Contribution - PDCI : quand l’indignation manque de leçon juridique

Analyste politique, Kalilou Coulibaly décrypte la récente sortie du secrétaire exécutif en chef du PDCI-RDA et surtout recadre sèchement l’animateur du vieux parti.

Contribution - PDCI : quand l’indignation manque de leçon juridique

Dr Emmou Sylvestre, secrétaire exécutif du PDCI-RDA, vient de signer une œuvre singulière. Un communiqué d’indignation où la mauvaise foi dispute la place au juridisme approximatif. Au lieu d’assumer la faillite éducative de ses troupes, Dr Emmou s’est réfugié dans le confort pathétique de la victimisation, comme si gémir contre la République pouvait faire oublier qu’il ne tient plus son parti que par les poignées de ses pancartes. Trois jeunes militants sont interpellés.  Il s’agit selon lui d’une cabale. On aurait pu croire à une arrestation digne d’un roman noir. Mais il ne s’agit que de la procédure ordinaire, celle que tout citoyen subit dès lors qu’il s’aventure sur le terrain de l’outrage public.  Dr Emmou Sylvestre, manifestement plus inspiré par le théâtre que par le Code de procédure pénale, feint d’ignorer qu’il existe une différence nette entre une interpellation et une audition.  La première est une mesure de contrainte permettant aux forces de l’ordre de présenter une personne soupçonnée à l’autorité compétente. La seconde, une simple invitation à s’expliquer, parfois libre, parfois encadrée. Non, Dr Emmou, on ne convoque pas l’avocat avant de dire bonjour à la loi. Ce n’est qu’à compter de la garde à vue que le droit à un avocat devient un principe opposable. Avant cela, il s’agit d’enquête, pas d’exécution sommaire.

 

Former ou fomenter, le dilemme mal tranché

 

Dr Emmou, au lieu de tempérer les ardeurs juvéniles de ses militants, préfère encourager l’outrance. Plutôt que d’expliquer à ses troupes que la parole publique a des limites, surtout quand elle frôle l’injure à chef d’État, il les défend avec la ferveur d’un avocat stagiaire mal briefé. Il oublie au passage que l’outrage à une autorité publique est un délit pénal, et non un badge de courage révolutionnaire. Que le président de la République soit aimé ou critiqué, soit. Mais qu’il devienne la cible d’invectives sans filtre, relayées sans encadrement, et soutenues sans discernement par un responsable de premier plan, là se pose une autre question : le PDCI-RDA est-il encore un parti, ou une zone de libre expression sans code de conduite ?

 

République imaginaire, et pédagogie évaporée

 

L’exemple du député malien Mohamed Gassama, placé sous mandat de dépôt pour des propos outrageants à l’encontre du chef de l’État ivoirien, aurait pourtant dû servir de leçon.  Mais Dr Emmou préfère s’enfoncer dans une république imaginaire, où le militant a tous les droits et la loi tous les torts.

 

Avant de s’en prendre à la République, le PDCI ferait bien de s’interroger sur ses propres manquements. Un parti confortablement installé dans les subventions publiques, mais manifestement frappé d’amnésie, ignore que sa mission première est d’éduquer avant de protester. Une formation politique digne de ce nom éviterait que chaque convocation judiciaire soit dramatisée en persécution d’État. Le rôle d’un parti n’est pas de s’émouvoir à chaque fois que la loi s’applique, mais d’apprendre à ses membres à ne pas l’enfreindre.  Car à force de négliger l’éducation, on transforme l’ignorance en stratégie et l’indiscipline en posture politique. A force de prendre ses militants pour des victimes, on les transforme en délinquants politiques. Dr Emmou risque de desservir la cause qu’il prétend défendre, transformant un appel à la justice en un mélodrame politique.

 

Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur