Interview - Amina Lanaya (Directrice Générale de l’UCI) : « Il est essentiel de relancer le Tour de Côte d’Ivoire, levier important de visibilité internationale »
Dans le cadre d’une vaste tournée africaine, Amina Lanaya, Directrice Générale de l’Union cycliste internationale (UCI), s'est arrêtée en Côte d’Ivoire pour rencontrer les acteurs clés du cyclisme national. Au cœur des échanges figuraient la relance du Tour de Côte d’Ivoire, le soutien aux infrastructures et les ambitions de l’UCI de faire de l’Afrique un pilier du cyclisme mondial.

Le Patriote : Vous avez séjourné du 9 au 10 juillet 2025 à Abidjan. Dans quel cadre s’inscrit votre visite en Côte d’Ivoire ?
Amina Lanaya : Cette visite s’inscrit dans une tournée africaine initiée par l’UCI pour renforcer nos liens avec les fédérations nationales. Après une étape au Bénin, nous sommes aujourd’hui en Côte d’Ivoire. L’objectif est d’échanger directement avec les dirigeants, les clubs et les acteurs sur le terrain afin de mieux comprendre leurs réalités et leurs défis, et de construire ensemble des solutions concrètes. Ce contact direct est crucial : depuis le siège de l’UCI, il est parfois difficile de saisir pleinement les spécificités locales. C’est également un message fort, la Fédération ivoirienne compte pour l’UCI.
LP : Quels ont été les points clés de vos échanges avec les autorités ivoiriennes ?
AL : Nous avons vigoureusement plaidé pour que le Tour de Côte d’Ivoire réintègre le calendrier international de l’UCI. Pour cela, un accompagnement à la fois technique et institutionnel est nécessaire, et nous sommes prêts à le fournir. La rénovation du vélodrome a constitué un autre sujet prioritaire, essentielle pour développer le cyclisme sur piste, une discipline où la Côte d’Ivoire s’est récemment distinguée, notamment chez les femmes. Nous allons formuler notre soutien par écrit à l'intention du ministère concerné afin d’accélérer le processus.
LP : Vous avez certainement identifié les principaux défis pour le développement du cyclisme en Côte d’Ivoire ?
AL : Le principal défi reste, sans surprise, le manque de moyens financiers. À ce titre, l’UCI propose des programmes de solidarité spécifiques, conçus pour soutenir des fédérations telles que celle de la Côte d’Ivoire, et nous les encourageons vivement à les exploiter pleinement. Un autre obstacle réside dans l’accès limité à des infrastructures adaptées, en particulier pour la route. C’est pourquoi nous étudions des alternatives telles que le cyclisme virtuel, déjà mis en œuvre dans plusieurs pays africains. Cette approche pourrait offrir aux athlètes ivoiriens l’opportunité de s’entraîner efficacement, même en l’absence de routes sécurisées. Enfin, il est essentiel de relancer le Tour de Côte d’Ivoire, véritable vitrine du cyclisme national et levier important de visibilité internationale.
La DG de l'UCI, Amina Lanaya, et le président de la CAC, président de la FIC, Allah-Kouamé, lors de la séance de travail au siège de la Fédération à Abidjan, le 10 juillet 2025 (Ph DR)
LP : Comment l’UCI envisage-t-elle réduire le fossé abyssal entre le cyclisme africain et les autres continents ?
AL : C’est une priorité pour nous. Le continent africain est aujourd’hui celui qui bénéficie le plus de nos programmes de développement, notamment en lien avec le Centre mondial du cyclisme basé en Suisse. Nous disposons également d’un centre continental en Afrique du Sud, qui forme chaque année de nombreux talents du continent. Par ailleurs, nous souhaitons relancer les grands tours cyclistes africains, car ils représentent des opportunités concrètes de développement et de progression pour les coureurs locaux.
LP : Dans quel but relancer ces grandes épreuves africaines ?
AL : Ces compétitions attirent de nombreuses équipes étrangères et offrent une véritable exposition aux coureurs africains. Notre objectif est clair : permettre à l’Afrique de former des champions régulièrement, à l’image de Biniam Girmay, issu du Centre mondial du cyclisme et désormais figure de référence mondiale. Et pourquoi pas, un jour, voir un coureur africain remporter le Tour de France !
LP : Le projet de création d’un centre régional de l’UCI en Afrique de l’Ouest est-il toujours d’actualité ?
AL : Oui, tout à fait. Il s’agirait d’un centre continental dédié à l’Afrique de l’Ouest, destiné à servir plusieurs pays de la sous-région. Nous devons encore définir son implantation exacte avec le nouveau président de la Confédération africaine de cyclisme, Allah-Kouamé. Certaines instabilités au sein des fédérations nationales ont momentanément freiné le projet, mais nous comptons relancer les discussions dans les semaines à venir.
LP : La Côte d’Ivoire envisage d’accueillir les Championnats d’Afrique de VTT en 2026. Quel rôle jouera l’UCI ?
AL : Ce serait une excellente initiative. Le VTT est particulièrement bien développé en Côte d’Ivoire, parfois même davantage que la route. Nous soutenons pleinement une éventuelle candidature ivoirienne. L’organisation des Championnats d’Afrique relève avant tout de la Confédération africaine de cyclisme, mais l’UCI se tient prête à accompagner ce projet techniquement et institutionnellement.
LP : Avec l’arrivée d’un nouveau président à la Confédération africaine de cyclisme (CAC), quelle place l’UCI souhaite-t-elle accorder à l’Afrique ?
AL : L’Afrique a toujours été une priorité pour l’UCI, mais elle occupe désormais une place plus centrale que jamais. La tenue des Championnats du Monde sur route 2025 à Kigali en est une preuve concrète et historique, et ce ne sera pas un événement isolé. Nous voulons capitaliser sur cette dynamique pour amplifier le développement du cyclisme sur tout le continent. L’Afrique a un rôle essentiel à jouer dans l’avenir du cyclisme mondial, et nous ferons tout pour l’accompagner sur cette voie.
Par OUATTARA Gaoussou