Analyse - Elections USA 2024 : 538 électeurs qui décident de tout ?

Analyse - Elections USA 2024 : 538 électeurs qui décident de tout ?

Alors que les États-Unis s'apprêtent à élire leur président ce 5 novembre 2024, leur système électoral unique intrigue. Un suffrage indirect où 538 grands électeurs, et non le vote populaire, déterminent le vainqueur. Un système où l'on peut devenir président sans avoir la majorité des voix des citoyens, comme l'a prouvé l'élection de Donald Trump en 2016. Décryptage d'un mécanisme complexe où quelques États pivots peuvent faire basculer tout le résultat. 

Des systèmes électoraux différents selon les pays


 Chaque pays, selon son histoire, sa culture et ses particularités, adopte un système électoral qui lui est propre pour désigner ses représentants et dirigeants. En Côte d'Ivoire par exemple, tous les électeurs votent directement pour élire le Président de la République. Celui qui obtient le plus de voix est déclaré vainqueur. En revanche, pour les élections municipales, le système est différent. Les citoyens électeurs élisent des conseillers municipaux qui, à leur tour, choisissent l'un d'entre eux pour devenir maire. C'est ce qu'on appelle un suffrage indirect. Il a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. 


Le système américain : un suffrage indirect unique


 Aux États-Unis, l'élection présidentielle utilise également un système de suffrage indirect, mais avec ses propres spécificités. C'est un système qui peut paraître complexe au premier abord, mais qui s'explique par l'histoire et la structure fédérale du pays. Alors que le pays se prépare pour sa prochaine élection présidentielle prévue le mardi 5 novembre 2024, il est important de comprendre comment fonctionne ce système unique.

 
Le Collège électoral : 538 grands électeurs


 Le système américain repose sur ce qu'on appelle le Collège électoral, un ensemble de 538 grands électeurs (correspondant aux 435 représentants + 100 sénateurs + 3 pour DC) répartis entre les 50 États et le District de Columbia (Washington DC). La répartition de ces grands électeurs est basée sur la représentation de chaque État au Congrès. Chaque État reçoit autant de grands électeurs qu'il a de membres au Congrès (représentants à la Chambre + deux sénateurs), tandis que le District de Columbia, la capitale fédérale, se voit attribuer trois grands électeurs. 
Cette répartition crée des différences importantes entre les États. La Californie, l'État le plus peuplé, dispose de 54 grands électeurs, suivi du Texas avec 40, puis de la Floride et New York avec respectivement 30 et 28 grands électeurs. À l'autre extrême, les États les moins peuplés comme l'Alaska, le Delaware, le Dakota du Nord, le Dakota du Sud, le Vermont et le Wyoming n'ont que trois grands électeurs chacun. Entre deux élections présidentielles, cette répartition peut changer suite aux recensements de la population. Ainsi, certains États peuvent gagner ou perdre des grands électeurs, modifiant la carte électorale du pays.


Le processus électoral en deux temps 

Avant l'élection, chaque parti politique constitue sa liste de grands électeurs dans chaque État. Bien qu'il n'y ait pas de qualifications spécifiques pour devenir grand électeur, certaines restrictions s'appliquent : les membres du Congrès, certains fonctionnaires, et toute personne ayant participé à une insurrection ou une rébellion ne peuvent pas être désignés « grand électeur ». Le jour de l'élection, les citoyens américains ne votent pas directement pour le président, mais vont aux urnes pour désigner les grands électeurs de leur État. Dans 48 États et le District de Columbia, le candidat qui remporte la majorité des voix populaires obtient la totalité des grands électeurs de l'État - c'est le principe du "winner-take-all" (le gagnant remporte tout). Seuls le Maine et le Nebraska appliquent un système proportionnel, où le nombre des grands électeurs est partagé proportionnellement au résultat de chaque candidat. 
Une fois le vote populaire terminé, les grands électeurs se réunissent dans leurs États respectifs à la mi-décembre (précisément le premier mardi après le deuxième mercredi de décembre) pour voter formellement pour le président et le vice-président. Le vote des grands électeurs est généralement une formalité, mais il reste une étape constitutionnelle importante du processus. Bien qu'aucune loi fédérale ne les oblige à voter pour le candidat qu'ils sont censés représenter, les cas d'"électeurs infidèles" sont très rares, les partis veillant soigneusement au choix de leurs grands électeurs. 

La procédure exceptionnelle en cas d’égalité

 Pour remporter l'élection présidentielle, un candidat doit obtenir la majorité absolue des voix du Collège électoral, soit au moins 270 grands électeurs. En janvier suivant le vote de novembre, le Congrès se réunit pour le décompte officiel des votes. Si aucun candidat n'atteint cette majorité (270/538), une procédure exceptionnelle s'enclenche : la Chambre des représentants se charge d'élire le président, avec une règle particulière où chaque État ne dispose que d'une seule voix, indépendamment de sa taille. Les 50 États (sans le District de Columbia) votent parmi les trois candidats ayant obtenu le plus de voix au Collège électoral. Parallèlement, le Sénat élit le vice-président, avec un vote à la majorité simple où chacun des 100 sénateurs dispose d'une voix. Cette séparation peut aboutir à un président et un vice-président issus de partis différents. La stratégie des candidats est fortement influencée par ce système. Au lieu de chercher à obtenir le maximum de voix au niveau national, ils concentrent leurs efforts sur les États qui peuvent faire basculer l'élection. Ce système peut d'ailleurs produire des résultats surprenants. En 2016, Donald Trump a remporté la présidence avec 306 grands électeurs contre 232 pour Hillary Clinton, alors que cette dernière avait obtenu plus de 2,8 millions de voix populaires d'avance au niveau national. C'était le cinquième cas dans l'histoire américaine où le vainqueur de l'élection n'avait pas remporté le vote populaire. 


Les "swing states" : États qui font basculer l'élection


 Pour terminer, parlons brièvement des "swing states" ou États pivots qui sont des États où le résultat est traditionnellement serré et qui peuvent basculer d'un parti à l'autre. Pour l'élection de 2024, sept États sont considérés comme pivots : l'Arizona, la Caroline du Nord, la Géorgie, le Michigan, le Nevada, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Avec leurs 93 grands électeurs combinés, ces États peuvent jouer un rôle décisif dans l'obtention des 270 grands électeurs nécessaires pour remporter la présidence. À la veille de l'élection présidentielle de 2024, ce système continue d'alimenter les débats, certains le critiquant comme dépassé, d'autres le défendant comme garant de l'équilibre fédéral américain. Sa compréhension reste fondamentale pour suivre et analyser cet événement majeur de la démocratie américaine.

 
Par Magloire N’DEHI, Analyste Politique