Reportage - Férentella : Tôlabô où quand la fête des générations devient le moteur du développement communautaire

Reportage - Férentella : Tôlabô où quand la fête des générations devient le moteur du développement communautaire
Les ministres Mamadou Sanogo (Président du conseil régional du Bafing et conseil à la Présidence de la République) et Daniel Cheick Bamba (Président de BÊTAKO et directeur général de l’AFOR), lors de l’inauguration officielle du laboratoire biomédical, le samedi 6 septembre 2025, à Férentella (Ph DR)

Dans les méandres verdoyants du Bafing, au cœur du département de Ouaninou, se dresse un petit village qui défie les conventions du développement rural en Côte d'Ivoire. Férentella, loin des projecteurs médiatiques et des grandes métropoles, écrit depuis plus de soixante ans une histoire singulière où tradition et modernité s'entremêlent pour créer un modèle unique de croissance endogène. Ici, la célébration ancestrale du Tôlabô – la fête des générations – transcende le simple cadre festif pour devenir le véritable catalyseur d'un développement communautaire exemplaire, orchestré avec brio par la Mutuelle BÊTAKO.

 

Une édition 2025 marquée par l'émotion et la détermination

L'édition 2025 du Tôlabô restera gravée dans les mémoires comme un moment chargé d'émotion et de symbolisme. Coïncidant avec la célébration du Mawlid, la fête de la naissance du prophète de l'Islam, cette édition quinquennale a consacré la proclamation des Hêrêlanga. Mais cette transition générationnelle s'est déroulée sous le voile du deuil avec le rappel à Dieu de l'Imam Falikou Bamba, décédé le 1er septembre 2025.

Les Hêrêlanga ont été consacrés, le samedi 6 septembre 2025, lors des festivités organisées à Férentella (Ph DR)

Le samedi 6 septembre 2025, jour de consécration des Hêrêlanga, Férentella s'est réveillée avec un double sentiment : la joie de célébrer la fête des générations et l'amertume de commencer cette nouvelle ère communautaire sans son guide spirituel vénéré. Le grand imam El Hadj Falikou Bamba, doyen des Imams du Bafing, avait été conduit à sa dernière demeure la veille, dans une cérémonie qui a mobilisé toute la région. Les plus illustres fils de la terre, notamment les ministres Mamadou Sanogo (conseiller à la présidence et président du conseil régional du Bafing, Moussa Sanogo (Patrimoine, Portefeuille de l’État et Entreprises publiques), député et maire de Touba), Daniel Cheick Bamba (directeur général de l'AFOR), le Dr Fadiga Moussa El Farouk, président national CODISS, le Pr Diomandé Kanvaly, président de la Cour des Comptes, la vénérable Sarah Sako Fadiga, vice-présidente du Sénat, et Diomandé Abdoul Amara, maire de Ouaninou, avaient rendu un dernier hommage à celui qui incarnait la sagesse et la spiritualité de la communauté.

Malgré l'atmosphère lourde de ce samedi moite, le programme s'est déroulé intégralement. Férentella ayant décidé de transformer la douleur en force créatrice et faire du respect de la tradition une clé de développement.

 

La Mutuelle BÊTAKO, l'âme de la transformation de Ferentella

Le ministre Moussa Sanogo, député et maire de la commune de Touba, a engagé ses parents de Ouaninou à saisir l’opportunité du PRESFOR pour sécuriser leurs terres (Ph DR)

Au cœur de cette dynamique exceptionnelle se trouve la Mutuelle de développement économique et social BÊTAKO, présidée par le ministre Daniel Cheick Bamba, directeur général de l'AFOR. Cette organisation communautaire, véritable colonne vertébrale du développement de Férentella, a su transformer la fête de génération en une plateforme stratégique de planification et de réalisation de projets structurants qui métamorphosent littéralement le visage du village.

La vision de BÊTAKO dépasse largement les frontières de Férentella. En accord avec l'AFOR, la mutuelle a initié une campagne de sensibilisation et de mobilisation des populations du Bafing autour des projets de sécurisation foncière rurale, présidée par le ministre Moussa Sanogo. Le PRESFOR (Programme de renforcement de la sécurisation foncière rurale), financé par la Banque mondiale, et le PASFOR (Programme d'appui à la sécurisation foncière rurale), soutenu par l'Agence française de développement (AFD), constituent des initiatives majeures pour doter les terres de certificats fonciers, véritables gages d'un développement harmonieux et durable.

