Nahio - 48 h après les affrontements : Voici ce qui s’est réellement passé
La localité de Nahio, située dans la sous-préfecture de Saïoua, département d'Issia, a été le théâtre de vives tensions liées au mot d’ordre de manifestations lancé par le front commun PDCI–PPA-CI, visant à entraver le processus de l’élection présidentielle. Cette mobilisation a débouché sur des affrontements entre jeunes des communautés autochtones et malinké, faisant plusieurs victimes. Retour sur les faits.
L'appel au boycott actif de l’élection présidentielle, par le front commun PDCI-PPA-CI, a mis le feu aux poudres à Nahio. Selon des sources locales, rencontrée sur place, les tensions ont commencé lorsque des cadres du PDCI et du PPACI, notamment Kessé Faha, premier responsable du PDCI à Nahio, et le professeur Zéri Guédé Noël, fédéral du PPACI, auraient incité les jeunes à mener un boycott actif du processus électoral et du vote.
Une réunion préparatoire a été organisée pour protester contre le « quatrième mandat. À la suite de cette rencontre, des jeunes ont dressé des barricades, obstruant les voies de troncs d’arbre afin d’empêcher l’acheminement du matériel électoral vers Nahio.
Face à cette montée de tension, le responsable local du RHDP, Bamba Kader, a convoqué une réunion avec les jeunes du village pour calmer les esprits. « Nahio ne doit pas être, à chaque élection, le théâtre d’affrontements. Nous sommes des frères », a-t-il déclaré, invitant chacun à rester serein et à éviter toute provocation. Toujours selon lui, les posters, affiches et tee-shirt du RHDP ont été interdits par son équipe, sous la menace des jeunes autochtones.
Une veille d'élection agitée
Malgré ces appels à la retenue, les menaces d’affrontement ont persisté. Le 24 octobre, à la veille du scrutin, les forces de l’ordre ont dû intervenir pour dégager les routes en vue de l’acheminement du matériel électoral. Le lendemain matin, jour du scrutin, le matériel électoral a pu être convoyé au siège local de la CEI, situé près du quartier malinké, en présence de la gendarmerie.
Cependant, selon les informations recoupées, les contestataires, menés par le nommé « Farras », vont aller informer leurs compères que des habitants du quartier malinké sont déjà en train de voter au sein même du siège de la CEI alors qu'en réalité, les forces de l’ordre et le personnel électoral s’attelaient à mettre à disposition et à acheminer le matériel électoral dans les lieux de vote. Ce qui a envenimé la situation. Plusieurs jeunes autochtones, chauffés à blanc et rejoints par d’autres venus des localités voisines, ont dressé des barrages aux carrefours stratégiques dans le village, saccageant du matériel électoral. Ils ont également incendié des motocyclettes appartenant à des accesseurs de bureau de vote. Des affrontements ont lieu après une tentative de prise d’assaut du quartier malinké de Nahio.
Toujours dans la journée du 25 octobre, des groupes de jeunes du Front commun, contestataires, armés d’armes blanches, ont pris d’assaut le siège local de la CEI. Selon plusieurs témoignages, Farras aurait menacé d’incendier le quartier malinké dans la soirée et demandé à ses proches d’évacuer les lieux avant l’arrivée de renforts, qui viendraient des villages environnants.
Malgré les tentatives de médiation du secrétaire de la section RHDP, qui a informé les cadres locaux dont le colonel Zokou, le président de la mutuelle et d’autres responsables locaux, de la situation délétère qui prévalait, les affrontements ont éclaté aux environs de 18 heures, jusque tard dans la nuit.
« Nous nous sommes défendus. Ils sont venus attaquer en premier, en voulant casser et brûler le siège de la CEI dans notre quartier. C’était de la légitime défense », a déclaré un représentant des jeunes malinkés devant le sous-préfet, lors d’une réunion d’urgence convoquée le dimanche, par ce dernier.
Bilan : deux morts, une vingtaine de blessés et 25 maisons incendiées
Alertées, les forces de l’ordre, notamment la gendarmerie et la police de Saïoua, se sont rapidement rendues sur place pour rétablir le calme et sécuriser la zone. Une enquête a été ouverte pour identifier les auteurs de ces attaques et les causes profondes de cette flambée de violence.
Selon les autorités locales, le bilan s’élève à deux morts — les nommés Digbeu Goméné Farras et Zely Djimonse— et une vingtaine de blessés, dont trois jeunes malinké. Vingt-cinq maisons ont également été incendiées dans les quartiers Nahio et Malinké.
Informé de la situation, le sous-préfet de Saïoua s’est rendu sur place le dimanche 26 octobre. Il a adressé un message de réconfort aux familles des victimes et a appelé à l’apaisement. Il en a profité pour rencontrer successivement les communautés autochtones et malinkés.
Hier lundi, dans la soirée, ce fut au tour de la directrice départementale de la solidarité d'Issia, de se rendre sur place. Elle a rassuré les uns et les autres et appelé à la cohésion.
Au moment où notre équipe quittait Nahio, le calme semblait être revenu, même si les stigmates des affrontements restaient encore visibles.
D. Konaté, envoyé spécial à Nahio
