En finir pour de bon avec l’impunité
« Des enquêtes ont été ouvertes afin de faire la lumière sur ces drames et situer les responsabilités. Nous veillerons à la stricte application de la loi. » Ces mots, prononcés mercredi dernier lors du tout premier Conseil des ministres après l’élection présidentielle, résonnent comme une promesse solennelle du Président de la République. Après avoir salué la mémoire des victimes, il a réaffirmé la volonté du gouvernement d’identifier et de sanctionner les auteurs des violences et actes de vandalisme qui ont entaché le scrutin du 25 octobre 2025.
Faut-il le rappeler, sous prétexte de s’opposer à un « quatrième mandat » du chef de l’État, l’opposition radicale, principalement le PDCI-RDA et le PPA-CI, a appelé ses militants à descendre dans la rue pour bloquer le processus électoral. Cet appel à l’insurrection a conduit au saccage de matériel électoral, à la destruction de biens publics et privés, et, tragiquement, à la perte de vies humaines : 11 morts, dont un officier de gendarmerie abattu, 71 blessés, et d’innombrables dégâts matériels.
Quinze années plus tôt, en 2010, Laurent Gbagbo et ses partisans avaient contesté le droit et le verdict des urnes à l’issue de l’élection présidentielle. Pourtant, il s’agissait du scrutin le plus ouvert de l’histoire politique du pays, organisé sous la certification de la communauté internationale. Le bilan de cette négation du droit fut particulièrement lourd : plus de 3 000 morts et un État profondément ébranlé par une crise d’une rare intensité.
Dix ans plus tard, en 2020, la Côte d’Ivoire connut de nouveaux troubles, d’une intensité encore plus marquée. Sous l’impulsion de l’ancien président Henri Konan Bédié, dont la candidature avait pourtant été validée par le Conseil constitutionnel, l’opposition lança un boycott actif, accompagné d’une campagne de désobéissance civile. Routes bloquées, édifices vandalisés, agents agressés, matériel électoral détruit, affrontements communautaires… jusqu’à la tentative de coup d’État avec la création du fameux Conseil national de transition (CNT). Le bilan officiel fit état de 85 morts.
Ce remake du CNT, orchestré par les deux alliés du Front commun, a échoué grâce à la vigilance des autorités sous le leadership du Président Alassane Ouattara. Mais maintenant que l’orage est passé, l’heure est venue de faire les comptes et d’assumer les responsabilités.
À côté des crises politiques se trouvent les crises sociales et morales. Certains citoyens s’écartent des lois que le pays s’est librement données. Appels à l’incivisme, incitations à la violence et au tribalisme : tout le florilège des comportements condamnables s’exprime. Tout semble permis, alors même que tout est formellement interdit. Si la Côte d’Ivoire veut rompre définitivement avec ces violences cycliques et comportements répréhensibles, elle doit en finir avec l’impunité. Ne pas sanctionner les méfaits, c’est donner le feu vert pour en commettre davantage. Trop souvent, au nom de la réconciliation, des personnalités politiques sont absoutes de leurs actes, parfois d’une extrême gravité. À force de tout pardonner, on délégitime le droit et on ouvre la porte au chaos.
Dans l’esprit des populations, une idée dangereuse s’installe : la justice ne réprime que les pauvres. Ainsi naît le sentiment qu’il existe deux pays : une Côte d’Ivoire des intouchables, et une Côte d’Ivoire des justiciables. Ce déséquilibre fragilise la cohésion sociale et rend illusoire la réconciliation que l’on chante à tout-va.
Or, comme le disait si bien Martin Luther King : « Sans justice, il ne peut y avoir de paix. » Et sans paix, il n’y a pas de développement.
C’est pourquoi le gouvernement a raison de jouer la carte de la fermeté. Il s’agit de préserver la paix, mais aussi de rappeler que nul n’est au-dessus de la loi. Être un homme politique ne confère aucun droit à l’impunité. La Côte d’Ivoire doit sortir de l’émotion et des arrangements politiques qui affaiblissent le pouvoir judiciaire, pour bâtir un État de droit fondé sur des institutions fortes — et non sur des super-hommes.
Force doit rester à la loi. En toutes circonstances et en tous lieux. C’est à ce prix que notre pays refermera, pour de bon, le chapitre sinueux des violences électorales. Pour une Côte d’Ivoire définitivement en paix, prospère et solidaire.
Charles SANGA
