Appels 1 et 2 de Bonoua, posture du PDCI : Côte d’Ivoire, une opposition à trois têtes
Le samedi 21 septembre 2024, à Bonoua, 14 partis politiques, conduits par la présidente du Mouvement des Générations Capables (MGC), Simone Gbagbo, ont signé une déclaration pour, disent-ils, obtenir du pouvoir des élections crédibles et paisibles en Côte d’Ivoire. Outre le parti de l'ex-première dame, on compte, entre autres, le PDCI-RDA de Tidjane Thiam et le Cojep de Blé Goudé Charles. Le PPA- CI de Laurent Gbagbo et le FPI d'Affi N'Guessan n'y ont pas pris part.
Le PPA-CI n'a pas participé pour des raisons évidentes. En effet, une guerre de leadership oppose Laurent Gbagbo et Simone Gbagbo. Tous les deux se livrent une guerre sans merci pour le contrôle de l'opposition. Pour rappel, l'ex-chef de l'Etat, Laurent Gbagbo, qui rêve de revenir au pouvoir d'Etat, avait appelé, le dimanche 14 juillet à Bonoua, les partis de l’opposition à le rejoindre en vue de battre le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) au terme de l’élection présidentielle d'octobre 2025. Il n'a pas caché ses intentions de prendre le lead de cette coalition. Par ricochet devenir le porte-flambeau de l’opposition à la prochaine élection présidentielle.
Du haut de cette ambition, il a envoyé ses hommes auprès des partis politiques de l'opposition et des organisations de la société civile pour une campagne de sensibilisation sur la nécessité du rassemblement afin de faire face au parti présidentiel. Alors que ses partisans font le tour de l'opposition en vue de la rallier à la cause de leur chef, dix partis de l'opposition et deux organisations de la société civile sous l'égide de l'ex-première dame signaient le 9 août au siège du PDCI un protocole d'accord. Heureux hasard ou volonté de couper l'herbe sous les pieds du président du PPA-CI ? Une chose est certaine. Cet acte n'a pas du tout été apprécié par ses proches qui vont la descendre dans la presse. C'est Abou Cissé qui s'y colle. Il va l’accuser de vouloir semer la "confusion" au sein de l'opposition et même de "renier ses convictions pour des billets de banque". La réaction du camp opposé est immédiate. Le porte- parole du MGC, Pr Dominique Traoré, dans une déclaration qualifie ses propos de "graves", "mensongers" et "diffamatoires".
" Nous mettons au défi, Monsieur Abou Cissé d'en donner la moindre preuve. Il serait dommage que nous nous retrouvions en procès là où nous avons intérêt à nous serrer les coudes", a-t-il menacé. En tout cas entre Gbagbo et son ex-épouse et compagnon politique, toutes les occasions sont bonnes pour se livrer bataille. Ainsi trouvant pour prétexte une interview de Simone Gbagbo sur France 24, sa porte-parole de l’ancien président, Me Habiba Touré, accusait cette chaîne de manquer de professionnalisme. Parce qu'elle continuait de la présenter comme Mme Gbagbo. Alors qu'ils sont divorcés. Cependant, personne n'est dupe. Les uns et les autres ont compris que le message s'adressait à l'ex-première dame qui continue de se faire appeler ainsi.
Au cours de cet entretien, Simone Gbagbo a clairement exprimé ses intentions de ne pas rejoindre la coalition que l'ex-président appelle de tous ses vœux. “L’appel de Bonoua est arrivé bien après que nous ayons démarré nos initiatives. Le PPA-CI est signataire de la déclaration que j'ai lue au nom de toute l’opposition le 9 août dernier (...) Pour l’instant je ne pose pas de problème de leadership. Pour moi, aujourd'hui nous nous mettons ensemble pour mettre la pression sur le pouvoir qui est en face de nous et qui est notre unique adversaire pour avoir des textes consensuels. Après ça, si Gbagbo est candidat, si je suis candidate… c'est celui qui sera préféré qui gagnera (...). J’espérais que Laurent Gbagbo désiste si je suis en tête en cas de second tour”, a-t-elle déclaré lors de cet entretien accordé aux confrères de France 24.
C'est clair comme de l’eau de roche. La présidente du MGC n’entend point répondre à l’appel de son ancien compagnon. Elle compte jouer pleinement sa carte. À la guerre comme à la guerre, pourrait- on dire. Dans la continuité de cette guéguerre donc qui les oppose, c'est la ville de Bonoua qui a accueilli la signature de la déclaration de la plateforme des 14 partis de l'opposition qu'elle dirige. Ce n'est pas fortuit. Quand on sait que c'est depuis cette ville également que Laurent Gbagbo a lancé son message d'unité à l'opposition.
Quid du PDCI ? L'on voit mal le parti doyen rejoindre la coalition de Laurent Gbagbo après les propos tenus par son président, Tidjane Thiam le 2 septembre dernier. S'il s'est montré favorable à une union des partis d'opposition, pour lui, cela ne se fera pas à n'importe." Je refuse de coopérer avec les lieutenants de la violence. La fin ne justifie pas les moyens. Tous les moyens ne sont pas bons pour arriver au pouvoir. Et moi je refuse de pactiser avec ceux qui ont recours à la violence" a-t-il martelé. Ces propos ont particulièrement piqué au vif l'ex-GPS qui s'est dit déjà favorable à l'appel du PPA- CI. Même si le parti de Laurent Gbagbo n'a pas réagi, selon ce qui se raconte, il s'est également senti visé. Le PDCI quoique partie prenante à la déclaration de Bonoua, il est évident qu'il caresse le secret espoir d'être soutenu par ces partis. Car pour ses militants, jamais ils n'ont été aussi proches du pouvoir. Et pour rien au monde, ils ne voudront jouer les seconds rôles. Pour parler comme le commun des Ivoiriens, ils sont ensemble mais ils ne sont pas mélangés.
Rahoul Sainfort