Interview Salif Bictogo (Président de la Ligue de football professionnel: « Notre plaidoirie sera auprès de l'ONS pour que les stades de la CAN soient à notre disposition »

Monsieur le Président, merci de nous accorder cette interview. Nous avons abordé avec lui les grands enjeux de la saison à venir pour le football professionnel ivoirien. Notamment le calendrier des compétitions et le respect des délais, les infrastructures sportives, la Supercoupe 2025, les Awards du football ivoirien, la tournée des sièges des clubs et la communication de la LFP.

Interview Salif Bictogo (Président de la Ligue de football professionnel:  « Notre plaidoirie sera auprès de l'ONS pour que les stades de la CAN soient à notre disposition »
« En décidant d’aller jouer sur les terrains de la CAN, c’est aussi une manière d’aider l’ONS dans l’entretien »

Le Patriote : Monsieur le président, à quelques semaines du coup d'envoi, quelles sont vos attentes et vos ambitions pour la saison de Ligue 1 et Ligue 2 qui se profile ?

Salif Bictogo : La compétition va démarrer le 6 août avec la Supercoupe. On souhaite la disputer au stade de la Paix mais il y a des contraintes de sécurisation du stade avec les festivités de la Fête de l’indépendance prévue à Bouaké. On attend de voir avec l’organisation mais si ce n’est pas à Bouaké, on espère la jouer à Yamoussoukro.

Après le championnat de Ligue 1 va débuter, le samedi 16 août 2025. La nouveauté, cette année, aucun match de la première journée ne sera joué à Abidjan. Tous les matchs vont se dérouler à l’intérieur du pays, avec l’ouverture de la saison avec l’US Tchologo-ASEC Mimosas et ensuite le CO Korhogo contre le Stade d’Abidjan. Les autres rencontres vont se jouer le dimanche à Bouaké, Yamoussoukro et San Pedro.  C’est déjà une première à saluer de savoir que les équipes ont accepté de jouer à l’intérieur du pays. C’est ce que nous avons toujours souhaité, le président de la Fédération ivoirienne de football (FIF), Yacine Idriss Diallo, et son comité exécutif, de ramener le football à l’intérieur. C’est aussi la région du Korhogo qui doit se mobiliser pour faire de cette ouverture de saison une grande fête populaire parce que les deux formations de la zone, l’US Tchologo et le CO Korhogo qui reçoivent le champion et son vice-champion.

 "Je suis d’accord qu’il faut entretenir les stades, mais les prix qu’on demande aux clubs pour s'entraîner sont exhorbitants"

Nous avons également souhaité commencer tôt pour permettre à nos représentants africains d’avoir des matchs dans les jambes avant le début de la phase préliminaire qui est prévue en septembre (19-21 septembre, matchs aller du 1er tour préliminaire). Ensuite, nous souhaitons qu’aucun match de Ligue 1 ne soit joué au Champroux et au Parc mais sur les terrains de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) 2023 et à Bingerville.

 

 

LP : Le respect du calendrier des compétitions est un défi récurrent. Quelles mesures concrètes la Ligue met-elle en place pour assurer la tenue des matchs dans les délais impartis cette saison ?

SB : Nous allons continuer notre plaidoirie auprès de l'ONS (office national des sports). On a un rendez-vous mercredi, qui nous permettra de baliser tout ça. Parce qu'il faut donner plus la priorité au championnat. C'est vrai qu'on aura une fenêtre FIFA, mais il faut quand même donner la priorité à notre compétition. Si on veut aller loin dans les compétitions africaines, il faut bien que nos équipes s'habituent à ces stades. Parce que tant à l'intérieur qu'à l'extérieur où ils vont jouer, c'est ce genre de stades qu'on utilise. Je pense que le chef de l’Etat, en réalisant ce projet, c'est pour les sportifs ivoiriens, pour les équipes ivoiriennes. Donc je crois que nous devons faire en sorte qu'on soit en priorité. L'année dernière, nous avons aligné deux équipes en phase de poule. Nous avons terminé avec une seule équipe qui est partie en quarts de finale. Il faut souligner que c'était la seule équipe représentant l'Afrique de l'Ouest dans les quarts de finale. Donc c'est quand même dire que notre championnat est d'un niveau très apprécié et très relevé. Nous souhaitons faire plus. L'année dernière, nous avons eu 50% en poules, et nous souhaitons faire 100% cette année. Mais il faut que les joueurs s'aguerrissent à ces stades. Il ne faudrait pas qu'ils le découvrent le jour du match comme l’adversaire. Notre plaidoirie sera auprès de l'ONS pour que ces stades soient à notre disposition.

