Vox populi vox Dei 

Vox populi vox Dei 
Mgr Jean-Pierre Kutwa a porté le costume d'opposant politique au régime ivoirien (Ph DR)

« Les éternels permanents finissent toujours par agacer et l’amour se transforme en haine. Il faut donc savoir partir. Partir à l’image des saisons qui se succèdent. Partir pour faire la place à un autre plus vigoureux, plus jeunes, certes mais pas moins dépourvu de qualité, qui ne demande qu’à être mis au service des autres. Partir finalement afin que l’on puisse lui aussi éprouver et offrir son utilité. Partir pour ne pas agacer, pour ne pas que l’amour se transforme en haine ». Samedi dernier, dans une cathédrale Saint Paul du Plateau, bondée de fidèles chrétiens catholiques et aussi de personnalités politiques de premier rang, dont le chef du Gouvernement, le Premier ministre Robert Beugré Mambé, venues assister à l’intronisation de son successeur, Mgr Blessi, l’ancien archevêque d’Abidjan, Mgr Jean-Pierre Kutwa s’est fendu d’une allégorie sur la succession. En insistant sur la nécessité de passer la main.  

Mais, les rires à profusion de l’assistance dans la salle, lors de son intervention, trahissent clairement le fond de sa pensée et le caractère impersonnel et dirigé de son discours à fort relent politique. D’ailleurs, vu l’atmosphère, on se croyait à un meeting politique.

Certes, le prélat n’a nommément désigné personne. Mais, personne n’est dupe. Et beaucoup d’Ivoiriens l’ont bien perçu. Ce message s’adresse implicitement au pouvoir en place et à son Champion, que Mgr Kutwa ne porte pas – c’est un constat implacable – particulièrement dans son cœur. Comme en témoignent ses récurrentes sorties virulentes et très partisanes – dignes d’un opposant politique – contre le régime, depuis qu’il préside aux destinées de la Côte d’Ivoire.

Souvenons-nous que, le 31 août 2020, le cardinal Kutwa avait martelé, lors d’un point-presse dans cette même cathédrale, que la candidature du Président Alassane Ouattara «nest pas nécessaire» à deux mois de l’élection présidentielle. Une prise de position politique en porte-à-faux avec limpartialité qui caractérise le guide religieux, quil soit chrétien ou musulman.

 

En se cachant derrière la soutane pour faire de la politique, Mgr Kutwa trahit ni plus ni moins la doctrine de l’Eglise. Car, la Bible dit : « Que chacun se soumette aux autorités qui nous gouvernent, car toute autorité vient de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu. C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité résiste à l'ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes » (Romains 13 : 1-14 S21).  Pourquoi alors cette agitation de Mgr Kutwa, qui a incarné au plus niveau l’église catholique dans notre pays, et connaît la Bible par cœur ?

Visiblement, Mgr Kutwa se trompe de combat, à moins qu’il ne soit un opposant politique encagoulé.  Il ne lui appartient donc pas, de décider de la succession d’un pouvoir. Loin de là. Pour la simple raison que les autorités actuelles, tout comme celles qui les ont précédées, ont toutes été établies par Dieu, en passant par le jeu politique. Et sur ce terrain-là, la succession n’est pas dévolutive. Les règles sont claires. C’est le peuple qui choisit, à travers l’exercice démocratique, ses gouvernants. Ne dit-on pas que le pouvoir appartient au peuple ?

C'est cette liberté de choix qui s'est opérée de 1960 à 1993 où les Ivoiriens ont accepté  puis voté le Président Houphouët-Boigny durant des décennies. 

C’est donc en toute liberté de conscience, et convaincus de sa capacité à développer la Côte d’Ivoire, que les Ivoiriens ont décidé de confier les rênes du pays à Alassane Ouattara en le votant massivement au second tour de l’élection présidentielle de 2010. Fiers de son travail et de sa formidable reconstruction du pays, ils lui ont renouvelé, en grande majorité, leur confiance en 2015 et en 2020.  Et nul doute qu’ils le referont, en 2025, si le chef de l’Etat accepte de briguer un nouveau mandat comme la loi l'y autorise. Ce qui est leur désir profond, au regard des appels incessants à sa candidature au prochain scrutin présidentiel, un peu partout dans le pays.

"Vox populi vox Dei". Les Latins nous apprennent que la voix du Peuple est la voix de Dieu.  D'où vient-il alors qu'un prélat veuille mettre en cause cette vérité philosophique et politique ?

Si Mgr Kutwa refuse de voir cette réalité qui saute, pourtant, aux yeux, on ne peut pas lui en tenir rigueur. Mais, ce qu’on attend donc de Mgr Kutwa, c’est de quitter ce terrain glissant et de se consacrer pleinement à ce à quoi Dieu l’a destiné :  servir l’église catholique et répandre la parole du Christ auprès des fidèles chrétiens catholiques afin d’arracher des âmes à la déperdition. Au moins, il aura fait œuvre utile pour sa communauté.

 

Charles Sanga