Europe-Afrique : Regards croisés sur la guerre en Ukraine et ses répercussions

L’ambassade de la République tchèque à Accra, en partenariat avec le think tank Afripoli, a réuni le mercredi 3 septembre à l’hôtel Noom, au Plateau, diplomates, chercheurs et analystes autour d’un thème brûlant : « L’Europe et l’Afrique face à la guerre en Ukraine et aux rivalités géopolitiques : destins interdépendants ».
Trois spécialistes ont partagé leurs analyses sur les impacts de ce conflit mondialement médiatisé, mais aussi sur les perceptions croisées des deux continents. Pour le politologue Guipié Gérard Eddie, la guerre en Ukraine agit comme un miroir pour les Européens. « En pensant la guerre sur leur territoire, ils comprennent mieux les besoins des Africains qui vivent en permanence sous le péril des conflits », a-t-il expliqué. Une expérience qui, selon lui, invite aussi l’Afrique à « se redéfinir et se reconfigurer » face à un monde en mutation.
Même constat pour l’historien Arthur Banga, spécialiste des relations internationales : « L’Europe vit désormais les réalités de la guerre, alors que l’Afrique la vit toujours. » Il a souligné la peur d’invasion ressentie dans certains pays européens et l’inflation comme première conséquence directe du conflit.
Vojtech Bily, manager régional d’Afripoli Ouest, a insisté sur la dimension planétaire du conflit : « On ne vit pas dans un monde isolé. La guerre en Ukraine a un effet concret sur l’alimentation, avec le blocage de la mer Noire, et sur l’énergie. » Il a également mis en garde contre la « guerre d’influence » qui se joue autour des pays africains, notamment à travers les votes aux Nations unies. Dans cette bataille, la désinformation occupe une place centrale : « Le nombre de campagnes de désinformation a été multiplié par quatre en Afrique entre 2023 et 2024. C’est une fabrication massive de fausses informations pour manipuler et fragiliser, qui affecte le monde entier. »
Au-delà des impacts économiques et sociaux, le panel a mis en lumière la montée en puissance de nouveaux acteurs internationaux comme la Turquie ou l’Afrique du Sud, ainsi que le poids stratégique croissant de l’Afrique dans l’arène diplomatique.
« Le continent devient un espace décisif, notamment lors des votes à l’ONU », a noté Arthur Banga, en rappelant que l’opinion publique africaine constitue désormais un enjeu majeur pour les grandes puissances.
À travers ces échanges, une idée s’est imposée : la guerre en Ukraine, si elle demeure géographiquement localisée, est devenue un conflit global par ses répercussions économiques, politiques et stratégiques. Elle révèle l’interdépendance grandissante entre l’Europe et l’Afrique et l’urgence, pour les deux continents, de penser ensemble leurs réponses aux défis communs.
Rahoul Sainfort