Interview – Serge Alain Ayekoe (Directeur de la vie fédérale) : « Nous devons maximiser l'utilité des ressources publiques »
Le directeur de la vie fédérale au ministère des Sports, Serge Alain Ayekoe, livre un bilan sans concession de la participation ivoirienne aux 6èmes Jeux de la Solidarité Islamique. Entre satisfaction relative des trois médailles de bronze obtenues et exigence de résultats, il dessine les contours d'une nouvelle politique sportive axée sur l'efficience et le rajeunissement des effectifs en vue des grandes échéances à venir.
Le Patriote : Monsieur le directeur de la vie fédérale, au moment où se referment les 6èmes Jeux de la Solidarité Islamique à Ryad, quel bilan pouvez-vous déjà dresser de la participation ivoirienne ?
Serge Alain Ayekoe : Le bilan que nous pouvons dresser est mitigé. Il faut d'abord souligner que nous sommes venus à Ryad avec une délégation de 28 athlètes, accompagnés d'une dizaine d'encadreurs techniques et d'une dizaine d'officiels représentant le ministère des Sports et le Comité national olympique de Côte d'Ivoire (CNO-CIV). Ces 28 athlètes étaient répartis dans six disciplines sportives : l'athlétisme, le basketball 3x3, le karaté, la para haltérophilie, le taekwondo et le wushu.
Au soir de la clôture, nous avons obtenu trois médailles de bronze. En termes de ratio, cela signifie qu'il nous faudrait plus de neuf athlètes pour décrocher une médaille. Autrement dit, pour espérer davantage de podiums, nous devrions engager une dizaine d'athlètes par fédération participante. C'est peut-être une perspective optimiste, mais ce n'est certainement pas celle que la Direction générale des sports et de la vie fédérale a reçue du cabinet.
Les instructions sont claires et fermes de la part du ministre Adjé Silas Metch, premier responsable du département des Sports : nous devons maximiser l'utilité des ressources publiques et nous engager dans une optimisation des performances par rapport aux budgets qui nous sont alloués. Au-delà de cette vision qui consisterait à présenter de très larges délégations, il est impératif que, dans le partenariat que nous entretenons avec le Comité national olympique et les différentes structures techniques, nous adoptions une attitude beaucoup plus orientée vers la réalisation de résultats concrets et l'efficience des moyens mis à notre disposition.
LP : Qu'est-ce que cela sous-entend concrètement ?
SAA : Cela implique que nous devons nous départir résolument d'attitudes laxistes qui consistent, trop souvent, à reconduire systématiquement les mêmes fédérations, lesquelles reconduisent à leur tour les mêmes athlètes, sans que ceux-ci aient nécessairement le niveau de forme requis, l'entraînement adéquat, et surtout sans garantir la qualité des processus de sélection au niveau de chaque fédération.
Il est donc crucial pour nous de renforcer les différentes commissions qui se réunissent pour organiser ces sélections. Cela nous permettra, à l'avenir, d'obtenir des performances qui correspondent véritablement au niveau d'engagement financier et institutionnel que l'État consent pour le sport ivoirien.
LP : À vous entendre, vous voyez le verre à moitié plein. Mais de façon concrète, quel est l'apport de la direction dont vous êtes le premier responsable dans le choix des athlètes et des fédérations, pour garantir que seuls les meilleurs représentent la Côte d'Ivoire lors des grands rendez-vous internationaux ?
SAA : On ne peut pas parler d'un apport individuel de la vie fédérale, c'est une démarche globale. Permettez-moi de mettre les choses en perspective. Lors des Jeux précédents, la Côte d'Ivoire avait obtenu cinq médailles : une en or, une en argent et trois de bronze. Si l'on fait la comparaison, on constate une différence notable dans le profil des athlètes engagés.
En athlétisme par exemple, nous comptions sur des noms comme Cissé Gué Apollinaire et Koné Maboundou. En taekwondo, nous disposions d'un certain nombre d'athlètes aguerris et expérimentés. C'est ce qui nous avait permis d'obtenir ces résultats probants. Mais aujourd'hui, conformément à la volonté de l'autorité, nous avons opéré un rajeunissement significatif de nos talents sportifs.
La priorité est désormais de nous intéresser fortement aux athlètes âgés de 15 à 18 ans, dans l'optique de préparer les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) de Dakar en 2026. Cette stratégie nous amène naturellement à sélectionner des athlètes moins aguerris, moins habitués aux grandes compétitions. Or, les Jeux de la Solidarité Islamique ne sont pas des compétitions scolaires, loin de là. Ce sont des compétitions d'athlètes confirmés, avec un niveau d'exigence très élevé.
Si l'on tient compte de ce contexte, on peut considérer que les trois médailles obtenues constituent un résultat relativement satisfaisant. Toutefois, nous ne pouvons pas nous en satisfaire pleinement. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, nous sommes en train de bâtir une Côte d'Ivoire ambitieuse, une grande nation. Selon la vision du Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, qui est de construire une Côte d'Ivoire ambitieuse et solidaire, nous ne pouvons pas nous contenter de ce type de résultats. L'ambition nationale exige davantage de nous.
LP : Ryad 2025 donne tout de même des raisons d'espérer pour le futur, avec notamment les Jeux africains de la jeunesse 2025, les JOJ 2026 à Dakar, les Jeux africains 2027 ou encore les JO 2028 à Los Angeles.
SAA : Absolument. Ce que nous pouvons espérer, et c'est là l'aspect le plus positif de cette participation, c'est que les différents athlètes qui ont eu la chance d'être sélectionnés se sont nourris d'une expérience précieuse sur le terrain. Ils ont pu mesurer concrètement ce qui leur manque pour atteindre le niveau des meilleurs compétiteurs internationaux.
De leur côté, les entraîneurs présents ont dû prendre conscience de ce qu'il faut améliorer en termes de méthodes d'entraînement, de préparation physique et mentale, pour pouvoir conduire nos athlètes vers la performance. Ce sont là des aspects extrêmement positifs dont nous devons tirer parti.
D'autant plus que le calendrier des compétitions est très chargé dans les mois et années à venir. Dans quelques semaines seulement, nous avons les Jeux africains de la jeunesse à Luanda en Angola, qui constituent naturellement des Jeux qualificatifs pour les Jeux olympiques de Los Angeles 2028. Après Luanda, il y aura la perspective des JOJ à Dakar en 2026. Et avant même les Jeux olympiques de 2028, nous aurons en 2027 les Jeux africains qui se dérouleront en Égypte.
Nous osons donc espérer que, grâce à un suivi continu et longitudinal de ces différents athlètes que nous avons commencé à confronter à la haute compétition, nous pourrons enregistrer un ensemble de résultats susceptibles de satisfaire l'opinion publique ivoirienne et de correspondre à nos ambitions nationales. C'est un travail de longue haleine, qui exige rigueur, méthode et détermination, mais nous sommes résolument engagés dans cette voie.
L'expérience de Ryad, aussi mitigée soit-elle sur le plan des médailles, constitue une étape importante dans la construction d'une nouvelle génération de champions ivoiriens. C'est sur cette base que nous devons bâtir l'avenir du sport ivoirien de haut niveau.
Par OUATTARA GAOUSSOU A RYAD – ARABIE SAOUDITE
