Politique nationale : Quand Gbagbo veut réécrire l’histoire !

Politique nationale : Quand Gbagbo veut réécrire l’histoire !
Le président du PPA-CI tente de tronquer l’histoire à tout point de vue.

Laurent Gbagbo toujours égal à lui-même. Samedi dernier, face à ses partisans, l’ex-chef d’Etat a fait ce qu’il sait faire le mieux : réécrire l’histoire. Le président du PPA-CI a évoqué, entre autres, l’inscription du Président de la République Alassane Ouattara sur le listing électoral. Il se présente comme celui qui a accordé cette faveur à l’unique Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny. Sur le sujet, la réalité est tout autre. Il s’agissait de rétablir un citoyen ivoirien à qui on a, pour des raisons politiques, spolié de la nationalité ivoirienne. Alassane Ouattara ne peut avoir été Premier ministre de la Côte d’Ivoire de 1990 à 1993 et ne pas être ivoirien.  

Evoquant le charnier de Yopougon, l’ex-chef d’Etat justifie la mort de ces 57 personnes par une attaque contre son pouvoir. Pourtant, là encore les faits rattrapent le président du PPA-CI.  L’on se souvient que six gendarmes, un officier et cinq sous-officiers avaient été inculpés pour "meurtres et assassinats" dans le cadre de l'enquête sur la découverte de ce charnier le 27 octobre 2000, à Yopougon. Mais ces inculpations n'ont pas entrainé la mise aux arrêts des gendarmes. Laissés en liberté, ils ont réintégré leur unité respective.  De l’avis des défendeurs des droits de l’Homme, ils ont été aquités après   un simulacre de procès.

Gbagbo affirme n’avoir pris aucune mesure « contre les boubous ».  Ce qu’il ne dit pas, c’est le rôle joué par les escadrons de la mort sous son régime. De nombreux Ivoiriens soupçonnés proches de l’opposition d’alors ont été tués, de nombreux autres ont eu la vie sauve en prenant le chemin de l’exil. Emile Téhé, président du Mouvement populaire ivoirien (MPI), a été retrouvé mort. Selon un responsable de ce parti d'opposition, M. Téhé avait été arrêté par une dizaine de gendarmes. Son corps a été retrouvé le lendemain matin en bordure de la forêt du Banco, en périphérie d'Abidjan. Les assassinats ciblés des personnalités politiques et/ou des membres de leurs familles sont en revanche imputés à celui que le Tout-Abidjan appelle familièrement Séka-Séka et à Patrice Bahi, alias « Maître » parce que titulaire d’une ceinture troisième dan de karaté.

De nombreux témoignages relayés par les associations de défense des droits de l’Homme et par la presse désignent Séka-Séka et ses compagnons comme les auteurs du meurtre, le 19 septembre, du général Robert Gueï, de sept membres de sa famille et de sa garde rapprochée, dont le capitaine Fabien. Ils sont également mis à l’index dans la liquidation du docteur Benoît Dacoury-Tabley, de deux membres de la famille du secrétaire général adjoint du RDR Amadou Gon Coulibaly, et du lieutenant Dosso, aide de camp de Ouattara. La violence avec les jeunes patriotes à sa solde était devenue un mode de gouvernance. L’article 125 était le paroxysme de cette politique de violence. Avec du pétrole acheté à 100 FCFA et une boîte d’allumettes achetée à 25 francs, des personnes ont été brûlées vives.

Par ailleurs, selon l’ex-chef de l’Etat, la politique de la Côte d’Ivoire doit être revue de fin en comble. Tout serait, estime-t-il, désolation et ruine. Il affirme avoir fait beaucoup pour la Côte d’Ivoire. Ici, encore les Ivoiriens attendent de voir.

Au total, on peut écrire que le président du PPA-CI tente de tronquer l’histoire à tout point de vue. Samedi dernier, devant ses partisans, Laurent Gbagbo a affirmé avoir saisi  l’ONU pour solliciter son inscription sur la liste électorale. Il a affirmé en plus  avoir une connexion avec António Guterres, secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (ONU). « Moi, je m’amuse beaucoup quand je vois les gens dire : ‘’Oui, je connais un tel, un tel m’a écrit. Je connais un tel’’. On se connait tous. Le secrétaire général de l’ONU actuel, António Guterres, j’étais dans l’opposition quand il est venu ici pour moi. Donc, moi je le connais avant eux tous. Il y en a qui font comme si, c’est eux qui connaissent les gens », a indiqué le président du PPA-CI. 

Quel retournement de situation, Laurent Gbagbo qui sollicite le soutien de l’ONU. Lui n’a jamais porté cette organisation dans son cœur. Considérés comme ennemis de la République du temps de son règne, les éléments de cette organisation étaient indésirables. Sa haine et celle de ses partisans étaient montrée d’un cran quand en 2010, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU d’alors annonçait la victoire du Président Alassane Ouattara à l'issue du second tour de la présidentielle. Laurent Gbagbo, on se souvient, avait contesté cette décision. Ses partisans, menés par Blé Goudé Charles, n'hésitèrent pas à s'en prendre aux fonctionnaires et aux moyens de mobilité des Nations Unies en Côte d'Ivoire.  Obligeant ces derniers  à  circuler dans des véhicules banalisés. Mais, aussi étonnant que cela paraisse, la liste des immatriculations de leurs  véhicules étaient publiées dans la presse proche de Laurent Gbagbo. Les soldats loyaux à Gbagbo ont menacé de bombarder tout aéronef de l'ONU osant survoler l'espace aérien ivoirien. Ils ont même attaqué leur position de l’hôtel du Golf. Oubliant ce lourd passé, voici  que Gbagbo veut s’attacher les services de cette organisation.

Emmanuel KORE