Sécurisation foncière rurale : L'AFOR dévoile son bilan et ses ambitions aux conseillers lors de la 2ème session ordinaire du CESEC
La deuxième session ordinaire du Conseil Économique, Social, Environnemental et Culturel (CESEC) a accueilli, ce mardi 25 octobre 2025, le ministre Daniel Cheick Bamba, directeur général de l'Agence foncière rurale (AFOR), pour une conférence sur le thème : « Agence foncière rurale (AFOR) et sécurisation foncière : Acquis, défis et perspectives ». Cette rencontre a permis de dresser un bilan des réformes entreprises depuis 2016 et d'exposer les ambitions du Programme national de sécurisation foncière rurale (PNSFR) à l'horizon 2033.
Une problématique de salut national nécessitant un engagement fort
Dans son allocution d'ouverture, le président du CESEC, Dr Eugène Aka Aouélé, a souligné l'importance stratégique du sujet. « La question foncière est l'un des enjeux les plus cruciaux de notre pays. Elle touche à la terre, à la production agricole, à la paix sociale, à la mémoire des communautés, au rapport entre populations autochtones, allochtones et allogènes », a-t-il déclaré. Le président du CESEC a également salué l'engagement du ministre d'État Kobenan Kouassi Adjoumani, soulignant que « depuis le début de la présente mandature du CESEC, Monsieur le Ministre d'État nous fait l'honneur d'une proximité constante et bienveillante ».
Représentant le ministre d'État Adjoumani, Me Adama Kamara, ministre de l'Emploi et de la Protection sociale, a insisté sur la dimension existentielle de la problématique. « Le foncier rural constitue une véritable problématique de salut public pour la survie du vivre-ensemble entre toutes les communautés », a-t-il affirmé, ajoutant que cette question nécessite « une prise en main vigoureuse par toute l'élite politique et administrative de notre pays ».
Le ministre Kamara a rappelé le contexte historique difficile : « S'agissant du foncier rural ivoirien, essentiellement agricole, il convient de préciser que ce pan de notre économie était affecté par une intensification des pressions dues à la croissance démographique et aux migrations ». Il a souligné que bien que la loi relative au domaine foncier rural ait été adoptée dès 1998, « pendant près de deux décennies, l'application de cette loi est demeurée confrontée à de nombreuses difficultés liées notamment à l'instabilité socio-politique de 1999 à 2011 et au manque de financement conséquent ».
Des résultats spectaculaires et des réformes structurantes
Le ministre Bamba Cheick Daniel a présenté un bilan éloquent des réalisations de l'AFOR. « La problématique foncière rurale en Côte d'Ivoire en appelle à un sursaut national autour d'une question de salut public, de sécurité et même de sûreté nationale », a-t-il introduit.
Les chiffres témoignent d'une accélération spectaculaire. Alors qu'avant 2017, seulement 4 000 certificats fonciers avaient été délivrés et 284 villages délimités sans aucun arrêté ministériel, le bilan au 30 septembre 2025 fait état de 61 353 certificats fonciers délivrés, 5 385 villages délimités et bornés, et 2 316 arrêtés ministériels signés. « Avec l'AFOR, les résultats en termes de certificats fonciers ont été démultipliés par 14 », a souligné le directeur général, précisant que 59 915 contrats agraires ont également été signés depuis 2017, alors qu'aucun n'existait auparavant.
Parmi les innovations majeures, l'adoption en juin 2023 de la Stratégie nationale et du programme national de sécurisation foncière rurale se distingue, doté d'un budget de 620 milliards de FCFA pour la période 2023-2033, visant à sécuriser l'ensemble des 23 millions d'hectares de terres rurales du pays.
L'introduction de la gratuité des opérations pour les populations dans les zones de projets constitue une avancée sociale majeure. « Cette gratuité a pour conséquence de donner accès à la sécurisation foncière à l'ensemble des détenteurs de droits, quel que soit leur niveau socio-économique », a expliqué le directeur général.
La dématérialisation progressive des processus représente un tournant technologique avec la création du Système d'information du foncier rural de Côte d'Ivoire (SIFOR), registre foncier rural officiel, et l'outil DIGIFOR pour la collecte des données.
L'approche participative adoptée se manifeste par la mise en place de 7 200 Comités villageois de gestion foncière rurale et 462 Comités sous-préfectoraux, transférant ainsi le pouvoir de décision aux populations villageoises. L'AFOR est présente dans 20 régions, 57 départements et 251 sous-préfectures.
Au-delà des chiffres de production, l'AFOR a généré des retombées sociales significatives. Plus de 3 000 jeunes ont été recrutés par les Opérateurs fonciers, et ce chiffre devrait atteindre 10 000 à l'horizon 2029 grâce au partenariat avec l'Agence emploi jeunes. De plus, 23 561 professionnels du secteur foncier ont été formés, auxquels s'ajoutent 686 étudiants formés dans le cadre de conventions avec des institutions académiques.
Défis persistants et perspectives ambitieuses
Malgré ces avancées, le directeur général de l'AFOR n'a pas occulté les défis qui persistent. Le financement demeure la principale préoccupation, les opérations étant essentiellement assurées par les Partenaires Techniques et Financiers. Sur les 620 milliards de FCFA nécessaires, seuls 162,5 milliards ont été acquis pour la période 2024-2030, soit un taux de 26,20%. L'extension de la gratuité à l'échelle nationale, la résolution des conflits fonciers alimentés par l'orpaillage illégal, et la sécurisation de plus de 751 000 hectares issus de déclassements de forêts classées figurent parmi les défis identifiés.
Pour la période 2024-2030, les projections sont ambitieuses : certification de 7,125 millions d'hectares (30,97% de la cible nationale), délimitation de 2 530 villages supplémentaires (portant le total à 91,31% des villages du pays), et formalisation de 352 500 contrats agraires.
Trois programmes majeurs sont en cours : le PRESFOR financé par la Banque mondiale, lancé en juillet 2024 à Guiglo, visant à délivrer 500 000 certificats fonciers sur 5 millions d'hectares ; le PASFOR financé par l'Agence Française de Développement, lancé en juillet 2025 ; et le PRF-Gôh financé par l'État allemand.
En conclusion, le ministre Adama Kamara a lancé un appel aux conseillers du CESEC : « Je voudrais encourager votre institution à continuer à prendre pleinement la place qui est la sienne, pour qu'ensemble nous puissions conjuguer nos efforts, pour offrir à notre très chère Côte d'Ivoire, un domaine foncier rural totalement sécurisé et paisible pour tous nos concitoyens ».
Avec l'objectif de sécuriser 23 millions d'hectares d'ici 2033, l'AFOR s'affirme comme un instrument essentiel de la consolidation de la paix sociale et du développement agricole du pays. Le CESEC devra désormais formuler des recommandations pour faciliter l'atteinte de ces objectifs ambitieux, notamment en matière de coordination interministérielle et de mobilisation des ressources financières nécessaires.
OUATTARA GAOUSSOU