L’Ecole de formation agricole est l’un des leviers de développement de Ferentella (Ph Dr)

 

Parmi les réalisations les plus emblématiques, l'Ecole de formation agricole de Férentella (EFAF), construite en 2007 sous l'impulsion des Barakalanga avec le financement du conseil régional, forme les jeunes aux techniques modernes de production agricole. « En ma qualité de président de la mutuelle, je suis venu visiter ce qui, demain, sera l'un des piliers du développement de Férentella : votre école. J'ai vu le potentiel énorme qu'offre votre école, avec ses différentes filières », a déclaré Daniel Cheick Bamba lors de sa visite, le 5 septembre 2025. Le directeur de l'EFAF, Safia Auguste Bleu, en poste depuis le 22 juin 2022, s'est réjoui de la visite du président de BÊTAKO dont les efforts et ceux du ministre Moussa Sanogo ont permis à l'école de se doter de nouveaux bâtiments et d'accueillir jusqu'à 240 pensionnaires avec des filières spécialisées.

Le ministre Daniel Cheick Bamba, en compagnie du directeur Safia Auguste Bleu, lors de sa visite dans l’enceinte de l’EFAF, le 5 septembre 2025 (Ph DR)

 

L'édition 2025 du Tôlabô a également été marquée par l'inauguration d'un laboratoire biomédical, initiative conjointe du conseil régional et de la génération Hêrêlanga, qui positionne Férentella comme référence sanitaire régionale. Le village s'est aussi doté d'un collège de proximité baptisé Bamba Laciné Philo et un nouveau château d'eau moderne est en construction pour répondre aux besoins démographiques croissants.

 

Le projet du lac « Moussa Dôtrô », un incubateur économique pour tous

L'aménagement de la rivière et la création du lac « Moussa Dôtrô » représentent l'un des projets les plus ambitieux portés par la Mutuelle BÊTAKO. Cette initiative visionnaire transforme une simple ressource hydrographique en véritable moteur de développement économique et social, plaçant les couches les plus vulnérables de la population au centre de ses préoccupations. L'objectif est clair : créer un espace stratégique pour la pisciculture, la riziculture et la culture vivrière, tout en générant des activités génératrices de revenus pour les jeunes et les femmes.

Le président de BÊTAKO, Daniel Cheick Bamba, et l’ingénieur Edgar Akanvou, sur les bords de la rue, le futur « Lac Dôtrô »

« Nous avons pensé que si les abords du lac étaient aménagés, on pourrait développer des cultures de pommes de terre, d'oignons, et de divers produits maraîchers à fort potentiel de vente », explique le président de BÊTAKO. Cette vision s'inscrit dans une stratégie plus large de fixation des jeunes sur le territoire et de création d'un véritable grenier régional, où l'École de formation agricole offre aux jeunes des compétences techniques adaptées aux réalités locales, tandis que le projet du lac promet de créer de nombreuses opportunités dans l'agriculture, la pisciculture et le commerce.

Pour mener à bien ce projet d'envergure, a fait appel à Edgar Akanvou, expert international ayant travaillé pour la FAO. Sa première évaluation du site révèle un potentiel considérable : « Notre visite nous amène à travailler sur deux axes : la sécurisation et la pérennisation de la ressource en eau, et le développement des activités économiques autour du bassin : pêche, pisciculture, maraîchage, et pourquoi pas, à terme, la riziculture. »

Le nouveau château d’eau du village avec une plus grande capacité va combler les besoins des populations en eau potable (Ph DR)

 

Pour les femmes particulièrement, les activités maraîchères autour du lac constituent une source potentielle de revenus stables. La proximité de Ouaninou (4 km) et l'accessibilité de Touba (10 minutes) offrent des débouchés commerciaux intéressants pour les produits agricoles locaux. Cette approche inclusive garantit que le développement bénéficie à toutes les composantes de la communauté, transformant le lac « Moussa Dôtrô » en un véritable catalyseur d'opportunités durables.

