Politique ivoirienne : L’impossible union de l’opposition

Politique ivoirienne : L’impossible union de l’opposition
Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam ont du mal a accordé leurs violons

Le président du Parti des peuples africains PPA-CI Laurent Gbagbo a appelé, le dimanche 14 juillet à Bonoua, les partis de l’opposition à le rejoindre en vue de battre le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) au terme de l’élection présidentielle d'octobre 2025. Sans dévoiler le contenu de son appel,  l’ex-chef de l'État a invité à l’union de l’opposition pour que “le RHDP ne soit plus au pouvoir en 2025”. Dans sa volonté de bâtir autour de lui une forte coalition, Laurent Gbagbo a ouvert ses bras non sans préciser qu’on ne le trompe pas, qu’on ne le roule pas. En d’autres termes, c'est lui qui sera le leader de cette coalition et personne d’autre. Ainsi, le candidat pourtant ni éligible, ni électeur du PPA-CI caresse le rêve d’être le porte-flambeau de l’opposition à la prochaine élection présidentielle.

Dans son rêve, l’opposition dans son ensemble va endosser sa candidature. Ainsi, les opposants vont  épouser le combat de sa réinscription sur le listing électoral. Ce qui lui permettra d’être à nouveau électeur et éligible. C'est pourquoi, lui qui avait déclaré que son rôle n'était pas d’organiser l’opposition mais de s’occuper de sa formation politique est revenu sur ses propos et appelle désormais au rassemblement autour de son ambition de reconquête du pouvoir d'État. Du haut de cette ambition, il a envoyé ses hommes auprès des partis politiques de l'opposition et des organisations de la société civile pour une campagne de sensibilisation sur la nécessité du rassemblement afin de faire face au parti présidentiel. Si les partis politiques de l’opposition ont accueilli les émissaires de Laurent Gbagbo et pris acte de l’appel de Bonoua, aucun n’a encore donné une réponse favorable.

De toute évidence, il sera difficile pour Laurent Gbagbo de réunir l’opposition autour d’un projet commun. Par ailleurs, son ex-épouse, fondatrice et présidente du mouvement des générations capables (MGC), Simone Ehivet a tranché. “L’appel de Bonoua est arrivé bien après que nous ayons démarré nos initiatives. Le PPA-CI est signataire de la déclaration que j'ai lue au nom de toute l’opposition le 9 août dernier (...) Pour l’instant je ne pose pas de problème de leadership. Pour moi, aujourd'hui nous nous mettons ensemble pour mettre la pression sur le pouvoir qui est en face de nous et qui est notre unique adversaire pour avoir des textes consensuels. Après ça, si Gbagbo est candidat, si je suis candidate… c'est celui qui sera préféré qui gagnera (...). J’espérais que Laurent Gbagbo désiste si je suis en tête en cas de second tour”, a-t-elle déclaré lors d’un entretien accordé aux confrères de France 24.

C'est clair comme de l’eau de roche. La présidente du MGC n’entend point répondre à l’appel de son ancien compagnon. Elle compte jouer pleinement sa carte. Surtout que l’appel lancé par le président du PPA-CI depuis Bonoua est arrivé bien après ses initiatives de réunir l’opposition en vue d’une lutte pour obtenir des conditions, selon elle, acceptables pour l’organisation d’une élection équitable, transparente et crédible.

Autre formation politique, même position. En effet, le son de cloche ne change pas au COJEP de Charles Blé Goudé. Après avoir pris acte de l’appel de Bonoua, l’ex-leader estudiantin s'est voulu on ne peut plus clair lors d’une rencontre de sa formation politique le 15 août dernier. «  Quand tu te promènes avec n’importe qui, n’importe quoi t’arrive. Moi, je ne peux pas aller mettre avec quelqu'un qui dit “Venez on va enlever celui-là. Moi, je ne fonctionne pas comme ça. Ce n'est pas un programme ça », a-t-il tranché. On le voit, au COJEP on n’entend pas s’associer à un projet vide de sens. C'est-à-dire qui vise uniquement à enlever le  pouvoir au RHDP sans proposer une offre politique plus alléchante et surtout à même de séduire l’électorat.

Quelle est la situation au Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI)?  Là encore, la désillusion est certainement au rendez-vous. Car, le président du vieux parti, Tidjane Thiam ou encore Jean Louis Billon sont suffisamment engagés  à défendre les couleurs vert et blanc à la prochaine élection présidentielle. En tout cas, le désistement d'un candidat du PDCI en faveur d’un autre candidat de l’opposition n'est pas pour le moment envisagé ni pour les responsables ni pour les militants.

Au Front populaire ivoirien de Pascal Affi N'guessan, si on se réjouit de l’esprit d’ouverture de Laurent Gbagbo, ce qui est nouveau dans les relations entre les deux formations politiques, l’ex-parti au pouvoir n'entend cependant pas s’associer à des programmes qui ne seraient pas alignés avec ses objectifs, notamment la reconquête du pouvoir d'État en 2025. En termes clairs, le FPI aura son candidat et ne veut pas suivre un candidat de l’opposition.

Des différentes positions, il ressort clairement l’impossible union de l’opposition. Ainsi, l’appel de Laurent Gbagbo semble ne pas trouver d’écho favorable auprès des partis de l’opposition. Car, il se présente plus comme une volonté de prendre une revanche sur le RHDP qu’une réelle volonté de proposer aux Ivoiriens une meilleure offre que celle du parti présidentiel.

Lacina Ouattara