Interview-Salimata Dembélé-Diarra (cheffe de cabinet et présidente de la FEGAF) : « La FEGAF est aujourd’hui un modèle national d’autonomisation des femmes »
Actrice influente du développement local dans la région de la Bagoué, Salimata Dembélé-Diarra incarne une nouvelle génération de femmes leaders en Côte d’Ivoire. Cheffe de cabinet au ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, elle est également présidente de la Fédération des groupements et associations féminines de la Bagoué (FEGAF) et de la Commission agriculture, ressources animales et halieutiques du conseil régional de la Bagoué. À quelques jours de la Journée de l’excellence féminine qu’elle organise le 10 août prochain, elle revient sur le parcours de la FEGAF, ses impacts concrets et les perspectives. Entretien.

Le Patriote : Pourquoi avez-vous créé la Fédération des groupements et associations féminines de la Bagoué (FEGAF) ?
Salimata Dembélé-Diarra : La FEGAF est une fédération qui regroupe les associations féminines de toute la région de la Bagoué. Elle a été officiellement créée il y a trois ans, même si nous travaillions à sa structuration depuis plus d’une décennie. L’idée est née d’un constat du ministre Bruno Nabagné Koné. Il a observé que les femmes de la région travaillent énormément, mais les retombées économiques ne sont pas à la hauteur de leurs efforts. Il a donc fallu les organiser, les regrouper pour renforcer leur efficacité collective.
LP : Combien de femmes regroupe aujourd’hui la fédération ?
SDD : Nous fédérons près de 500 associations féminines, soit plus de 50 000 femmes. La majorité des femmes sont issues du milieu rural, mais nous comptons également des femmes vivant dans les zones urbaines. Cela fait de la FEGAF une plateforme inclusive, porteuse d’un changement social profond.
LP : Vous préparez une journée de l’excellence féminine. De quoi s’agit-il concrètement ?
SDD : La Journée de l’excellence féminine, prévue pour le 10 août prochain, vise à célébrer les femmes engagées dans l’agriculture communautaire. Ce sera la deuxième édition. C’est un moment fort de reconnaissance, mais aussi une occasion de remise de dons (semences, engrais, matériels agricoles). L’événement valorise le rôle essentiel des femmes dans le développement rural et attire l’attention des partenaires au développement.
LP : Sur quels critères repose la sélection des femmes primées ?
SDD : Tout est basé sur des résultats mesurables. Chaque groupe de femmes reçoit la même superficie de terre à cultiver, les mêmes intrants et un encadrement identique. À la fin du cycle agricole, nous mesurons les rendements. Les femmes qui obtiennent les meilleurs résultats reçoivent, l’année suivante, du matériel agricole plus performant pour aller encore plus loin dans la productivité.
LP : Le ministre Bruno Nabagné Koné joue un rôle important dans cette initiative. Pourquoi une telle implication ?
SDD : Le ministre Bruno Nabagné Koné est profondément attaché à sa région et à l’amélioration des conditions de vie de ses populations, en particulier des femmes. Il a toujours été convaincu que le développement passe par l’autonomisation réelle des femmes rurales. C’est dans cet esprit qu’il a soutenu la structuration de la FEGAF, en misant sur notre potentiel collectif. Il nous accompagne sur le terrain, dans la mise en place et le financement de projets. Son engagement est constant.
LP : Quels sont les impacts concrets de la FEGAF sur la vie des femmes ?
SSD : Ils sont réels et visibles. Il y a dix ans, les femmes étaient marginalisées, souvent silencieuses. Aujourd’hui, elles sont confiantes, épanouies, et présentes dans la vie économique locale. Certaines ont pu acheter des motos, scolarisent leurs enfants, surtout les filles et participent à l’alimentation des cantines scolaires grâce à leurs récoltes. Le taux d’alphabétisation est en hausse, la cohésion sociale aussi. C’est une vraie révolution silencieuse.
LP : Quels sont vos objectifs prioritaires pour les mois à venir ?
SSD : Notre grande priorité est la bancarisation des femmes. Nous voulons qu’elles puissent sécuriser leurs revenus, épargner, et, à terme, financer elles-mêmes leurs intrants agricoles. C’est à cette condition que nous atteindrons une véritable autonomie économique. Tant qu’elles dépendent des subventions ou d’aides extérieures, nous avons encore du chemin à parcourir.
LP : Votre modèle suscite de l’intérêt ailleurs. Comment réagissez-vous à cela ?
SDD : C’est une grande fierté pour nous. Des régions comme le Bounkani, le Kabadougou ou le Worodougou s’inspirent déjà de notre modèle. La ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant a d’ailleurs cité la FEGAF comme exemple de réussite lors d’un panel international. Cela nous encourage à aller encore plus loin et à professionnaliser davantage notre fédération.
LP : Qui sont vos principaux partenaires dans cette dynamique ?
SDD : Le conseil régional de la Bagoué est un allié de poids. Il vient de mettre plus de 100 millions de FCFA à la disposition des femmes pour motoriser l’agriculture. Nous bénéficions également du soutien des maires, du ministère de l’Agriculture, du PNUD, d’ONU Femmes et de plusieurs opérateurs privés. Notre sérieux et notre transparence, notamment avec notre base de données fiable des membres, nous valent aujourd’hui une vraie crédibilité.
LP : Quel message adressez-vous aux jeunes filles et aux partenaires au développement ?
SDD : À toutes les jeunes filles, je dis : ne tardez pas à vous prendre en main. L’autonomisation commence tôt. À nos partenaires au développement, je lance un appel à la confiance. La FEGAF est une organisation structurée, sérieuse et transparente. Ensemble, nous pouvons bâtir un modèle de société où chaque femme peut vivre dignement de son travail.
Interview réalisée par Malaoua Bertin