Présidentielle 2025 : Alassane Ouattara, le dernier combat d’un bâtisseur
Communicateur de formation, stratège en communication institutionnelle, ancien conseiller technique chargé de la Communication au cabinet du ministre Charles Koffi Diby, Norbert Kobenan se prononce, dans cette contribution, sur la candidature du Président Ouattara.

candidature sous le signe du devoir, pas du désir
Le 29 juillet 2025 Alassane Ouattara annonce sa candidature à la présidentielle. À 83 ans, il revient dans l’arène, non comme un conquérant, mais comme un garant. Ce n’est pas un acte de puissance, c’est un acte de veilleur. Un retour mûri, mesuré, douloureux peut-être, mais assumé. Pour la Côte d’Ivoire, ce n’est pas qu’un candidat qui se présente. C’est une figure historique qui revient affirmer : la stabilité vaut parfois un pas de plus.
Entre chaos régional et incertitudes internes
Dans une Afrique de l’Ouest fragilisée par les coups d’État, le terrorisme et les tensions intercommunautaires, la Côte d’Ivoire fait figure d’îlot stable. Mais cette stabilité est fragile. Le spectre de 2010, les fractures politiques encore visibles, les incertitudes de la relève… tout concourt à faire de 2025 une année à haut risque. Ouattara en est conscient. Sa décision de se représenter apparaît dès lors comme une réponse au vide, non comme une volonté de pouvoir. « Le vide en politique n’existe pas. Il se remplit toujours par l’imprévisible. » Michel Rocard
Le parti au pouvoir à la croisée des chemins
Le RHDP est une maison forte, mais traversée de courants. Les ambitions se bousculent, les héritiers se cherchent, les fidélités s’usent. Adama Bictogo, Patrick Achi, Téné Birahima Ouattara… autant de figures qui revendiquent ou suggèrent une suite. Mais aucune n’impose unanimement le leadership ni l’assurance d’une victoire nette.
Ouattara revient pour garder cette maison debout, éviter qu’elle ne se fracture avant l’heure. Il se pose comme une transition assumée. Une dernière montée sur scène, le temps de verrouiller la paix.
Le doyen respecté de la CEDEAO
En Afrique de l’Ouest, Alassane Ouattara reste une voix de sagesse. Son silence pèse plus que les discours de bien des dirigeants. Dans les crises au Burkina, au Mali, au Sénégal, il a été consulté, entendu. Sa longévité rassure. Sa technicité impressionne. Sa modération fait école. Son retour dans la course n’est pas seulement une affaire ivoirienne : c’est un signal de stabilité pour toute la sous-région. « En Afrique, celui qui a vu plusieurs hivers est celui qu’on écoute quand le ciel devient noir. » Proverbe akan
Une chronique d’un destin présidentiel
Parcours d’un homme d’État entre rigueur et résilience
De Washington à Abidjan, de l’économie au pouvoir d’État, Ouattara a gouverné la Côte d’Ivoire avec la fermeté du technocrate et l’endurance du stratège. Trois CAN, trois mandats, des ponts, des autoroutes, la digitalisation de l’administration… son bilan est visible. Mais sa méthode, jugée verticale, lui vaut aussi des critiques. À travers ce nouveau mandat, il cherche à solder l’histoire, à construire la paix par le haut. Comme pour dire : « Je gouverne avec les chiffres, mais j’ai toujours écouté les cœurs. »
Conclusion
Une candidature sans flamme, mais avec feu
Alassane Ouattara revient, non pour durer, mais pour garantir. Il revient avec l’âge, avec les cicatrices, avec les enseignements. Il ne cherche plus l’adhésion populaire. Il vise l’apaisement institutionnel. Il ne cherche pas le trône, mais le passage. Le chantier d’une transmission sans chaos est peut-être son ultime grand œuvre. Et peut-être, aussi, le plus difficile.
« Un président n’est pas un roi. Il est un veilleur. Il doit partir en laissant la lumière allumée. »
Par Norbert KOBENAN