 

 

LP : Avez-vous identifié des facteurs spécifiques qui pourraient perturber le calendrier, et comment comptez-vous les anticiper ou les gérer ?

SB : Cette année, nous avons eu des contraintes d'abord au niveau des stades, et aussi de nos partenaires audiovisuels. C'est la RTI (Radiodiffusion télévision ivoirienne) qui lance les signaux, et nous allons rentrer bientôt dans une période électorale. Il faut couvrir les campagnes, il faut en même temps lancer le signal pour les compétitions.

Toutes ces discussions-là, nous allons faire avec la RTI pour qu'on ait au moins, le camion de production, pour qu’on puisse remplir nos exigences vis-à-vis de notre partenaire, la chaîne cryptée. C'est un contrat qui est important pour notre championnat, il faut le prendre avec des pincettes, comme de l'œuf.

 

 

LP : On observe parfois une perception de manque de réactivité de la Ligue en matière de communication médiatique, notamment concernant la diffusion rapide des résultats des championnats et d'autres informations importantes. Comment expliquez-vous cela ?

SB : On ne va pas jeter la pierre à nos agents du service de communication. Je suis d’accord avec vous sur la première partie du championnat de Ligue 1 et Ligue 2, l’année dernière. Mais sur la deuxième phase, la réactivité a été corrigée tout était communiqué en temps et en heure. Il est clair qu’aucune œuvre humaine n'est pas parfaite, nous allons mettre l'accent dessus. Essayer de consolider ce qui a été fait en bien et aussi parfaire ce qui doit l’être.

« L’Etat n’a pas fait ces stades pour un but lucratif mais plutôt pour l’épanouissement des jeunes »

Nous demander à présenter le projet de communication de grande envergure, auprès du COMEX (comité exécutif) et du président de la FIF, Monsieur Yacine Idriss Diallo, pour que les moyens soient dégagés, afin que cette perception de la communication ne soit pas notre point faible.

 

 

LP : Le sujet qui a alimenté la fin de saison dernière, c’était le titre de champion du Stade qui n’a pas reçu son trophée et qui a été obligé d’aller à San Pedro pour le recevoir.

SB : Jusqu’au dernier moment, deux équipes, l’ASEC Mimosas et le Stade d’Abidjan étaient au coude à coude. On ne savait pas qui allait être champion. L’ASEC jouait à Yamoussoukro et le Stade à Abidjan. Il était impossible pour nous de rallier l'une des villes avant la fin du match. C'était impossible ! C'est pour ça que nous avons reporté toute la fête à San Pedro où on jouait la finale de la Coupe nationale, et la finale des champions de la Ligue 2. Le Stade a reçu son trophée à San Pedro, et le mercredi 16 juillet, lors d’une cérémonie officielle qui marque le soutien de la FIF à se représentants africains, le Stade a eu son chèque de 50 millions FCFA de champion.

 

 

LP : Concernant les installations sportives, où en est la situation actuelle des stades qui accueilleront les matchs de championnat ? Sont-ils tous homologués et prêts à temps ?

SB : On a parlé des stades de la CAN, plus Bingerville. Sachez que sur 16 clubs qui participent au championnat national de Ligue 1, si je ne me trompe pas, il y en a 12 qui sont à Abidjan, et quatre l'intérieur, c'est-à-dire CO Korhogo, US Tchologo, FC San Pedro, et puis Bouaké FC. Donc, Abidjan se taille la part du lion. Il faut que les clubs de l'intérieur se réveillent pour venir en grand nombre dans ce championnat.

Concernant la Ligue 2, la constitution des poules a été faite. Et la poule B est comme une Ligue 1 bis, avec beaucoup d'équipes qui ont participé au championnat de Ligue 1. Et avec l’humour des Ivoiriens, on dit déjà que la poule B est celle des milliardaires. On s’attend à ce que chaque journée soit âprement disputée.

Pour ce qui est de la Ligue 1, je pense que l’ONS comprendra notre démarche. Pour ce qui est de la Ligue 2, mon souhait en tant que président de la Ligue, c’est de voir le maximum de stade et infrastructures mis à jour, notamment les stades de l’indépendance.

J’aurais souhaité qu'on fasse la pelouse de Daloa qui est un vivier du football en Côte d'Ivoire, qui est un stade important qui peut recevoir soit les deux équipes d’Issia qui sont en Ligue 2 et l’équipe de Daloa qui est en D3. Et si l’Etat est occupé ailleurs, il faut que les cadres même de ces régions-là s'investissent dans la réhabilitation de ces enceintes sportives. C’est en cela qu’il faut féliciter le ministre Amedé Kouakou qui a tout fait pour que Divo puisse recevoir à domicile. Je crois que ce n’est pas encore homologué moment, mais j’ai oui dire que le stade est en bon état, que ça a été fait dans les normes souhaitées. Et il est aussi inadmissible qu’on n’ait pas de stade à Man. Ce sont des grandes régions du football, même à Bondoukou, à Abengourou. Si ces stades étaient réhabilités, ce serait bon pour la ligue professionnelle et en même temps pour la ligue amateure.

