Présidentielle 2023 : Des militants abandonnés à leur sort au PPA après avoir exécuté les mots d’ordre du Front commun

Présidentielle 2023 : Des militants abandonnés à leur sort au PPA après avoir exécuté les mots d’ordre du Front commun
Présidentielle 2023 : Des militants abandonnés à leur sort au PPA après avoir exécuté les mots d’ordre du Front commun

Les militants du Front commun — formé par le PPA-CI et le PDCI-RDA — arrêtés lors des récentes marches interdites et actuellement détenus au Pôle Pénitentiaire d’Abidjan (PPA, ex-MACA), vivent aujourd’hui une double peine : la prison et l’abandon. C’est l’avocat Me Ange Rodrigue Dadjé qui a tiré la sonnette d’alarme le mardi 28 octobre 2025, à travers un message poignant publié sur sa page Facebook. « Je suis revenu du PPA (ex-MACA) complètement triste : tous ces jeunes à qui le Front commun a demandé de descendre dans les rues sont abandonnés à leur sort, sans moyens pour se nourrir décemment, et plus grave, sans avocat pour les défendre au tribunal. Beaucoup se font condamner. Trop triste », écrit-il. Des propos qui en disent long sur la détresse de ces jeunes militants, livrés à eux-mêmes après avoir répondu à l’appel de leurs leaders politiques. Trivialement, on pourrait dire comme l’homme de la rue à Abidjan : «Ça fait pitié». Ces jeunes croyaient défendre une cause juste, celle de leurs partis et de leurs leaders. Ils ont marché, défié l’autorité de l’État, parfois au prix de leur liberté, convaincus d’être les instruments d’un « combat démocratique ». Aujourd’hui, ils se retrouvent oubliés derrière les barreaux, sans assistance juridique, sans visites, sans même de quoi se nourrir dignement. Pendant ce temps, ceux qui les ont poussés à défier la loi vivent en toute liberté, loin du tumulte qu’ils ont provoqué. Le drame est profond : alors que ces jeunes croupissent en prison, aucun de leurs leaders n’a été inquiété. Pire, certains se dédouanent publiquement.

Les casses, les barricades, les incendies et les affrontements qui ont suivi les mots d’ordre du Front commun ont causé des dégâts matériels considérables et même des pertes en vie humaine. Mais face à la justice, ce sont les exécutants — les jeunes manipulés — qui paient le prix fort. Les réactions de Laurent Gbagbo et de Tidjane Thiam en disent long sur cette démission morale. Interrogé après les incidents, le fondateur du PPA-CI a clairement pris ses distances. « Moi, je ne leur demande pas de descendre dans la rue (…) mais à ceux qui sont dans la rue, je leur apporte mon soutien. C’est mon point de vue », a-t-il déclaré.

Quant à Tidjane Thiam, après avoir appelé les jeunes à « libérer le pays », il s’est empressé, quelques jours plus tard, de se justifier en affirmant qu’il faisait en réalité référence au Saint-Esprit, c’est-à-dire à Dieu — une déclaration pour le moins surprenante, survenue après la mort d’un gendarme lors des troubles. Ces revirements illustrent une triste réalité : les leaders savent se protéger quand la tension monte, laissant leurs partisans assumer seuls les conséquences de leurs paroles. La situation actuelle donne un écho particulier aux mots du regretté Hamed Bakayoko, lors de la désobéissance civile de 2020 à Bonoua. Face à des jeunes manipulés par l’opposition de l’époque, il leur avait lancé un avertissement d’une sagesse rare: « Je vais vous demander de ne pas vous battre entre vous. La politique a son champ de bataille : ce sont les campagnes électorales et les urnes. Quand nous, les acteurs politiques, faisons nos arrangements, on ne vous appelle pas. Quand c’est bon entre nous là-haut, on ne vous appelle pas. Mais quand il y a désaccord, c’est là qu’on vous appelle pour porter nos batailles de rue. Vous devez dire non à la manipulation des jeunes, non à la violence. Parce que quand ces choses commencent, on ne sait jamais jusqu’où cela peut aller». Une déclaration d’une actualité brûlante, alors que l’histoire semble se répéter : les jeunes des partis d’opposition, manipulés, finissent toujours par payer le prix fort des calculs politiques de leurs aînés. En définitive, les événements récents montrent encore une fois que la violence politique n’a jamais rien produit de bon. Ceux qui répondent aveuglément aux appels à la désobéissance se retrouvent en prison, pendant que leurs chefs se disculpent publiquement ou invoquent des malentendus spirituels. Le message est clair : les jeunes doivent désormais refuser d’être instrumentalisés, car la vraie bataille politique se gagne dans les urnes, pas dans les rues.

 

Rahoul Sainfort