'esprit originel de cette compétition qui appartient avant tout aux peuples du continent. La suite de cette affaire dépendra de la capacité du collectif à faire entendre sa voix auprès de la CAF et à obtenir une révision de ce modèle de distribution des droits qui a bouleversé les équilibres traditionnels de diffusion de la principale compétition footballistique africaine.
La Redaction
