Législatives 2025 : Le mirage des indépendants

Législatives 2025 : Le mirage des indépendants
La forte présence des indépendants n'a pas résisté aux urnes

Les fruits n’ont pas été à la hauteur des fleurs. Très attendus au regard de leur poids numérique dans la course électorale, les candidats indépendants sont sortis grands perdants des élections législatives du 27 décembre 2025. Ils représentaient pourtant près de 60 % des candidatures validées, mais leur performance dans les urnes est restée largement en deçà des espérances. Sur les 1 143 candidatures validées par la Commission électorale indépendante (CEI), 685 étaient issues de candidatures indépendantes. Un chiffre impressionnant, révélateur d’un engouement apparent pour les candidatures hors partis. Mais à l’arrivée, le verdict des urnes est sans appel : les indépendants n’atteignent même pas 10 % des sièges à l’Assemblée nationale. Seule une vingtaine de candidats indépendants ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à se faire élire députés.

La comparaison avec les scrutins précédents met en évidence une érosion continue de la représentation indépendante. En 2016, les indépendants avaient créé la surprise en remportant 75 sièges, devenant un acteur non négligeable de l’hémicycle. En 2021, ils n’étaient plus que 26 à faire leur entrée à l’Assemblée nationale. En 2025, leur présence se réduit encore davantage, comme une peau de chagrin, confirmant une tendance lourde : la difficulté croissante pour les indépendants de s’imposer durablement dans le paysage politique ivoirien.

Le nombre élevé de candidatures indépendantes n’a donc pas suffi à faire la différence. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette contre-performance.

Premier facteur : la force des partis politiques. En Côte d’Ivoire, les citoyens qui s’intéressent activement à la vie politique sont, pour la plupart, encartés dans des formations politiques structurées telles que le RHDP, le PDCI-RDA ou le PPA-CI. Dans ce contexte, le vote reste avant tout un vote de parti, plus qu’un vote de personne. Le sigle, l’idéologie et l’appareil partisan continuent de peser lourdement sur le choix de l’électeur.

Deuxième facteur : la discipline et le consensus internes aux partis. Les investitures sont de plus en plus le fruit de compromis internes, acceptés — parfois contraints — par les militants. Cette discipline partisane renforce mécaniquement les chances de succès des candidats investis, face à des indépendants souvent isolés, sans véritable machine électorale pour les soutenir sur le terrain.

Troisième facteur : la faiblesse qualitative de nombreuses candidatures indépendantes. Une part non négligeable de ces candidatures relève du symbolique ou du fantasque, sans véritable projet politique ni préparation sérieuse. Or, décider de se porter candidat suppose une vision claire, un programme cohérent et un travail de proximité constant avec les populations. À cela s’ajoute un autre phénomène : l’illusion de la notoriété numérique. Certains candidats, forts d’une visibilité sur les réseaux sociaux, ont cru pouvoir transformer des « likes » en voix. Mais entre le virtuel et la réalité, le fossé reste abyssal. En politique, la sympathie numérique ne vaut rien sans un ancrage réel sur le terrain. Quitter les réseaux sociaux pour aller au contact des électeurs, écouter leurs préoccupations, partager leur quotidien : c’est à ce prix seulement que la popularité virtuelle peut se muer en adhésion électorale.

L’enseignement de ces élections législatives est clair : en Côte d’Ivoire, le terrain paie toujours. Et face à des partis politiques solidement implantés, les indépendants devront, s’ils veulent inverser la tendance, repenser leur stratégie, renforcer leur crédibilité et renouer durablement avec les réalités locales.

Rahoul Sainfort