Interview - Cissé Cheick Sallah (Champion olympique et champion du monde de taekwondo) : « Je cherche à transmettre le plus largement possible »

De l'or olympique à l'engagement social, il y a le chemin d'un champion qui ne cesse de repousser les limites. Lauréat des Jeux de Rio en 2016 et champion du monde à Baku en 2023, Cissé Cheick Sallah a gravé son nom dans l’histoire du taekwondo ivoirien et mondial. Aujourd'hui, il troque son rôle d'athlète de haut niveau pour celui de mentor. En marge du Training Camp qu’il a initié pour la jeunesse taekwondoïste de Man, il a ouvert les portes de son engagement. Dans un entretien exclusif, il revient sur sa mission, la fondation qui porte son nom et le rêve d’une Côte d’Ivoire qui donne une chance à tous ses enfants, peu importe leur lieu de vie.

Interview - Cissé Cheick Sallah (Champion olympique et champion du monde de taekwondo) : « Je cherche à transmettre le plus largement possible »
« Il est important d'être proche des jeunes, cela peut donner un coup de boost à leurs rêves »

Le Patriote : Champion olympique, champion du monde… Vous avez atteint les plus hauts sommets du taekwondo. Aujourd’hui, votre fondation semble être au cœur de vos projets. Pouvez-vous nous parler de cette nouvelle mission ?

Cissé Cheick Sallah : Je vous remercie. C’est vrai que j’ai eu l’honneur de porter les couleurs de mon pays vers les plus grandes médailles, mais l’engagement qui m’anime aujourd’hui est tout aussi fort. Mon rôle de champion ne se limite pas aux victoires individuelles. Il s'agit avant tout de transmission. C’est le sens profond de ma fondation, que j’ai créée pour donner en retour. Nous avons déjà visité des villes comme Tafiré, Odienné et Abobo, et nous sommes maintenant à Man pour ce projet de transmission. Je veux partager mon expérience, mes techniques et ma passion avec mes jeunes frères qui aspirent à devenir des champions. C'est ma manière d'apporter ma pierre à l'édifice, avec le soutien précieux de tous mes sponsors et, bien sûr, de la Fondation Cissé Cheick.

 

LP : Cette étape à Man est particulière. Quel lien avez-vous avec cette ville, et pourquoi l’avoir choisie ?

CCS : Man occupe une place spéciale dans mon cœur. C’est la ville de ma mère, ses racines sont ici. Venir à Man n’était pas seulement un choix logique, c’était une évidence. C’est un grand plaisir pour moi d’être ici pour faire ces dons et d’accompagner les jeunes de la région. J’ai ce rêve que, d’ici quelques années, plusieurs « Cheick Cissé » sortiront de cette ville et porteront haut les couleurs de notre pays. L’éloignement de la capitale ne doit pas être un frein à l’ambition, bien au contraire.

 

LP : On constate que vous ne vous limitez pas à Abidjan, vous vous rendez dans les régions les plus reculées. Quelle est la philosophie derrière cette démarche ?

CCS : Je cherche à transmettre le plus largement possible. Le talent n’est pas concentré à Abidjan. Il est partout, dans les villes et les villages les plus reculés. Ces jeunes, qui n’ont pas toujours les mêmes chances que ceux de la capitale, ont aussi le droit de rêver en grand. Il est hors de question que leur éloignement géographique soit un obstacle à leur rêve de devenir des champions. C'est ce que j'ai compris très tôt, et c'est pourquoi je fais de ce déplacement à travers le pays une priorité. En allant à leur rencontre, je leur montre qu'ils ne sont pas seuls, qu’ils ont tout le potentiel pour réussir.

 

LP : Vous êtes une source d’inspiration pour la jeunesse ivoirienne, qui parfois peut douter ou se décourager. Quel message fort aimeriez-vous leur transmettre ?

CCS : Mon message à la jeunesse est simple, mais essentiel : n'abandonnez jamais vos rêves. La réussite a trois piliers. Le premier, c'est d'avoir un rêve, de se fixer un objectif clair. Le deuxième, c’est d'y ajouter un travail acharné, de la discipline.

Le troisième, et c'est peut-être le plus important, c'est la persévérance. Le parcours d’un champion n’est jamais une ligne droite. Il y a des victoires, mais aussi des défaites, des doutes et des blessures. Il faut se relever, toujours. Il faut aussi se rappeler que le temps de Dieu n'est pas celui des hommes. Les grandes choses prennent du temps, et la patience est une force.

 

LP : Concrètement, comment comptez-vous capitaliser sur le potentiel que vous voyez en ces jeunes taekwondoïstes ?

CCS : La première étape a été de passer du temps avec eux pour partager ces moments de sport, d'échange et de passion. Nous avons commencé par des dons, pour leur donner les moyens de s’entraîner. Un don financier qui leur permettra de s’équiper et, pourquoi pas, de régler quelques problèmes du quotidien. Mais ce n’est que le début. Avec le soutien de tous mes partenaires, nous allons continuer à appuyer la Ligue de Man, qui me tient particulièrement à cœur, mais aussi toutes les ligues du pays. L’objectif est de construire des bases solides pour que le taekwondo ivoirien continue de briller sur la scène internationale.

 

LP : Vous parlez de "Training Camp". Pouvez-vous nous en dire plus sur ce concept ?

CCS : Le Training Camp, c’est bien plus qu’un simple entraînement. C’est l’occasion de montrer de nouvelles techniques aux jeunes. Le taekwondo est un sport qui évolue très vite, et il faut se renouveler sans cesse pour rester compétitif.

Mon objectif est de faire un "recyclage" en leur enseignant les techniques modernes qui m'ont permis d'atteindre le plus haut niveau. Mais au-delà de la technique, le simple fait d'être avec moi a un impact. Certains ne me voient qu'à la télévision, et pouvoir échanger avec eux, prendre des photos, peut donner un coup de boost à leurs rêves. C'est ce qui fait la différence. La proximité avec les champions est un levier puissant pour la motivation.

 

LP : En conclusion, avez-vous un dernier mot à ajouter ?

CCS : Je tiens d'abord à exprimer toute ma gratitude à tous ceux qui soutiennent ma discipline. Je rends un hommage particulier au chef de l'État, Alassane Ouattara, qui a toujours investi dans notre sport, avec des infrastructures de pointe et un soutien financier qui a permis de faire de notre sport une référence. Nous sommes reconnaissants pour tout ce qu'il fait pour que le taekwondo ivoirien rayonne. Enfin, je veux remercier la ville de Man pour son accueil chaleureux, le président du Conseil régional pour son parrainage et tous mes partenaires. C’est ensemble que nous bâtissons l’avenir.

Réalisée par Junior Oulai (Correspondant)