Affaire "Il faut savoir partir" : Quand Mgr Kutwa encourageait Bédié à demeurer à 86 ans dans la vie politique

Affaire "Il faut savoir partir" : Quand Mgr Kutwa encourageait Bédié à demeurer à 86 ans dans la vie politique

C'est une loi de la nature. Il y a des actes que nous posons et qui nous rattrapent toujours. Le cardinal Mgr Jean-Pierre Kutwa vient de faire l'expérience de cette leçon de vie. Notamment dire une chose à une période donnée et son contraire à un autre moment. Samedi dernier, lors de l'intronisation de son successeur, Mgr Ignace Blessi, nouvel archevêque d’Abidjan, il appelait, à gorge déployée, à "savoir partir avant que l'amour ne se transforme en haine" pour "faire la place à un jeune plus vigoureux". 

Implicitement, il demande le passage de témoin entre les gens d'un certain âge et la jeune génération. C'est son opinion, et on peut la lui concéder. Sauf qu'il y a un "mais". Et ce mais, c'est qu'il y a bientôt quatre ans, au cours d'une visite chez le Président Bédié, alors que celui-ci était sous blocus en raison de sa participation, sous le couvert du boycott actif et de la désobéissance civile, à une tentative de déstabilisation du pays, il encourageait le patriarche, âgé au moment des faits de 86 ans, à continuer sa vie politique. "On ne dirige pas avec les pieds mais avec la tête", avait-il martelé dans un éclat de rire, avant de recevoir une enveloppe du président du PDCI. La vidéo de cette séquence folle dénote de l'impartialité criant de l'ancien chef de l'église catholique en Côte d'Ivoire.

A la vérité, personne n'est surpris pas la récente sortie de Mgr Kutwa. L'ancien archevêque d'Abidjan est coutumier depuis quelques années de ces prises de positions partisanes et, un tantinet, politiques, qui tranchent avec le sacerdoce de l'église, qui plus est, catholique. Déjà, en août 2020, au sein même de la cathédrale Saint-Paul, qui est visiblement le lieu favori de ses annonces tapageuses, il avait pondu une déclaration ahurissante. "La candidature du Président Alassane Ouattara n'est pas nécessaire", avait-il déclamé, en précisant qu'il s'exprimait en son nom et non en celui de l'église. Naturellement, seuls les incrédules sont peut-être tombés dans le panneau. Sinon, la majorité des Ivoiriens a bien lu le jeu clair-obscur de ce prêtre. Qui foule aux pieds, au gré de ses intérêts, la sacro-sainte doctrine chrétienne catholique. Et surtout, il patauge, avec sa soutane, dans les eaux boueuses du marigot politique ivoirien. 

Évidemment, ces agissements de Mgr Kutwa ne plaisent pas à beaucoup de fidèles catholiques qui s'interrogent sur leur mobile et l’attitude de leur désormais ancien guide. Pourquoi autant de parti-pris quand on sait, qu’ils sont issus de tous les bords politiques ? 

A la limite, c'est très gênant que leur chef, qui jouait les prolongations alors qu'il devait savoir partir depuis cinq ans, embarque l'église catholique sur ce terrain hautement glissant où la félonie et la mauvaise foi sont les choses les mieux partagées ? 

Heureusement que les Ivoiriens, qui ne sont pas dénués d'un esprit de discernement, savent faire la part des choses. Entre l'intoxication et la réalité des faits. En 2020, malgré les propos de Mgr Kutwa, ils sont sortis massivement pour voter le chef de l'Etat qui a été plébiscité lors de l’élection présidentielle avec plus de 94% des suffrages. Nul doute qu'ils restent encore sourds à ce discours dont le seul mérite est d'agiter l'opinion et qui porte en lui-même les germes de son rejet : la haine, l'acharnement contre un homme qui s'est sacrifié pour le pays, la division, etc.

 

Y. Sangaré