Destin de feuille morte

Destin de feuille morte

Le Front populaire ivoirien est-il au creux de la vague ? Tout porte à le croire. Le parti créé par Laurent Gbagbo et aujourd'hui dirigé par son ancien filleul Pascal Affi N'guessan est, actuellement, dans la tourmente. Depuis quelques semaines, il est en proie à une secousse violente, à l'image d'un avion qui traverse une zone de turbulence. La tempête est en passe de balayer, s'il n'y prend garde, le chef du parti. La crise qui couvait, entre lui et une bonne partie des membres du Comité central vient, en effet, d’éclater au grand jour. Et la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est incontestablement l’annonce officielle de la rupture du « partenariat » entre le RHDP et le FPI, signé le 2 mai 2023. Une décision que contestent avec véhémence d’autres cadres surtout qu’ils l’estiment « unilatérale ». Autrement dit, Pascal Affi N’guessan a décidé de rompre le « partenariat » sans leur consentement, alors qu’ils sont tous embarqués dans le même bateau. Une manière implicite de décrier une gestion non collégiale, pour ne pas dire cavalière du FPI, leur instrument politique. Ce qui sonne, ni plus ni moins, comme un désaveu total pour Pascal Affi N’guessan qui veut tirer le FPI vers le PPA-CI, en prenant pour prétexte, l’Appel de Bonoua.

Ainsi, après la sortie musclée du Pr Pierre Dagbo, la semaine dernière, c’est au tour des membres du Secrétariat général, dont des vice-présidents et des secrétaires généraux adjoints, de se rebeller contre la trajectoire prise par Affi N’guessan. En opposant un « Non » catégorique à une fin du « partenariat » avec le RHDP portant sur la réconciliation nationale, la cohésion sociale et la démocratie.  
Manifestement, Affi N’guessan est victime de ses turpitudes et surtout de son inconstance politique. L’homme semble voguer au gré du vent et de ses petits calculs politiques, sans toujours faire des choix judicieux. Comment peut-il vouloir lâcher un puissant paquebot, sûr de sa force, comme le RHDP pour s’accrocher, désespérément, à un radeau en pleine errance dans les eaux troubles du marigot politique ivoirien ? C’est un peu comme lâcher la proie pour l’ombre. Car, disons-le tout net, après avoir été totalement grillé par son implication dans le fantoche CNT (Conseil national de Transition) mis en place par l’opposition en 2020 pour légitimer un coup de force qui, fort heureusement, a échoué, Pascal N’guessan doit sa survie politique au partenariat avec le RHDP. Sans le parti au pouvoir, il aurait été écrasé par Laurent Gbagbo.  Car, il n’aurait pas eu les moyens de se mesurer à l’ancien chef d’Etat, sur tous les plans. De toute évidence, le partenariat a permis à Affi N’guessan et au FPI d’exister, et surtout de ne pas être « l’enveloppe vide ». C’est donc une sacrée perche que le parti au pouvoir lui a tendue. Et malgré le grand sacrifice du RHDP qui a retiré son candidat pour les régionales dans le Moronou, et apporté un soutien financier, logistique et politique à Affi N’guessan, il n’a pas été capable de se faire élire dans sa propre région, alors qu’il s’y considère comme un leader. Est-ce la faute du RHDP ? Assurément non ! Car, pour sûr, Affi N’guessan porte en lui-même les germes de cet échec cuisant.

Au lieu de faire un vrai diagnostic de cette défaite, il choisit d’embarquer le FPI dans une aventure incertaine. Avec le secret espoir de se rapprocher de Laurent Gbagbo. A quelle fin ? La question taraude l’esprit de certains cadres du FPI qui s’interrogent sur cette démarche alors que leur parti tire profit du partenariat, avec des vice-présidents de conseils régionaux, des adjoints au maire et une kyrielle de conseillers municipaux et régionaux. 
A la vérité, Affi N’guessan n’a aucun avenir politique avec le PPA-CI ; un parti qui peine à exister sur la scène politique et dont les responsables ne lui pardonneraient jamais sa défiance à l’égard de Laurent Gbagbo, lorsque celui-ci voulait récupérer le FPI en 2021. Tout comme il n’est pas certain, alors-là pas du tout, qu’ils lui fassent encore confiance, après tout ce qui s’est passé entre eux.
Si Affi N’guessan n’a pas compris cela, c’est qu’il se trompe lourdement. Avec le risque d’une fin de carrière politique tristounette, digne du destin d’une feuille morte.


Charles Sanga