Fédération ivoirienne de taekwondo : Comment Yacé s’est fait prendre au piège de l’interprétation des textes  

Fédération ivoirienne de taekwondo : Comment Yacé s’est fait prendre au piège de l’interprétation des textes  
Le président déchu, Jean-Marc Yacé, en plus de s’opposer à la tutelle, fait une interprétation erronée des textes de la FITKD face à la crise à laquelle il fait face (Ph DR)

La Fédération ivoirienne de taekwondo (FITKD) est dans une impasse totale. Après la destitution, le samedi 19 octobre 2024, du président élu Jean-Marc Yacé, par 175 membres statutaires sur 316, la seule et unique fédération championne olympique est en proie à une grave crise. Le président déchu, contestant la démarche des dissidents, a recouru à une sécurité non régalienne pour protéger le siège de la fédération. Cela, pour empêcher Me Ali Diomandé et son équipe du comité directeur de transition (CDT) d’en prendre possession. Le Centre sportif, culturel et des TIC ivoiro-coréen Alassane Ouattara (CSCTICAO) qui abrite le siège de la FITKD, face à la montée de tensions, a pris la décision de le fermer et aussi d’interdire en son sein toutes activités relatives au taekwondo. Saisi et après avoir écouté chacune des parties, le ministère délégué aux Sports et au Cadre de vie a pris la sage décision de suspendre jusqu’à nouvel ordre les activités fédérales, appelant les acteurs à la patience, à la cohésion sociale et à faire confiance à la tutelle pour une sortie de crise pacifique. 
Une position à laquelle souscrit le CDT de la FITKD (CDT-FITKD) qui a, par la voix de son président, Dr Ali Diomandé, appelé les taekwondoïstes non seulement au respect de la décision de l’autorité de tutelle mais à endosser le costume d’ambassadeurs de la paix.  

De son côté, revendiquant son statut de président démocratiquement élu, Jean-Marc Yacé ne semble pas voir les choses sous le même angle que la tutelle. Pour le camp du président déchu, le ministère, en lieu et place de la suspension des activités fédérales, devrait faire injonction au camp d’en face pour surseoir à son action de prise de la fédération sans aucun respect des textes statutaires. Pis, il voit dans la décision de la tutelle une caution à la « forfaiture » de Me Ali Diomandé et de la majorité des membres régulièrement affiliés et actifs. 
Une lecture parcellaire et fortement erronée des textes en vigueur comme il a été donné de constater, le 21 octobre 2024, en conférence de presse. Jean-Marc Yacé, entouré pour la circonstance de plusieurs amis – le comité directeur qu’il présidait était dissout – s’était prononcé sur divers points relatifs à la convocation de l'Assemblée générale extraordinaire (AGE) qui a prononcé sa révocation, le 19 octobre 2024. Une analyse minutieuse ressort d’ailleurs les insuffisances de l’interprétation des textes dont il a fait preuve lors de sa rencontre avec les médias.  

De la régularité et la légalité de la convocation de l'AGE

 

Yacé a argumenté que toutes demandes de convocation d'une AGE doivent être impérativement adressées au président de la FITKD. Une affirmation qui contredit l'article 20 du règlement intérieur de la FITKD, qui stipule que l'AGE peut être convoquée soit à l'initiative du président, soit par les deux tiers des membres du comité directeur, ou à la demande de la majorité absolue des associations de base en règle de leurs obligations fédérales. Comme il est écrit, aucun texte ne mentionne l'obligation d'une adresse formelle au président pour la convocation d'une AGE, soulignant ainsi une interprétation erronée par le maire de Cocody. Dès lors que les textes sont muets sur certains aspects, le Droit commun des associations est donc convoqué. Et celui-ci est clair : « En cas de dysfonctionnement ou de blocage par la direction de l’association, les associations de base peuvent invoquer le principe général de la démocratie interne des associations selon lequel les membres disposent du droit de convoquer une réunion extraordinaire si la gouvernance est défaillante et ne répond plus aux attentes. » Au sujet du fonctionnement démocratique des associations sportives, la loi ivoirienne n°2014-856 du 22 décembre 2014 relative au sport dispose en son article 9 l’obligation pour les associations sportives de garantir dans leurs statuts le fonctionnement démocratique ainsi que la transparence dans la gestion administrative et financière de l’association. Aussi faut-il reconnaître que les membres statutaires, en janvier 2024, ont par correspondance demandé la tenue d’une Assemblée générale ordinaire. Une requête restée sans suite. C’est donc face au mépris du président Yacé et au péril qui menace leur fédération qu'ils ont agi, usant du droit de convoquer une Assemblée générale extraordinaire que le droit en matière associative leur reconnait lorsque la gouvernance de l’association est défaillante comme ce fut le cas en l’espèce. En effet, la fédération est sans organes dirigeants depuis septembre 2024 avec la décision de Yacé de dissoudre son comité amputant ainsi la fédération de tous ses organes dirigeants et opérationnels. Et comme aucun texte ne fait obligation aux membres statutaires qui remplissent la condition de majorité absolue d’adresser leur demande au président, ils ont donc pris leurs responsabilités. 