Le projet d'aménagement du lac « Moussa Dôtrô » est un chantier qui pourrait révolutionner l'économie locale et servir de modèle à toute la région.

 

Un héritage intergénérationnel exceptionnel de plus de 66 ans

Depuis 1959, chaque génération de Férentella inscrit son nom dans l'histoire du développement communautaire avec une constance remarquable. Cette tradition unique, qui s'étend sur plus de six décennies, témoigne d'une vision collective exceptionnelle où chaque cohorte contribue à l'édification progressive de leur village.

L'aventure commence modestement avec les Touehifanga (1959) qui offrent deux bœufs et des nattes pour la mosquée. Les Mirilanga (1964) et les Terelanga (1968) révolutionnent l'éclairage public en électrifiant d'abord la voie menant à la mosquée, puis toutes les rues du village. Les Soboulanga (1970) posent les fondations de l'éducation moderne avec la construction des trois premières classes de l'école primaire, tandis que les Sawelanga (1974) investissent dans la santé avec le dispensaire et le logement de l'infirmier.

La réalisation de la nouvelle mosquée a été lancée en 1997 par les Hakilanga, marquant une étape spirituelle majeure

 

L'ère des infrastructures culturelles s'ouvre avec les Kounandia (1982) qui édifient le centre culturel grâce à un financement conjoint des FRAR. Les Yeya (1988) complètent l'offre sanitaire avec la maternité, également financée en partenariat avec les FRAR. Les Hakilanga (1997) marquent une étape spirituelle majeure en réalisant les fondations de la nouvelle mosquée et en finançant la quote-part du village dans l'adduction d'eau potable.

Les Barakalanga (2007) révolutionnent la formation agricole en initiant la construction du Centre de formation agricole avec le conseil général du Bafing. Les Soutalanga (2015) modernisent l'espace culturel par la réhabilitation du centre culturel. Aujourd'hui, les Hêrêlanga (2025) franchissent un nouveau palier technologique avec le laboratoire d'analyses médicales, réalisé grâce au conseil régional.

 

Une reconnaissance institutionnelle méritée et un modèle à dupliquer

Le préfet de Ouaninou Gla Bi Abel s’est félicité du développement de Férentella et appelé les populations du département à s’engager fortement dans les opérations de sécurisation foncière rurale (Ph DR)

 

L'exemplarité de Férentella ne passe pas inaperçue aux yeux des autorités. Lors de la cérémonie de sensibilisation pour l'adhésion massive au PRESFOR, le préfet de Ouaninou, Abel Gla Bi, n'a pas hésité à déclarer avec emphase : « Vous avez le meilleur village de Côte d'Ivoire ! » Cette reconnaissance officielle traduit l'impact concret des efforts collectifs consentis par les habitants sous la houlette de la Mutuelle BÊTAKO.

L'expérience de Férentella démontre qu'il est possible de concilier tradition et modernité, culture et développement, solidarité et efficacité économique. La Mutuelle BÊTAKO a su créer un écosystème où chaque célébration générationnelle devient une opportunité de croissance collective.

Les Hêrêlanga, avec le concours du conseil régional, ont doté Férentella d’un laboratoire biomédical – inauguré par le ministre Mamadou Sanogo, conseiller à la présidence de la République – va améliorer l’offre sanitaire de toute la région du Bafing (Ph DR)

 

Ce modèle, basé sur trois piliers fondamentaux – la solidarité intergénérationnelle, la responsabilité collective et la vision partagée du développement – peut inspirer de nombreuses autres communautés en Côte d'Ivoire et en Afrique de l'Ouest. Férentella prouve que le développement endogène n'est pas un mythe, mais une réalité tangible lorsque les communautés prennent leur destin en main.

L'édition 2025 du Tôlabô, malgré la douleur du deuil, aura finalement confirmé que Férentella continue d'écrire sa belle histoire, guidée par la sagesse ancestrale et l'innovation contemporaine, sous l'impulsion dynamique de la Mutuelle BÊTAKO. Un exemple lumineux de ce que peuvent accomplir les communautés africaines lorsqu'elles allient leurs forces traditionnelles à une vision moderne du développement.

OUATTARA Gaoussou