Crise au sommet du judo ivoirien : Des acteurs sonnent l’alarme et interpellent le ministère des Sports

Crise au sommet du judo ivoirien : Des acteurs sonnent l’alarme et interpellent le ministère des Sports
Isaac Angbo, ancien champion d’Afrique de judo, entouré de présidents de clubs, dénonce à Cocody l’Assemblée générale élective du 6 décembre 2025, jugée illégale et contraire aux textes (Ph DR)

Mardi 2 décembre 2025, dans la commune de Cocody, l’ancien champion d’Afrique de judo, Isaac Angbo, entouré de plusieurs présidents de clubs, a pris la parole devant la presse nationale. Objectif : dénoncer ce qu’ils qualifient de « forfaiture » autour de l’Assemblée générale élective de la Fédération ivoirienne de judo et disciplines associées (FIJDA), prévue le 6 décembre prochain.

Ces acteurs historiques du judo ivoirien affirment avoir saisi officiellement le ministère des Sports et du Cadre de vie ainsi que le Comité national olympique (CNO-CIV), afin d’attirer leur attention sur une situation qu’ils jugent « illégale et sans fondement juridique ». Leur démarche, expliquent-ils, vise à prendre l’opinion nationale à témoin et à sauver une discipline qui, au-delà de son aspect sportif, incarne des valeurs morales et olympiques.

 

Une fédération dans un vide juridique

La crise actuelle plonge ses racines dans une série de décisions juridiques. La sentence arbitrale du 21 août 2025 a annulé les Assemblées générales du 13 janvier et du 16 novembre 2024, ainsi que l’élection du président Seydou Dabonné et de son comité directeur. Même la dénomination « Côte d’Ivoire Judo (CI-Judo) », adoptée lors de l’AG de novembre 2024, a été frappée de nullité.

En conséquence, la FIJDA se retrouve sans statuts ni règlement intérieur. Pour les clubs contestataires, la convocation de l’Assemblée générale élective du 6 décembre est donc « irrégulière, illégale et nulle », car émanant d’une personne dépourvue de tout pouvoir légal.

Les documents préparatoires de l’AG mentionnent que l’élection se tiendra sous l’égide des statuts de 2017. Or, ces textes sont considérés comme caducs, puisque l’élection de Dabonné et de son bureau, qui s’y appuyait, a été annulée. Les contestataires s’interrogent : « D’où vient-il que c’est son secrétaire général, Soumaïla Dabonné, qui convoque les clubs ? »

Plus grave encore, les statuts de 2017 reposent sur la loi n° 60-315 du 21 décembre 1960, abrogée par l’ordonnance n° 2024-386 du 12 juin 2024 relative à l’organisation de la société civile. Cette ordonnance impose aux associations de se conformer à ses dispositions dans un délai de 12 mois, sous peine d’une amende de 1 000 000 FCFA. La FIJDA n’ayant pas mis ses textes en conformité, recourir aux statuts de 2017 constitue une violation de la loi.

Dans ce contexte, le rôle du ministère des Sports et du Cadre de vie est crucial. Garant de la légalité dans le mouvement sportif, il se retrouve face à un dilemme : cautionner une assemblée jugée irrégulière ou appliquer strictement les textes. Les contestataires préviennent : si la tutelle ferme les yeux, elle ouvrirait la porte au désordre dans l’ensemble des fédérations sportives du pays.

 

Une AG sous tension et spectre du TAS

Fondateur de l’Académie Judo (AJA), Bailly Charles a pris la parole pour réaffirmer la détermination des clubs signataires. « Nous voulons sauver le judo, qui est un art martial porteur de valeurs humaines et olympiques. S’il le faut, nous irons jusqu’au Tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne », a-t-il martelé.

Pour lui, la sentence arbitrale du CNO-CIV est claire : l’élection de Dabonné et de son bureau est nulle et non avenue. Pourtant, constate-t-il, « il y a une mise en scène pour les remettre en selle ». Il compare la situation à un automobiliste qui brûle un feu rouge : « Ils vont sûrement brûler le feu, mais cela ne les rendra pas légaux. »

Malgré les contestations, l’Assemblée générale élective est maintenue pour le samedi 6 décembre. Les clubs opposants dénoncent une tentative de passage en force et rappellent que, dans des situations similaires, des comités ad hoc ont été mis en place pour assainir les textes et organiser des élections transparentes.

Cette fois-ci, affirment-ils, la population électorale elle-même est entachée d’irrégularités. « On ne peut pas accepter cela », insiste Bailly Charles. Les clubs signataires ont même pris à témoin l’Union africaine de judo et la Fédération internationale, annonçant qu’ils ne reconnaîtront pas l’AG en l’état.

 

Les implications pour le mouvement sportif ivoirien

Au-delà du judo, cette crise illustre les fragilités institutionnelles de plusieurs fédérations sportives en Côte d’Ivoire. Le non-respect des textes, les élections contestées et les luttes de pouvoir fragilisent la crédibilité du mouvement sportif national.

Si le ministère cautionne l’AG du 6 décembre, il risque de créer un précédent dangereux. Les contestataires redoutent un effet domino : d’autres fédérations pourraient s’autoriser des pratiques similaires, plongeant le sport ivoirien dans une spirale de désordre.

Le judo ivoirien, discipline olympique, a besoin de stabilité pour se développer. Les clubs rappellent que ce sport ne se limite pas à la compétition : il véhicule des valeurs de respect, de discipline et de dépassement de soi. La crise actuelle menace non seulement la gouvernance de la fédération, mais aussi l’avenir des jeunes judokas qui aspirent à représenter la Côte d’Ivoire sur la scène internationale.

À quelques jours de l’Assemblée générale élective, le judo ivoirien se trouve à la croisée des chemins. D’un côté, une direction contestée qui tente de maintenir son pouvoir ; de l’autre, des clubs et anciens dirigeants qui réclament le respect des textes et la transparence.

La balle est désormais dans le camp du ministère des Sports et du Cadre de vie. Sa décision sera déterminante : soit il valide une assemblée jugée illégale, soit il impose un processus conforme aux lois et aux valeurs du sport.

Dans tous les cas, les contestataires promettent de poursuivre leur combat, jusqu’au TAS s’il le faut. Le judo ivoirien, discipline de rigueur et de respect, mérite une gouvernance à la hauteur de ses principes.

OUATTARA Gaoussou