Quand l’école est prise en otage 

Quand l’école est prise en otage 

Le Président Alassane Ouattara, tout au long de son mandat, s'est incontestablement distingué par son engagement à investir massivement dans le secteur de l'éducation, que ce soit dans l'enseignement général, technique, secondaire ou supérieur. Les chiffres en témoignent de manière évidente. Entre 1960 et 2011, la Côte d'Ivoire a construit 294 lycées et collèges, un chiffre relativement modeste en comparaison des 608 établissements scolaires construits entre 2012 et 2022 sous le leadership du Président Ouattara. Du côté du préscolaire et du primaire, l'effectif a atteint 83 539 enseignants, dont 69 071 ont été recrutés après 2011. 

Au niveau secondaire, 30 862 fonctionnaires ont été recrutés entre 2011 et 2024. De plus, des recrutements exceptionnels ont été réalisés dans les centres de formation initiale tels que l'ENS, le CAFOP, l'INJS et l'INSAAC, avec notamment l'embauche de 3 000 professeurs en 2013, 10 300 enseignants en 2019, dont 5 300 pour le primaire, et 2 885 nouveaux enseignants actuellement.

Personne ne peut prétendre avoir fait autant pour l’éducation en Côte d'Ivoire que l’actuel régime. Cependant, comme l’a bien observé l’auteur français Jean-Pierre Szymaniak, "on récolte de l’ingratitude quand on a trop semé de gentillesse". Cette réflexion semble parfaitement résumer l'attitude de nombreux enseignants à l'égard du gouvernement, qui a pourtant déployé des efforts considérables en leur faveur. L’ironie réside dans le fait que, après tant de progrès réalisés pour améliorer leur condition de vie et de travail, ces enseignants choisissent de manifester leur mécontentement de manière disproportionnée, notamment à travers une grève.

Alors que l’année scolaire entre dans sa phase finale, avec les examens majeurs tels que le CEPE en mai, certains syndicats d’enseignants ont choisi de recourir à la grève les 3 et 4 avril 2025, malgré l’indifférence de la majorité des enseignants à travers le pays. En effet, sur les 41 Directions régionales de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation (DRENA), seulement 9 ont été partiellement perturbées, ce qui témoigne de la faible adhésion à ce mouvement. Pourtant, les grévistes, bien que minoritaires, ont décidé de poursuivre leur action, avec de nouvelles journées de grève programmées pour les 7 et 8 avril.

Leurs revendications, pour le moins étonnantes, portent sur l’attribution d’une « prime trimestrielle » comparable à celles versées à d'autres fonctionnaires, notamment ceux travaillant dans les régies financières. Ce qu’ils réclament, en termes précis, c’est une prime pouvant aller jusqu’à 600 000 FCFA pour les grades les plus bas, avec une augmentation de 50 000 FCFA par grade. Cependant, cette demande de prime est profondément déconnectée de la réalité et de la logique économique.

Il convient de rappeler que cette prime n’est pas un salaire, mais une somme exceptionnelle versée en fonction du rendement de l'employé, distincte de la rémunération habituelle. Les enseignants semblent oublier que leur situation salariale est bien plus favorable que celle de nombreux autres fonctionnaires. Comparer leur cas avec celui des douaniers ou des agents des impôts, qui perçoivent une prime en fonction de leur rendement, n’a pas de sens. Ces primes ne sont pas systématiques et ne dépendent pas du budget de l’État dans sa globalité. En revanche, les enseignants ivoiriens, depuis l’ère du Président Houphouët-Boigny, ont toujours bénéficié des meilleures rémunérations et avantages que les autres fonctionnaires, notamment la prime de dépaysement et l’accès à des logements construits et mis gracieusement à leur disposition.

C’est d’ailleurs sous la présidence d’Alassane Ouattara, en 2016, que les salaires des fonctionnaires ont été largement revalorisés. Si les enseignants de la Côte d'Ivoire bénéficient aujourd’hui de salaires équivalents, voire supérieurs à ceux de leurs homologues dans d’autres pays d’Afrique noire, c’est bien grâce aux efforts de ce gouvernement. En plus des recrutements massifs d'enseignants, l'État a investi plus de 2700 milliards de FCFA pour améliorer les conditions de vie et de travail des fonctionnaires en une décennie.

Cela dit, les récentes revendications des grévistes, en particulier la demande d’une prime trimestrielle, semblent non seulement injustifiées mais aussi moralement répréhensibles. Il est essentiel de rappeler que les grèves doivent être utilisées en dernier recours, après l'échec du dialogue. Or, il n’en est rien dans ce cas précis. En effet, le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de la Fonction publique et de la Modernisation de l’administration, a mis en place un comité consultatif afin de discuter de cette demande. Le dialogue reste donc ouvert, ce qui démontre que la question n'est en aucun cas taboue ou ignorée par les autorités.

En réalité, cette agitation autour de la prime semble davantage relever de stratégies politiques que d'une véritable revendication légitime. Certains leaders syndicaux cherchent clairement à exploiter la situation pour manipuler l'opinion publique et, peut-être, perturber l'équilibre politique dans une année électorale. Il est possible que cette grève soit une tentative délibérée d’attiser les tensions sociales, dans le but de servir des intérêts partisans.

Dans ce contexte, il revient au gouvernement de faire preuve de fermeté face à ces comportements, afin de préserver la stabilité sociale et d’éviter que ces actions de déstabilisation ne se transforment en une crise ouverte. L’objectif doit être de maintenir la paix sociale tout en continuant à répondre aux attentes légitimes des enseignants dans un cadre de dialogue constructif.

 

Charles Sanga