« Les clubs que nous sommes, contribuons à la création d’emplois »

Vous n’êtes pas sans ignorer que c'est un casse-tête chinois, et pour la ligue professionnelle et surtout en ligue amateur, où il y a 458 clubs en district. Il faut déjà trouver des espaces pour qu'ils jouent. Il y a 138 clubs en région. Il faut déjà trouver des stades. Il y a la D3, ils sont 40. Dans la ligue professionnelle, il y en a 28 en ligue 2, 16 en ligue 1. Et ensuite, on va lancer les compétitions, avec la bénédiction du président Yacine Idriss Diallo, et en accord avec la DTN (direction technique nationale), des U15, des U17 et des U20. Comprenez qu'on a besoin de de la réhabilitation de ces stades pour que les futurs champions de Côte d’Ivoire puissent sortir de tout ça.

 

 

LP : La question de la disponibilité et de la qualité des terrains d'entraînement pour les clubs est également cruciale. Souvent les clubs sont invités à verser des sommes importantes pour accéder aux installations pour les entrainements. La Ligue a-t-elle un plan pour accompagner les clubs sur ce volet ?

SB : Je suis d’accord qu’il faut entretenir les stades. Mais les prix qu’on demande aux clubs, c’est impossible. Parfois, on demande 60, 65 ou 100 000 FCFA de l’heure. Une équipe s’entraine en moyenne une heure et demie, deux heures par jour. Si elle doit payer 200 000 FCFA par jour, par semaine elle va dépenser 800 000 FCFA, par mois elle sera à plus de 3 millions FCFA. A côté de ça, il y a la masse salariale. C’est excessif ! L’ONS doit pouvoir faire des forfaits assez raisonnables pour qu’à deux ou trois clubs se partagent un terrain. Ce qui permettra d’entretenir le stade d’entraînement. L’Etat n’a pas fait ces stades pour un but lucratif mais plutôt pour l’épanouissement des jeunes. Et les clubs que nous sommes, contribuons à la création d’emplois. Chaque club a, au moins, 100 personnes qu’il rémunère tous les mois. Si ces personnes n’arrivent pas à s’affirmer, ce sera le nombre de chômage qui augmente. Le ministère en charge des Sports via l’ONS doit revoir cette situation qui handicape énormément les clubs dans leur fonctionnement.

 

LP : La Supercoupe est un événement majeur qui lance la saison. Pourquoi le choix s'est-il porté sur Bouaké pour l'organisation de cette édition ? Et quelles sont les dispositions prises pour faire de cette Supercoupe un succès sur le plan organisationnel, sécuritaire et populaire ?

SB : La Supercoupe porte le nom d’un prestigieux personnage qui est le président Félix Houphouët-Boigny. Des dispositions sont prises pour que nous en fassions une belle fête. Le président du comité d’organisation de cette Supercoupe, c’est le premier vice-président de la FIF, Monsieur Malick Tohé. Avec la Ligue professionnelle, on essaie de tout peaufiner. Je pense la semaine prochaine, toutes les dispositions seront arrêtées. Pourquoi le choix de Bouaké ? Bouaké est une ville sportive par excellence, Bouaké accueille les festivités de la fête de l’indépendance. En choisissant Bouaké pour donner un cachet spécial à ces festivités. Et on espère qu’en accord avec le comité d’organisation des festivités de la célébration de l’indépendance de notre pays, il nous sera autorisé d’organiser la Supercoupe au stade de la Paix.  

 

 

LP : Est-ce une volonté de la Ligue de délocaliser plus souvent les événements majeurs du football en dehors d'Abidjan ? Si oui, dans quel but ?

SB : L’année dernière, la finale de la Coupe nationale a eu lieu justement à Bouaké. Cette année, nous l’avons tenu à San Pedro. On revient, on espère que cela se fera, à Bouaké pour la Supercoupe Félix Houphouët-Boigny. Cette démarche rentre la vision managériale du président Yacine Idriss Diallo et de son comité exécutif de ramener le football vers l’intérieur du pays, de rapprocher le football des amateurs de l’intérieur.

