Yamoussoukro et les promesses démagogiques

Yamoussoukro et les promesses démagogiques

Lors de sa récente tournée à Abidjan, Laurent Gbagbo a ravivé un de ses anciens engagements politiques en annonçant qu'en cas de victoire à l'élection présidentielle d'octobre prochain, la capitale de la Côte d'Ivoire serait transférée à Yamoussoukro. Ce projet, qu’il a intégré dans son programme électoral et fait résonner comme un slogan, soulève de nombreuses interrogations.

Bien que Laurent Gbagbo ne soit ni éligible ni électeur lors de cette élection, il semble vouloir séduire une partie de l’électorat en promettant de concrétiser un projet qui remonte déjà à plusieurs décennies. En effet, il avait alors instauré le Programme Spécial de Transfert de la Capitale à Yamoussoukro (PSTCY), qui prévoyait la construction d'infrastructures majeures pour permettre à la ville de jouer pleinement son rôle de capitale.

Or, après la décennie du pouvoir Gbagbo, que restait-il de cette initiative ? À part l’Hôtel des Parlementaires, financé par un prêt chinois de 16 milliards, les autres projets sont restés lettre morte. Le Palais présidentiel, dont la première pierre avait été posée en grande pompe, n’a jamais vu le jour, et le Palais de l'Assemblée, qui aurait dû symboliser cette nouvelle capitale, est resté un chantier inachevé, laissé à l'abandon au milieu de la végétation. En réalité, sous la présidence de Laurent Gbagbo, Yamoussoukro n’a pas connu les aménagements nécessaires pour être transformée en une véritable capitale administrative et politique.

Derrière cette annonce de transfert de la capitale, Gbagbo cherche plutôt à manipuler l’opinion publique et à flatter le sentiment régionaliste, en ciblant principalement les populations Baoulé, dans une démarche électoraliste. En effet, sa promesse semble, avant tout, nourrie par des intentions populistes et électorales, plutôt que par un véritable projet de développement national. Un tel projet, d'une envergure aussi complexe, ne peut se réduire à une promesse facile.

Voici d’ailleurs deux exemples illustrant la méthode de Laurent Gbagbo, caractérisée par la précipitation et l'absence de vision. C'est lors de meetings politiques publics que Gbagbo a désigné, sans aucune préparation préalable, le préfet d’Attiéngouakro (dans la région de Yamoussoukro), élevé au rang de département, ainsi que le chef-lieu de sous-préfecture d'Arikokakha (près de Niakara), sans même y implanter les infrastructures de base. Résultat : ni le préfet d'Attiéngouakro, ni le sous-préfet d'Arikokaha, n'avaient de bureaux ou de logements pour exercer leurs fonctions sur place. Le préfet d'Attiéngouakro était contraint de travailler depuis Yamoussoukro, tandis que celui d'Arikokaha s'installait à Niakara. En somme, tout a changé sans qu'aucune véritable évolution n'ait eu lieu. Le régime actuel a mis fin à cette situation absurde en construisant enfin les infrastructures nécessaires et en fournissant aux administrateurs les équipements de base pour mener à bien leurs missions.

Tout au long de la présidence Laurent Gbagbo, Yamoussoukro n’a pas vu les transformations qu’elle attendait. Le transfert de la capitale n'est pas un simple acte administratif ou une décision politique isolée. Il s'agit d'un projet complexe qui doit s'inscrire dans une vision globale de décentralisation et de développement équilibré à travers tout le pays. Ce processus nécessite un travail de fond, un investissement massif en infrastructures et une dynamique de développement local.

Le transfert de la capitale, initié par le président Félix Houphouët-Boigny dans les années 1980, avait pour but de désengorger Abidjan, devenue trop surpeuplée. Cependant, plus de quarante ans après cette décision, les défis liés à la mise en œuvre de ce projet demeurent. Les populations de Yamoussoukro, ainsi que celles des autres villes concernées, attendent davantage qu’un simple transfert symbolique. Elles ont besoin de réelles infrastructures, d’une qualité de vie améliorée, d’un accès aux services publics et d’une dynamique de développement économique cohérente.

C’est cette vision de développement qui fait la différence aujourd’hui. Le président Alassane Ouattara, dans le cadre de sa politique de décentralisation, s’efforce de répondre aux besoins des populations en améliorant la qualité de l’hébergement, des infrastructures sociales, des routes et des transports à Yamoussoukro. Ce travail de longue haleine est plus qu’un simple transfert de pouvoir. C'est une transformation profonde qui vise à structurer l'avenir du pays. Les actions entreprises visent à lui donner à la ville une nouvelle dynamique en tant que capitale politique et administrative. Les projets d'infrastructures, le renforcement des services publics et les investissements dans le développement régional ont permis à la ville de progresser, même si beaucoup reste à faire pour qu'elle assume pleinement son rôle.

Les capitales nouvelles, comme Pretoria en Afrique du Sud ou Abuja au Nigeria, ne sont pas des espaces administratifs déconnectés du reste du pays, mais des projets politiques inclusifs qui sont pensés pour organiser et structurer l’avenir du pays de manière durable. Cela prend du temps et de la vision.

On le voit, l'annonce de Laurent Gbagbo du transfert effectif de la capitale dans les prochains mois relève plus de la démagogie que d’un véritable projet de gouvernance. C'est une promesse qui, au fond, dissimule une volonté d'exploiter la question à des fins électoralistes. Une promesse vide de sens. Comme le diraient les Zouglou, "C’est ça qui est la vérité".

Charles SANGA