Du respect des délais et des formes 

Dans son argumentaire, il prétend que le délai de 21 jours et le contrôle de la qualité des participants de l’Assemblée générale n’ont pas été observés. L'argument des délais non respectés pour la convocation de l'AGE est contestable. Entre le 20 septembre, date de la signature de la pétition, et le 19 octobre, date de l'AGE, il s’est écoulé plus de 21 jours, conformément aux exigences statutaires. De plus, en matière de droit des associations, il est reconnu que les délais peuvent être ajustés en situation d'urgence ou pour des motifs exceptionnels, conditions qui semblent remplies dans ce contexte dû aux défaillances notées dans la gestion de la fédération. En effet les manquements graves et répétés aux statuts et règlements intérieurs du président et de son comité directeur , notamment la non organisation d’AGO depuis 2 ans, les empêchements faits aux commissaires aux comptes d’exercer leur pouvoir de contrôle sur la gestion financière de la FITKD, les cas d’allégations de harcèlements sexuels et d’abus d’autorité sur des athlètes féminins et surtout mineurs associés à la complaisance et la non réaction ferme du président et de son comité directeur, le vide organisationnel créé par la dissolution de tout le comité directeur, justifiaient amplement l’urgence et les circonstances exceptionnelles. En plus, au regard des dispositions de l’article 20 du règlement intérieur le contrôle de la qualité des participants à l’AGE, du quorum, etc, sont du ressort du comité directeur, qu’en ce qui concerne l’AGO, alors eu les textes sont muets quand il s'agit d’une AGE motivée par l'urgence et les circonstances exceptionnelles.  

De la revocation du président 

Contestant sa révocation, Yacé a indiqué que l’ordre du jour d’une AGE ne peut jamais consister dans la destitution d’un président démocratiquement élu. Là encore, le manque de spécification dans les statuts ouvre la possibilité, via la jurisprudence, d'inclure des sujets d’urgence ou exceptionnels. Dès lors, le mandat ainsi qu’il ressort du Droit commun des mandats est révocable « ad nutum », c’est-à-dire à tout moment, par le mandant. Ici le mandant est l’assemblée générale, organe suprême et souverain de la FITKD. La majorité des membres a ainsi révoqué le mandat de l’ex-président, une décision souveraine qui reflète les principes démocratiques de l’organisation et témoigne d'une situation urgente nécessitant un réajustement de la direction. Car, la révocation ainsi intervenue, relativement aux dispositions statutaires, est amplement justifiée et bien fondée en droit. 

De l'absence de la tutelle et du CNO 


La dernière impertinence en droit est relative à l'absence du ministère de tutelle et du comité national olympique (CNO) à l'AGE du 19 octobre, vu comme un manquement par Yacé. Toutefois, il faut préciser que leur présence est coutumière mais non indispensable au bon déroulement ni à la légalité des décisions de l'AGE. Leur non-participation ne remet donc pas en cause la validité des délibérations prises lors de l’assemblée.

 
En somme, l'analyse de l'ensemble des points soulevés par l’ex-président incite à une réflexion sur le respect et l'interprétation des statuts et règlements en vigueur au sein de la FITKD. Les arguments discutés semblent mal fondés et dénotent d'une interprétation personnelle des textes plutôt que d’une application objective des règles de droit et de démocratie interne régissant la fédération, soulignant ainsi un besoin de clarification et potentiellement de révision des processus administratifs au sein de la FITKD. 

OUATTARA Gaoussou