Interview-Charles Pemont (Président de l’Assedi) : « Le marché de l’édition en Côte d’Ivoire connait "un boom" ces dernières années »
Ce jeudi 23 janvier 2025, Charles Pemont, réélu président de l’Assedi, le 27 décembre dernier par ses pairs éditeurs, sera investi au même titre que les autres organes de cette structure. Bien avant cette investiture, Charles Pemont, écrivain et éditeur, dans cette interview, jette un regard sur le secteur de l’édition et dévoile ses priorités. Pour sa nouvelle mandature, la lutte contre la contrefaçon et le piratage ; la réduction du coût des intrants, l’allègement des tarifs douanières et bien d’autres chantiers sont au nombre de ses priorités…
Le Patriote : Vos pairs vous ont renouvelé leur confiance, à la présidence de l’Assedi (Association des éditeurs ivoiriens). Qu’est-ce qui a milité en faveur de votre réélection ?
Charles Pemont : Je crois que le facteur initial est le bilan moral et financier du Bureau exécutif que j’ai formé et dirigé de janvier 2022 à décembre 2024. A l’Assemblée générale élective du vendredi 27 décembre 2024 qui s’est déroulée sous les yeux des médias nationaux, vous avez constaté que notre bilan a obtenu le quitus de nos pairs de manière claire et nette.
LP : Quels sont vos projets prioritaires en ligne de mire ?
C.P : Les projets sont nombreux. Mais, vous me permettrez de n’en citer que quelques-uns.
Pour résoudre la question de la formation diplômante et qualifiante des travailleurs du secteur de l’édition, je compte mettre en place, de concert avec les universités et grandes écoles, des modules de formations théoriques et pratiques des éditeurs en exercice dont il faudra renforcer les capacités, ainsi que des futurs éditeurs (étudiants en édition).
Je mettrai aussi l’accent sur la lutte contre le piratage et la contrefaçon en renforçant l’équipe de la Commission interne de lutte contre la contrefaçon et le piratage, laquelle travaillera en étroite collaboration avec les structures étatiques mises en place pour le même objet ou des objets similaires.
Nous allons reprendre les discussions avec les autorités compétentes (ministère du Commerce et de l’Industrie, Impôts, Douanes ivoiriennes, etc.) pour obtenir la réduction du coût des intrants afin de faire baisser le prix de vente publique des livres, avec l’appui du Présidium des patrons de maisons d’édition. Ce point particulier devra être traité en synergie avec l’Association des imprimeurs de Côte d’Ivoire.
L’autre point, ce sera de sécuriser le métier d’éditeur en faisant de la Cpe (Carte professionnelle d’éditeur), un document incontournable, y compris dans l’octroi des marchés de livres scolaires, parascolaires et de l’enseignement technique et professionnel, avec l’appui du Présidium des patrons de maisons d’édition afin que ces marchés ne reviennent qu’aux éditeurs dont c’est le seul métier.
Nous avons obtenu de l’Assemblée générale de décembre 2024, la mise en place de la Conférence des présidents de faitières des professionnels du livre en Côte d’Ivoire, ayant pour but de rassembler tous ces partenaires du livre à un siège unique afin de discuter, de façon plus fluide, des questions transversales. Nous allons reprendre le leadership de l’installation de « La Maison du Livre». Ce qui va favoriser les études sur le secteur et la collecte régulière de données statistiques sur l’économie du livre en Côte d’Ivoire.
LP : Comment se porte le monde de l’édition aujourd’hui en Côte d’Ivoire ?
C.P : L’édition ivoirienne se porte bien. Elle se porterait mieux si nous ne subissions pas, de plein fouet, les malfaisants dont la contrefaçon et le piratage est le péché passible de la géhenne. En tout cas, la contrefaçon et le piratage sont les maux qui plombent le secteur du livre. Toutefois, grâce aux professionnels du métier et à une meilleure organisation du secteur, l’édition ivoirienne connaît un boom, avec un chiffre d’affaires annuel (marché du scolaire et parascolaire compris) de plusieurs milliards de francs CFA en constante progression. Sans oublier que les éditeurs travaillent à faire émerger des talents littéraires de plus en plus nombreux. Toutefois, nous pouvons mieux faire si, pouvoirs publics et professionnels du livre améliorent leur collaboration pour assainir le milieu et créer des cadres propices de promotion du livre et de la lecture ainsi que l’épineuse question de la distribution en Côte d’Ivoire : il y a si peu de librairies sur l’ensemble du territoire national.
LP : La Côte d’Ivoire est-elle dotée d’imprimeries de qualité, quand on sait qu’autrefois, des éditeurs mettaient leurs œuvres sous impression à l’étranger ?
C.P : Oui, il y a de plus en plus d’imprimeries de qualité en Côte d’Ivoire, dont trois (03) leaders de classe internationale (vous me permettrez de ne pas les citer pour ne pas faire de publicité). Cependant, le nombre de livres imprimés à l’étranger (Tunisie, Inde, Chine, Taïwan…) est toujours élevé. Pas à cause de la qualité de l’impression, mais plutôt du fait du coût excessif de l’imprimerie locale. Ce n’est nullement la faute aux imprimeurs professionnels installés localement. L’industrie de l’imprimerie locale n’est pas encore suffisamment accompagnée au niveau des taxes et droits de douanes à l’importation sur les machines et des intrants (papier, encre, colle, fil, etc.). Ainsi, importer un livre, le transporter par fret maritime et le dédouaner revient à l’éditeur moins cher que s’il avait fait imprimer le livre avec un imprimeur de qualité installé ici. Un de nos combats, en tant que professionnels des métiers du livre en Côte d’Ivoire, consiste justement à la réduction drastique de ces coûts.
LP : Combien de membres revendique l’Assedi désormais ?
C.P : A sa création en 1997, l’Assedi comptait sept (07) maisons d’édition. Avec les présidents successifs que furent Mme Mariam Sy Diawara, Mes Famié Akatia Edoukou Félix et Ange-Félix N’Dakpri, le nombre de maisons d’édition professionnelles membres de l’Assedi a augmenté, si bien qu’en décembre 2021, lorsque je prenais la tête de l’association, nous étions à 25 membres actifs. Sous ma première mandature, de janvier 2022 à décembre 2024, ce nombre est passé à 37 maisons d’édition, dont 35 actifs aujourd’hui. De nouveaux membres frappent à la porte et le Secrétariat général leur a déjà soumis les conditions d’adhésion.
Réalisée par Jean Antoine Doudou