Théâtre - Relecture historique de "Sassouma, ma vérité" : Quand la scène restitue la voix oubliée de l’empire Mandingue

Théâtre - Relecture historique de "Sassouma, ma vérité" : Quand la scène restitue la voix oubliée de l’empire Mandingue
Une création qui inscrit la femme au cœur de la société

Revisiter, avec force et sensibilité, l’épopée mandingue à travers le regard de celles que l’histoire a reléguées dans l’ombre. "Sassouma, ma vérité" est une création de la compagnie Guê-Zo qui conjugue mémoire, art et réflexion critique.

En effet, le samedi 6 décembre 2025, la salle "Niangoran Porquet" du Palais de la Culture d'Abidjan-Treichville s’est transformée en un véritable creuset mémoriel pour accueillir "Sassouma, ma vérité, la femme de l’ombre". Portée par la compagnie Guê-Zo, dans le cadre de Tramiss’Art, avec le soutien du ministère de la Culture et de la Francophonie et du Centre national des arts et de la culture (Cnac), la pièce propose une immersion dense et vibrante dans l’empire de Wagadou, loin des récits figés.

Dès les premières minutes, le public découvre une scène rythmée, un chœur puissant, des tableaux chorégraphiés où musique, chants et narration s’entrelacent. Sous la direction précise de Damey Maho, le metteur en scène, les huit comédiens reconstruisent une fresque politique et sociale. Celle de Sassouma, première épouse du Roi, longtemps présentée comme une figure hostile dans l’épopée de Soundiata.

 

Redonner vie aux grandes épopées !

Pour le metteur en scène, cette relecture était nécessaire. « Nous avons rouvert les livres, mais aussi les silences », explique Damey Maho. « On s’est demandé ce que l’histoire avait laissé tomber entre ses propres lignes, ce qu’elle avait simplifié, écarté ou remodelé. Nous avons confronté les sources, relu les récits traditionnels, cherché les versions parallèles pour comprendre comment une femme a pu passer du rôle de mère à celui d’ennemie officielle.» Il insiste : « Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire, mais de la regarder autrement, là où les voix se perdent et où les interprétations prennent le dessus.»

À la place de la version qui accuse les griots d’avoir pris parti, Damey Maho replace le débat dans la nuance. « Chaque génération raconte, selon ses outils, ses repères et son époque. Les récits évoluent, ils se transforment, parfois sans mauvaise intention. Notre travail a été de revisiter ces transmissions pour faire entendre une autre tonalité, une autre humanité. »

La pièce, portée par une scénographie vive et une musique enveloppante, s’impose ainsi comme une comédie musicale où la mémoire, la poésie et la puissance du jeu créent un récit neuf, ample et profondément incarné.

Marraine de la compagnie Guê-Zo, Virginie N’Guessan, présidente du Conseil d’administration des femmes juristes de Côte d’Ivoire, a salué « une œuvre qui redonne aux femmes la place qu’on leur refuse trop souvent ».

L’opératrice économique Marie-France Ebirim, quant à elle, insiste sur « le message de paix et de responsabilité que porte la femme dans tout foyer et dans toute société ».

Jean Antoine Doudou