Front commun : Comment le PPA-CI marche sur le PDCI

Front commun : Comment le PPA-CI marche sur le PDCI
Pour le moment Tidjane Thiam est le grand perdant du Front commun

Les images ont fait le tour du monde. Le 9 août dernier, à Yopougon, lors de la marche du Front commun, le PDCI de Tidjane Thiam a été littéralement éclipsé par le PPA-CI de Laurent Gbagbo. Les chants à la gloire de l’ex-président de la République ont largement couvert ceux en faveur de l’ancien ministre de Bédié. « On va installer Gbagbo, on va installer Gbagbo » a été scandé bien plus fort que « On va installer Titi, on va installer Titi ».

Les militants du plus vieux parti du pays ont été noyés par leur nouvel allié au cours de cette marche dont la coordination principale a été confiée à Damana Pickass, cadre du PPA-CI. Cette mobilisation semblait davantage servir les intérêts du PPA-CI que ceux du PDCI.

Le temps d’un meeting, les partisans de Gbagbo ont froissé l’alliance qui les lie pourtant au PDCI. Samedi dernier, ils  ont récidivé. Réunis à la place Ficgayo de Yopougon,  ils ont une fois de plus ignoré royalement  la présence de la force délégation du PDCI venue assister au meeting de leur leader. Dans la foule, tous les regards étaient tournés vers l’ancien député de Ouragahio. Le PDCI a encore été relégué au second plan.

En réalité - et cela devrait être su des militants de cette formation politique-, pour le PPA-CI, le parti de Thiam n’est que "la cinquième roue du carrosse". Parce que justement, le PPA-CI a décidé de lui vendre son droit d’ainesse.

En s’alliant au PPA-CI, au détriment de la Coalition pour l'alternance pacifique en Côte d'Ivoire ( Cap-Côte d'Ivoire), qui regroupe des formations  de l'opposition comme le Parti démocratique de Côte d'Ivoire ( PDCI) de Tidjane Thiam et le Mouvement des Générations Capables ( MGC) de Simone Gbagbo, le PDCI a  volontairement renoncé à sa position de première force politique de l’opposition ivoirienne.

Tout porte à croire que sans le PPA-CI, le parti de Thiam ne pèse rien sur l’échiquier politique national. Pourtant la réalité était tout autre.  Car en nombre d’élus, entre les deux formations politiques, il n’y a pas match : le PDCI compte plus de députés, plus de maires et plus de conseillers régionaux que le PPA-CI, faisant de lui, la première force politique après le RHDP, tant en termes d’élus que de présence sur le terrain.

Malgré cette supériorité, le parti de Thiam a accepté d’être sous l’influence du PPA-CI, qui semble marcher tête baissée sur son allié.  Le Front commun, on le voit, ne génère que des avantages pour le PPA-CI. Le PDCI  est  lésé,   désavantagé. Il s’agit donc   d’une relation asymétrique, loin d’un partenariat gagnant-gagnant.

 

Laurent Gbagbo, l’homme qui trahit toujours ses allié

En matière d’alliances, Laurent Gbagbo n’est pas la personne idéale. Son parcours politique est jalonné d’exemples peu flatteurs. Au début des années 1970,  Laurent Gbagbo,  Zadi Zaourou, Assoa Adou et Mamadou Traoré dit Le Puissant signe  le serment de Strasbourg. Ils s’engageaient à faire en sorte qu’il y ait une autre offre politique en Côte d’Ivoire.  Mais en 1990, ce serment vole en éclats, principalement à cause de Gbagbo.

A l’avènement du multipartisme, les signataires ne parlent plus le même langage. Gbagbo se retrouve à la tête du Front populaire ivoirien (FPI),  Zadi Zaourou fonde l’Union de sociaux-démocrates (USD) et Assoa Adou rejoint Francis Wodié pour créer le Parti ivoirien des travailleurs (PIT). « Nous ne nous sommes plus retrouvés parce que le serment a vacillé », explique   Mamadou Traoré, resté en France.

Malgré cet échec, Laurent Gbagbo et certains anciens camarades mettent en place la Coordination de la gauche, regroupant le FPI, l’USD, le PIT et d’autres formations politiques. Tous s’accordent à ne pas présenter de candidat à l’élection présidentielle de 1990 face à Félix Houphouët-Boigny.   C’était mal connaitre le président du FPI d’alors : en catimini, Laurent Gbagbo dépose sa candidature au ministère de l’Intérieur. Le projet collectif vole à nouveau en éclats.

Élu député à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, il négocie avec le groupe parlementaire PDCI des conditions consensuelles pour l’élection de 1995. Un accord est trouvé sur une dizaine de points. Mais Gbagbo quitte cet accord pour rejoindre le RDR dans le Front républicain… qu’il trahira par la suite, tout comme le groupe parlementaire PDCI-RDA et le général Gueï.

Il ira jusqu’à revendiquer le surnom de « boulanger » qu’on lui attribue pour sa capacité à « rouler » ses partenaires. « Oui, c’est parce que j’ai tendance à dribbler adversaires et partenaires », avait-il répondu à un journaliste. A ce rythme, il n’est pas exclu que le Front commun vole lui aussi en éclats. Comme le disait Paul Magnette, universitaire et homme politique belge : « Qui a trahi un jour trahira toujours… »

Thiery Latt