Appel de Bonoua : Pourquoi Blé Goudé dit non à Gbagbo
« Moi, je ne peux pas aller avec quelqu'un qui dit : ‘’Venez on va enlever lui là’’. Je ne fonctionne pas comme ça". Ces propos sont de Charles Blé Goudé, président du Cojep. Il les a tenus le 15 août dernier au cours d'une rencontre avec ses partisans. Ils sonnent comme une réponse à l'appel de Laurent Gbagbo qui a demandé, le 14 juillet dernier depuis la ville de Bonoua, à l'opposition de s'unir pour "dégager" le RHDP du pouvoir en 2025. S'il ne s'agit pas d'un non catégorique, il y a lieu de croire que Charles Blé Goudé a décidé de s'assumer désormais. Il ne veut plus être dans la posture du "bon petit" de Laurent Gbagbo. Il entend s’asseoir désormais à sa table pour échanger en partenaire. En d'autres termes, l’ex-leader de la galaxie patriotique ne veut plus être un "suiveur".
Sa longue détention à la prison de la Cour pénale internationale l'a-t-il assagi? Tout porte à le croire. Comme il le dit lui-même " quand le tam-tam change de rythme, il faut changer de pas de danse". Il a compris que les temps ont changé. Et la Côte d'Ivoire également. Il n'entend plus surtout se compromettre avec une alliance aux contours mal définis comme celle qui s'annonce. C'est un secret de polichinelle. Laurent Gbagbo veut être candidat à tout prix. Il a déjà été investi comme candidat de son parti pour la présidentielle de 2025. Cela, en dépit du fait qu'il ne soit ni électeur ni éligile. Ses partisans, eux, ont déjà engagé le combat pour qu'il soit inscrit sur le fichier électoral. La sortie du vice-président du PPA-CI, Hubert Oulaye, le 14 août, à Zoukougbeu, en dit long sur les intentions de l'ancien président." Si Gbagbo n'est pas sur la liste électorale, il n'y aura pas d'élection", avertit-il.
L’alliance que Laurent Gbagbo appelle donc de tous ses vœux n'est qu'un moyen pour accéder au pouvoir. En d'autres termes, c'est pour sa gloire personnelle. En effet, quand Laurent Gbagbo affirme :"il ne faut pas essayer de faire la roublardise avec moi", c'est un message clair qu'il envoie. Cela signifie qu'il entend être le seul maître à bord. Et au vu des batailles engagées par le PPA- CI qui fait de l'inscription de son président sur la liste électorale la priorité des priorités, cette alliance pourra-t-elle se dérober à ce combat ? La réponse est négative. D'autant plus que les hommes de Gbagbo Laurent le disent à qui veut les entendre qu'il n'ont pas de plan B. Cela, Charles Blé Goudé en est conscient. Lui qui a déjà chèrement payé pour son soutien aveugle à son mentor, refuse d'être un béni-oui-oui. Ou que le Cojep soit à la remorque du PPA-CI. Mais mieux, il se dit qu'il est encore jeune. Et a son avenir devant lui. Contrairement à Laurent Gbagbo dont la présidentielle de 2025 sera la dernière bataille politique. À Bromakoté, on dira qu'il n'a plus rien à perdre.
Blé Goudé refuse donc de se compromettre dans des projets politiques lugubres. Par ailleurs, cette réponse de l’ex-patron de la galaxie patriotique peut être interprétée comme un réveil. Car depuis son arrivée en Côte d'Ivoire, il a toujours épargné son mentor dans ses sorties. Malgré les vertes et pas mûres que lui font voir les proches de ce dernier qui ne cessent de le montrer à la face du monde comme un " vendu". Et malgré la fin du "compagnonnage" annoncé par Gbagbo lui-même, Charles Blé Goudé gardait le secret espoir qu'un jour lui et son "père" se rencontreraient pour lever tous les malentendus. Il continuait de s'accrocher à de faux espoirs. Mais comme on le dit, chez nous "Gbagbo n'est pas prêt pour lui". Car comment comprendre que Gbagbo se soucie aujourd'hui plus du sort de l'ex-président de l'Assemblée nationale, Soro Guillaume qui l'a combattu au détriment de Blé Goudé qui a donné sa "poitrine" pour protéger son pouvoir ?
Le président du Cojep comprend à présent qu'il est temps pour lui de prendre en main son destin. En un mot comme en mille, sa réaction sous-entend que la rupture est désormais consommée entre les deux hommes. Car fidèle à ses habitudes il a toujours porté des gants concernant son "père" Gbagbo." Laurent Gbagbo est mon père et je l'ai suivi jusque dans la gueule du loup", s’était-il prononcé lors d'un congrès de son parti. Charles Blé Goudé qui a appris de ses erreurs ne veut plus être le "mouton du sacrifice", comme on le dit de façon triviale dans notre pays. Il le fait savoir clairement et répond sans fioritures à son "père". Il lui fait même la leçon dans la vidéo. En effet, le leader du PPA-CI, en "démocrate" qui a toujours crié son aversion pour les putschs et les putschistes semble renier aujourd'hui ses propres convictions. Tel le chien qui ravale ses vomis. Puisqu’un vice-président de son parti, en la personne de Katinan Koné, est récemment allé en son nom, distribuer des médailles d'héroïsme aux putschistes de l'Alliance des États du Sahel (AES). "Quelle que soit ta position, vis selon tes principes et tes valeurs", a lancé Blé Goudé Charles à Laurent Gbagbo et ses ouailles.
Rahoul Sainfort