« Mon souhait, c’est que mes quatre représentants en compétitions africaines accèdent tous en phase de poules pour le bonheur de notre football »

Quand on prend la première journée de la Ligue 1, ce sera l’occasion pour les populations du Tchologo de venir voir l’ASEC qu’elles n’ont pas l’occasion de voir de plus près, Korhogo aime le football et ils vont sortir nombreux pour pousser leur club face au Stade d’Abidjan, un club historique. En décidant d’aller jouer sur les terrains de la CAN, c’est aussi une manière d’aider l’ONS dans l’entretien. Les stades où il n’y a pas de compétition se dégradent seuls. 

 

 

LP : Une question qui revient souvent est l'absence de tenue régulière des Awards du football ivoirien censés récompensés les meilleurs acteurs. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette situation ?

SB : On s’excuse auprès des acteurs du football ivoirien, les athlètes, les journalistes et le public sportif dans son ensemble. Je porte la parole de notre président qui prévoit une fête grandiose cette année pour célébrer les meilleurs acteurs. Ce sera également la fin de notre premier mandat à la tête de la Fédération ivoirienne de football qui va en appeler un autre. On fera l’évènement avant la fin du championnat afin d’avoir tous les acteurs avec nous. Et si Dieu nous accorde la qualification à la Coupe du Monde 2026, et je crois fort qu’on y le ferra, ce sera du pain béni.

La FIF va tenir à la fin de cette saison les Awards et j’ai proposé aussi à la DTN de donner les rudiments à nos commissaires au match. Parce qu’en général, les joueurs qu’on voit, ce sont ceux qui évoluent souvent à Abidjan. Parce que les commissaires au match suivent tous les matchs sur l’étendue du territoire national que ce soit en Ligue 1, en Ligue 2 ou en D3. Ils permettront de déterminer les meilleurs par semaine en fonction des rudiments que la DTN aura donné et cela aidera le jury dans son choix final.   

 

 « Ce que nous souhaitons pour tous, c’est qu’il y ait la paix dans le pays, sans paix, on ne peut on ne peut jouer au football »

LP : Vous avez récemment effectué une tournée des sièges des clubs. Quels ont été les principaux constats et les retours de cette tournée ? Quels sont les axes d'amélioration identifiés ?

SB : J’ai fait récemment à Bouaké. Je devrais voir celui de Don Koff d’Attiengouakro mais on nous a laissé entendre que le club a été délocalisé à Abidjan. A partir du 21 juillet 2025, je ferai le tour d’une dizaine de sièges en Abidjan. Pour les sièges que nous avons eu à visiter, on a découvert des sièges à la dimension des clubs avec le minimum requis. Cette visite est déjà de voir que les clubs sont structurés. Vous savez que la licence club est donné aux clubs et aussi on a commencé à donner des cars. Quand tu es en leasing, il faut savoir où retrouver celui qui a pris crédit. Cette visite nous permet aussi de les aider à grandir et à s’organiser.

 

 

LP : Quel message souhaitez-vous adresser aux acteurs du football ivoirien, aux clubs, aux joueurs et aux supporters pour cette nouvelle saison ?

SB : Ce que nous souhaitons pour tous, c’est qu’il y ait la paix dans le pays. Sans paix, on ne peut on ne peut jouer au football. Cette année, on a des échéances importantes aussi bien pour nos clubs que nos sélections nationales. Au mois de septembre, nous avons deux matchs importants de qualification pour la Coupe du monde, et que par les prières des uns et des autres, nous arrivons à passer ce cap avec succès. Et ensuite, préparer sereinement la Coupe d’Afrique des Nations en décembre prochain au Maroc où nous souhaitons garder notre trophée pour avoir la 4e étoile. Et mon souhait, c’est que mes quatre représentants en compétitions africaines accèdent tous en phase de poules pour le bonheur de notre football, et que j’ai un championnat plus relevé que celui de l’année dernière.

 

 

LP : Le président du comité exécutif de la FIF, Monsieur Yacine Idriss Diallo, dont le mandat expire l’année prochaine, aurait informé le COMEX de son intention de poursuivre son œuvre à la tête du football ivoirien. Qu’est-ce que cela vous inspire en tant que vice-président de ce comité exécutif et aussi président de la Ligue de football professionnel ?    

SB : Aucune œuvre n’est parfaite. Nous ne sommes pas des anges. Nous avons fait beaucoup de bien, peut-être un peu de mal. C’est la loi de la nature. Nous devons faire un bilan, corriger ce qui n’a pas marcher et améliorer ce qui a marché. Seuls ceux qui ne gouvernent pas ne font pas d’erreurs.

  « Le président a informé de son intention d’être candidat et nous sommes de cœur avec lui »

Le président a informé de son intention d’être candidat et nous sommes de cœur avec lui. Je serai le premier directeur de campagne si la mission nous est confiée. Je pense que nous devons tirer les leçons du mandat qui va s’achever et de commencer le prochain sous de très bons auspices.  

Par OUATTARA Gaoussou