Irresponsabilités

La Côte d'Ivoire, c’est incontestable, se distingue comme un modèle d’intégration, de tolérance et d’ouverture dans la sous-région ouest-africaine et même en Afrique. Ce pays a une longue histoire d'accueil et d'intégration des étrangers, ce qui en fait un exemple unique sur le continent africain. Sa diversité culturelle et ethnique et sa capacité à accueillir et intégrer des personnes de différentes origines contribue à son dynamisme et à sa richesse.
Cela dit, ce rôle de terre d'accueil impose également des responsabilités importantes de ceux à qui il tend les bras. Il est crucial que les dirigeants, et en particulier ceux de l'Alliance des Etats du Sahel, reconnaissent l'importance de maintenir un environnement de coexistence pacifique et d'intégration harmonieuse. Cependant, c’est le contraire qui est constaté.
Depuis leur accession au pouvoir par fracas et la force des armes, les trois putschistes, Assimi Goita, Ibrahim Traoré et Abdourahamane Tchiani qui dirigent respectivement avec une main de fer le Mali, le Burkina Faso et le Niger, cherchent des noises aux autorités ivoiriennes et à la Côte d’Ivoire.
Sans cesse, ils multiplient les provocations du reste inutiles en cherchant à glisser sur le terrain de la belligérance. Des actes de défiance, aux accusations fallacieuses de déstabilisation en passant par les arrestations de citoyens, leur stratégie est cousue de fil blanc. Et leurs actions véhémentes à l'endroit du pays se suivent, comme s’ils se passaient le mot, dans une maladresse sans nom.
Hier, c'était la junte malienne qui prenait en otage 46 soldats ivoiriens présentés abusivement comme des mercenaires pendant de longs mois, puis celle du Burkina Faso qui séquestrait durant un an deux gendarmes ivoiriens entrés incidemment sur le sol burkinabé alors qu'ils pourchassaient des orpailleurs clandestins, aujourd'hui ce sont les putschistes nigériens qui retenaient pendant quelques heures, un cadre ivoirien.
A l'analyse, ces pays de l'AES, du moins ceux qui les dirigent de force, nourrissent une haine ahurissante contre la Côte d'Ivoire et son président, Alassane Ouattara, qu'ils accusent insidieusement de faire le jeu de la France. Comme si entretenir une relation de coopération assumée avec l'ancienne puissance coloniale était un crime de lèse-majesté. Cette rhétorique anti-française allaitée par une lutte dite panafricaniste et souverainiste n'est que la poudre de perlimpinpin. Car, on ne peut prétendre être souverain et confier la sécurité de son pays à un groupe paramilitaire russe tel Wagner. Pour ne pas dire des chiens de guerre sans scrupules attirés par l’appât du gain.
Derrière cet acharnement inexplicable contre la Côte d’Ivoire, se cache un sentiment de jalousie manifeste et une volonté d’en découvre pour freiner l’élan de ce pays qui se construit, pendant qu’à côté de lui, la plupart de ses voisins du nord sont empêtrés dans des crises qui paralysent leur évolution.
Une démarche surréaliste quand l’on sait la relation historique qui lie la Côte d’Ivoire à ces pays. Comment comprendre que le Burkina Faso, le Mali et le Niger puissent vouloir déstabiliser la Côte d’Ivoire ? Un pays qui porte, à lui tout seul sur ses épaules le poids économique (40% du PIB) de la zone UEMOA, dont ils sont membres ? Comment peuvent-ils vouloir l’effondrement d’un pays qui offre gîte et couvert à des millions de leurs ressortissants ? Sont-ils conscients des répercussions directes ou indirectes de leurs actions et décisions comme leur retrait de la CEDEAO sur les nombreux Burkinabè, Maliens et Nigériens qui vivent en Côte d’Ivoire, pour certains, depuis de nombreuses décennies ?
Il est impératif que les leaders de l'AES prennent conscience de l'impact de leurs actes et de leurs propos. Chaque parole prononcée, chaque décision prise peut affaiblir l'intégration et la cohabitation pacifique entre les différentes communautés. Les propos irresponsables peuvent miner les efforts de réconciliation et créer des sentiments d'injustice et de méfiance.
La Côte d'Ivoire a toujours été un havre de paix, un refuge pour ceux qui cherchent à construire une vie meilleure. Elle est ouverte à tous et comme le proclamait son père-fondateur, « elle est amie de tous, ennemie de personne ». Cependant, derrière leur leader qui s’échine à la faire respecter dans le concert des nations, les Ivoiriens sont fiers de leur pays. A l’occasion de l’organisation de la dernière CAN de football, l’opinion internationale a pu constater combien, les Ivoiriens, même divisés au plan politique, savent taire leurs différends pour défendre la patrie. Ce sentiment patriotique qui se renforce de plus en plus et de mieux en mieux, ne saurait tolérer le manque de considération et, disons-le, de reconnaissance de personnes qui doivent beaucoup à la Côte d’Ivoire. Un pays généreux, qui a rarement demandé mais qui donne. Toute chose ayant des limites, les provocations grossières qui viennent de Bamako, Ouaga et Niamey, pourraient faire déborder le vase de la tolérance. Et conduire à des situations déplorables. Peut-être, nul ne le souhaite, des représailles contre les paisibles citoyens de ces pays établis en Côte d’Ivoire et dont la contribution au PIB de leur pays respectifs n’est pas du tout négligeable.
Les dirigeants de l'AES doivent donc faire preuve de sagesse. Leurs actes et propos ont le pouvoir de façonner l'avenir de la Côte d'Ivoire. En favorisant l'intégration et la cohabitation pacifique, ils contribueront à protéger leurs compatriotes et faire de la Côte d'Ivoire un pays, encore plus, d'accueil, mais également un exemple plus renforcé de paix et de stabilité.
Charles SANGA