Insultée et vilipendée hier : La France retrouve grâce aux yeux de Gbagbo et de ses partisans
Ils sont aux anges en ce moment : Laurent Gbagbo et ses partisans. En effet, la rencontre du lundi 11 novembre entre l'ambassadeur de France en Côte d'Ivoire, Jean-Christophe Belliard, et l'ancien président Laurent Gbagbo a provoqué une joie difficilement contenue dans le camp de ce dernier. "La France dépêche un émissaire chez Gbagbo", "La France renoue le contact avec le 'revenant' Gbagbo", s’exclament les quotidiens proches de l'ex-président dans leurs éditions du mardi 12 novembre. Cette effusion de joie est pour le moins surprenante, venant de ceux qui ont longtemps présenté la France comme l'ennemi public numéro un. Ils sont heureux comme des enfants recevant leur cadeau de Noël.
Pourtant, que n’a-t-on pas vu du camp Gbagbo quand celui-ci était au pouvoir ? Sous le régime de la "Refondation", dirigé par Laurent Gbagbo, les ressortissants français en Côte d'Ivoire ont été les cibles récurrentes d'attaques, notamment de la part des jeunes patriotes qui visaient les intérêts français dans le pays. L'ambassade de France et le camp militaire du 43e BIMA étaient régulièrement assaillis, jusqu'à ce qu'un appel à la violence soit lancé contre les Français. "À chacun son petit Français", avait proclamé Charles Blé Goudé, alors leader de la galaxie patriotique. Certains expatriés, craignant pour leur sécurité, avaient choisi de quitter le pays pour rejoindre la France. D'autres, comme Yves Lambelin, PDG de Sifca, ou les journalistes Jean Hélène et Guy-André Kieffer, ont tragiquement perdu la vie. Plusieurs entreprises, notamment celles dirigées par des Français et des Libanais, ont dû fermer temporairement ou définitivement.
Aujourd'hui, cette France insultée et vilipendée retrouve donc grâce aux yeux de Gbagbo et de ses partisans, qui se vantent d'avoir rencontré le représentant de l'État français en Côte d'Ivoire. Qu'en sera-t-il le jour où Laurent Gbagbo rencontrera le président français lui-même ? Il est difficile d'imaginer l'interprétation qui sera faite de cette éventualité.
Cette attitude des pro-Gbagbo vis-à-vis de la France s'apparente davantage à un dépit amoureux. En effet, recherchant en vain le soutien des autorités françaises qu'ils n'ont pu obtenir, cela a conduit aux attaques répétées auxquelles on a assisté. Alors que le régime de Gbagbo tentait de faire croire à une prétendue lutte panafricaniste. Sinon émancipatrice vis-à-vis de l'ex-puissance coloniale. Ce qui n'était nullement le cas.
En réalité, Laurent Gbagbo n'a jamais voulu se défaire de la France. Bien au contraire, les faits montrent qu'il a toujours cherché à obtenir l'approbation française. Dans son livre "Ils savent que je sais tout - Ma vie en Françafrique", publié récemment, son ami Robert Bourgi, ancien conseiller officieux de l’Élysée, confirme que Gbagbo n’a jamais cessé de solliciter l’appui de Jacques Chirac, ex-président français. Il aurait même, selon Bourgi, offert la somme de deux milliards de francs CFA pour s'attirer les faveurs de Paris. De plus, durant son mandat, Laurent Gbagbo n'a pas hésité à accorder au groupe Bolloré la gestion du terminal à conteneurs du port d'Abidjan, une concession faite en dehors de tout cadre officiel, sans appel d'offres, dans l’espoir de renforcer son soutien français.
Ceci étant, il convient de replacer cette rencontre entre Laurent Gbagbo et le diplomate français dans son juste contexte. Il ne s’agit en réalité que d’une visite de courtoisie. La Côte d'Ivoire se prépare pour l'élection présidentielle d’octobre 2025, un tournant majeur de son histoire. Jean-Christophe Belliard, à moins d’un an de cette échéance, a entrepris une série de rencontres avec les leaders politiques ivoiriens pour encourager un processus électoral apaisé. Comme il l’a lui-même rappelé à l'issue de son entretien avec Laurent Gbagbo, sa démarche "s’inscrit dans la volonté de parler à tous les acteurs politiques de la Côte d'Ivoire". D'ailleurs, avant Gbagbo, il a rencontré Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, et il est probable qu’il s’entretiendra également avec Alassane Ouattara, président de la République et président du RHDP, le parti au pouvoir.
Rahoul Sainfort