Sur une col : La grenouille et le bœuf

L’extraordinaire déferlement humain auquel les Ivoiriens ont assisté, hier – via la télévision nationale –, lors de la célébration, cette année à Bouaké, du 65ème anniversaire de l’indépendance de notre pays, a sans doute définitivement remis à l’heure les pendules d’une vérité criante : en Côte d’Ivoire, la popularité ne saurait se décréter. Elle se manifeste d’elle-même. Elle se vit. Elle se voit. Elle s’entend. On n’est guère populaire en le déclamant à tout bout de champ. Sur la toile, notamment sur Tik Tok, Instagram et les multiples autres canaux sociaux. On l’est encore moins en brandissant sur chaque plateau télé des bouts de papiers tenant lieu de sondages, et visiblement sortis tout droit de nos fantasmes et rêveries. On n’est pas le « chouchou du peuple » en arpentant, tel un charlatan, les couloirs des rencontres internationales le boniment à la bouche.
On est populaire quand on exerce une réelle attirance sur les autres, qui le manifestent le plus éloquemment possible à chaque fois que l’occasion le permet. Une attirance qui parfois relève même d’une sorte de magnétisme que seuls ceux qui le méritent vraiment peuvent provoquer chez leurs semblables.
A Bouaké, avant-hier et hier, d’abord à son arrivée dans la capitale du Gbêkê et ensuite pendant les festivités proprement dites, Alassane Ouattara a prouvé qu’il avait une place de choix dans le cœur des Ivoiriens. Toute une population – mais presque tout un peuple à l’échelle nationale – était transie d’émotion et d’admiration pour l’homme. Des dizaines de milliers de Bouakéens venus de toutes les contrées de la deuxième ville ivoirienne ont pris d’assaut la cité historique pour voir, non seulement celui qui préside si brillamment à leur destinée depuis quinze bonnes années, mais s’émerveiller devant l’œuvre qu’il a accomplie et que le magistral défilé civilo-militaire a su superbement résumer. Tenez, pour ceux qui voudront bien s’en souvenir, il y a tout juste un petit mois et demi, le stade d’Ebimpé étalait cette popularité d’Alassane Ouattara au grand jour ! A peine 18 mois en arrière, il y avait cette CAN 2023, la plus populaire de l’histoire du foot africain…
Oui, la popularité d’un homme politique ne tient ni à ses cavalcades professionnelles, encore moins à la rapacité pécuniaire qu’elles peuvent dissimuler. Ceux et celles qui font votre popularité sont toujours ceux à la disposition de qui vous ne rechignez jamais à vous mettre.
Tout ceci n’est pas sans rappeler la fameuse fable de « la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ». L’amphibien est si envieux et jaloux de la taille du bovin qu’il entreprend de s’enfler pour lui ressembler. Malheureusement son ambition démesurée le conduit à sa perte, et il finit par éclater. La vanité et l’ambition excessive peuvent être parfois fatales.
KORE EMMANUEL