Sur une col : La peur de qui ?

Sur une col : La peur de qui ?

« Il y a beaucoup de gens qui ont peur actuellement. Dans mon allocution de fin d’année, j’ai dit : ‘’n’ayez pas peur. La peur, c’est simplement un pouvoir que vous donnez à autrui sur vous-même’’. Houphouët a dit : L’homme qui a faim n’est pas un homme libre. Moi, j’ajoute : L’homme qui a peur n’est pas un homme libre. On ne peut pas concilier la peur et la liberté ». Ces propos ont été tenus par Tidjane Thiam, le président du PDCI. C’était vendredi dernier, à l’occasion de la première édition des Awards des mouvements associatifs de son parti. Et, sur ce ton pour le moins électrisant d’un commandant de troupe à la veille d’une bataille de front, il a ajouté : « Si nous voulons que notre pays soit libre, il faut dominer la peur ». 

Du poil de la bête, on peut dire que le banquier franco-ivoirien en avait à revendre ce jour-là ! Cette vigoureuse tirade autour de la thématique de la peur, à quelques mois de l’élection présidentielle, beaucoup d’observateurs de notre scène politique pourraient se demander à quoi elle correspond réellement.

Qui sont donc ces « gens (qui) ont peur actuellement », et surtout de quoi (ou de qui) ont-ils peur ? Visiblement, l’orateur les localise au sein des militants du PDCI, puisque c’est à eux qu’il s’adresse. Mais pourquoi ces pauvres gens seraient-ils dans cet état de frayeur ? Cette peur-là, elle proviendrait d’où ? Quand une élection s’annonce, on la prépare et on l’affronte en réunissant tous les ingrédients pour la remporter. De quelle peur parle Thiam ? Serait-ce la peur de perdre les élections dans les urnes ou une autre peur qu’il refuse de nommer ?

Parce qu’à cette thématique, il ajoute celle de la liberté : « l’homme qui a peur n’est pas un homme libre », paraphrase-t-il Houphouët-Boigny comme si les Ivoiriens (ou du moins les militants du PDCI) étaient embastillés en ce moment. Quel est donc ce discours qui ressemble fort à un chauffage à blanc de ses militants pour participer à ce qui ne devrait être qu’une simple élection, présidentielle fut-elle ? A moins que notre candidat – qui n’est même pas encore éligible pour défaut de renonciation à la nationalité française

 – prépare un autre type d’élection, celle-là hors des urnes, c’est-à-dire dans la rue ? Est-il en train d’envisager la désobéissance civile, de macabre mémoire, qu’il avait soutenue en son temps, selon Pascal Affi N’Guessan ?

Et puis, parlons-en de cette peur. Thiam est-il vraiment homme à dominer ce sentiment comme il le conseille ardemment à ses militants, lui qui a pris la poudre d’escampette, en décembre 1999, au moindre coup de canon contre le pouvoir de son prédécesseur Henri Konan Bédié ? Parler est si facile…

 

KORE EMMANUEL