PDCI : Billon, un os dans la gorge
Jean-Louis Billon. Un nom et une figure emblématique du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI). Cependant, cette personnalité qui a occupé de hautes responsabilités au sein du vieux parti est désormais au cœur d’une vive polémique. Et pour cause : les ambitions présidentielles du député de Dabakala dérangent plus d'un dans le parti septuagénaire. Par ailleurs, le porte-voix du parti dirigé par l’ancien patron du Crédit Suisse, Tidjane Thiam, le confrère “Le Nouveau Réveil”, s'est interrogé hier s’’il faut “brûler” l’élu de la nation pour ses ambitions à diriger la Côte d'Ivoire. “ Faut-il “brûler” Billon pour la convention? “, a barré le quotidien à la manchette de sa parution d’hier.
Cette titraille met en évidence le malaise qui règne au PDCI relativement au cas de l’ancien secrétaire exécutif chargé de la communication et de la propagande. En effet, le cas Billon ronge le vieux parti. Proche collaborateur du défunt président Henri Konan Bédié, leader de la famille la plus riche de Côte d'Ivoire et élu de la nation, Jean-Louis Billon affiche depuis belle lurette son intention de briguer la magistrature suprême. Du vivant du sphinx de Daoukro, “le métis de Dabakala” a mainte fois voulu affronter le candidat dit naturel du PDCI à la convention avant de revenir à chaque fois sur sa décision. Mais, face à l’actuel président, Tidjane Thiam, il semble plus que déterminé dans la concrétisation de cette ambition de briguer un mandat présidentiel sous la bannière du PDCI. Plus rien ne semble lui barrer la voie.
Conscient de ses forces devant un président du parti pratiquement imposé et qui ne maîtrise pas l’appareil, Jean-Louis Billon joue pleinement sa carte. Ainsi, il promet une victoire à la prochaine convention du parti. Ce qui fera de lui le porte-flambeau du parti doyen à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Cette ambition pourtant encadrée par les textes du PDCI n'est pas du goût de certains cadres et militants. Pour ces derniers, “le Judas” (parlant de Billon) qui rame toujours à contre-courant doit être stoppé net dans sa volonté d’affronter le président du parti à la prochaine convention. Les extrémistes vont plus loin en évoquant une probable suspension du militant qui dérange et qui secoue le cocotier du vieux parti. Mais, comment obtenir cette suspension quand les textes du parti permettent au député de présenter sa candidature à la convention pour solliciter le parrainage du PDCI à l'élection présidentielle d'octobre 2025? Là est la question.
Du coup, les Thiamistes qui voulaient une candidature unique de leur champion à la convention butent sur la rigueur des textes qui régissent le PDCI. Les textes du parti disent en effet que : « La désignation du candidat du parti à l’élection présidentielle est faite au cours d’une convention dite Convention d’investiture. La désignation des candidats du parti à toutes les élections d’État, notamment, les élections législatives, municipales et autres élections locales, doit répondre au souci de procéder à des choix fondés sur le militantisme, sur la représentativité, la capacité de mobilisation et de gestion et les vertus morales des candidats ». Ainsi, sur le militantisme, Jean-Louis Billon ne peut pas être pris à défaut. Lui qui a été si proche de l'ancien président Henri Konan Bédié et qui est surtout resté à ses côtés jusqu'à sa disparition le 1er août 2023.
La détermination des Billonistes
Sur la représentativité, le ministre Jean-Louis Billon a été élu au moins une fois en tant que député ou maire PDCI à Dabakala et sa capacité de mobilisation des militants à travers le pays ne souffre d’aucun doute. En clair, il répond clairement aux critères pour affronter à la loyale le président du parti à la convention. Il représente un peu ceux qui ont mouillé le maillot pour le PDCI et il connaît nettement mieux l'appareil que Thiam.
Par ailleurs, Billon est respectueux des textes du parti. C'est pourquoi il n’a pas présenté sa candidature à la présidence du PDCI-RDA au décès de Bédié devant les violations graves des textes pour imposer le candidat Tidjane Thiam au huitième congrès extraordinaire tenu à Yamoussoukro. “La Convention sera et devra être la tribune qui le porte comme le candidat du parti. Il faut organiser la Convention dans les règles de l’art, faire ce qui doit être fait pour éviter les pièges juridiques qui apporteraient de l’eau au moulin de tous ceux qui voudront tirer le parti par le bas. Il faut surtout éviter des plaintes dans lesquelles vont s’engouffrer les ennemis internes et externes du parti comme on en a vu lors du 8e Congrès extraordinaire”, invite le Nouveau Réveil.
En tout cas, cette fois, les Billonistes n’entendent pas reculer devant les tentatives de quelque nature que ce soit. Toute chose qui mélange les calculs de Tidjane Thiam qui pensait qu’une fois élu à la tête du parti, l’ensemble des militants se mettrait à ses pieds pour servir de marche vers le palais présidentiel. Désormais, il doit composer avec des candidats à la candidature du PDCI. Et, Jean-Louis Billon est un candidat sérieux qui pourrait rafler la mise avec ses atouts que sont ses capacités à mobiliser et à convaincre les militants sur ses aptitudes à défendre crânement les couleurs du PDCI à la prochaine élection présidentielle.
Comme le voit, le ministre Jean-Louis Billon est aujourd'hui un os dans la gorge du PDCI. Comment éviter sa candidature à la convention ? Comment l’affronter si l’on échoue à l’écarter de la convention ? Comment faire en sorte qu’il ne soit pas candidat indépendant au cas où il est battu injustement à la convention ? Les interrogations sont nombreuses et ne semblent surtout pas trouver de réponses claires en l’état actuel des choses. Surtout que Tidjane Thiam est aujourd'hui un peu la déception. Car, les militants pensaient qu’en sa qualité de banquier qui a longtemps exercé à l’international, il allait verser de l'argent sur eux une fois installé dans le fauteuil du président du PDCI. Aujourd'hui, ils se rendent compte du contraire devant la levée de fonds lancée par le nouveau président du parti visant à financer les opérations électorales à venir. Ainsi, tous les militants sont invités à mettre la main à la poche pour espérer une victoire du parti au soir de l'élection présidentielle d'octobre 2025. Les espoirs placés “au messie” venu pour sauver le parti fondé par Félix Houphouët-Boigny sont déçus. Les militants en face de la réalité réservent sûrement des surprises à la convention.
Lacina Ouattara