Interview -Dr Sangaré Hassan (cancérologue) : « Tous les hommes qui abordent les 45 ans doivent aller voir un médecin pour un examen »
En Côte d’Ivoire, le cancer de la prostate s’impose comme le type de cancer le plus diagnostiqué chez la population masculine. Avec 2 754 nouveaux cas selon le Programme national de lutte contre le cancer (PNLC), il constitue une préoccupation de santé publique. Au terme d’un atelier organisé par le PNLC sur les cinq cancers les plus fréquents en Côte d’Ivoire, Dr Sangaré Hassan, cancérologue, a accepté de répondre à nos questions sur la pathologie.

Dr Sangaré Hassan : Pour faire simple, disons que le cancer de la prostate est une multiplication anormale des cellules au niveau de la prostate. Ce qui dérange donc le fonctionnement normal de la prostate et qui peut toucher d’autre organes notamment les os.
LP : Ce cancer se positionne en 1ère position au niveau des cancers en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui explique cela ?
Dr H S : Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Il faut savoir que le cancer de la prostate a pour principaux facteurs de risque l’âge et la race. Plus on prend de l’âge, plus on a des risques de développer le cancer de la prostate. Il faut voir qu’il y a un vieillissement de la population. Plus les personnes vieillissent, plus le risque de développer le cancer de la prostate est grand. Également, il faut savoir qu’on a beaucoup plus de praticiens dans la lutte contre le cancer. Ça ne suffit toujours pas, mais ils sont beaucoup plus nombreux qu’il y a 10 ou 15 ans. Nous faisons donc beaucoup plus de diagnostics que par le passé. Tout cela mis l’un dans l’autre peut expliquer l’augmentation du nombre de cas du cancer de la prostate. A côté de cela, il y a des facteurs environnementaux qui sont en hausse. La mauvaise alimentation, le manque d’activité physique… même si ce ne sont pas les principaux facteurs, ils sont vus aussi comme des facteurs de risque. Cela peut expliquer aussi l’augmentation du cancer de la prostate.
LP : Pourquoi la maladie est-elle plus développée chez les noirs ?
Dr H S : Je ne peux vous l’expliquer. Mais c’est constater que les noirs font plus le cancer de la prostate. Les blancs eux-mêmes en font plus que les asiatiques. Dans le monde donc, ceux qui font le plus le cancer de la prostate sont des noirs, après viennent les blancs, puis les jaunes.
LP : Les facteurs environnementaux et le mode de vie sont-ils si déterminants dans cette maladie ?
Dr H S : Ce n’est peut-être pas le plus important dans le cancer de la prostate, mais il faut tout de même le souligner. Il y a l’alimentation faible en fruit et en légume, en fibre et riche en viande rouge, en sucre, en sel et farine. On parle aussi du rôle de l’alcool et du tabac, ainsi que des pesticides qui sont incriminés dans la survenue du cancer. Notamment ce qu’on appelle le chlordécone, un pesticide censé ne plus être utilisé dans les plantations de bananes. Mais, il faut être honnête, il est toujours utilisé. Et ces bananes produites illégalement sont toujours commercialisés.
LP : Face à tous cela, que faut-il faire ? Quel message vous pouvez donner à la population pour prévenir ce cancer ?
Dr H S : Il faut avoir désormais l’habitude d’aller à l’hôpital avant de tomber malade. Tous les hommes qui sont bien portants, qui pensent ne pas être porteurs de maladie et qui abordent les 45 ans doivent aller voir un médecin pour un examen. Dans le cabinet du médecin, l’examen est relativement simple. Il va se focaliser sur ce qu’on appelle le toucher rectal. C’est-à-dire avec un doigt mis dans l’anus de celui qui vient consulter, on recherche une éventuelle augmentation du volume de la prostate. Une éventuelle apparition d’un nodule, une boule sur la prostate. Normalement la prostate est souple et lisse, on recherche ces éléments avec un toucher rectal qui dure 2 à 3 minutes et qui est totalement indolore. Et si la personne n’a pas de soucis de santé, ça ne devrait pas faire mal.
LP : Vous l’avez dit. Le praticien va chercher une boule sur la prostate, c’est-à-dire que la prostate en elle-même n’est une maladie ?
Dr H S : Vous avez raison de souligner cela. La prostate n’est pas une maladie. La prostate est un organe qui est exclusivement masculin. Comme on a des seins, une langue et des yeux, tous les hommes ont une prostate. Dire j’ai une prostate ne signifie pas grand-chose quand on est un homme. Par contre on peut avoir des maladies au niveau de la prostate. Il y en a 3 qui sont connues. Il y a la prostatite, l’hypertrophie bénigne de la prostate, la prostate augmente de volume sans que ça ne soit un cancer et la troisième maladie, c’est le cancer de la prostate.
LP : Lorsque le cancer de la prostate est diagnostiqué comment se fait la prise en charge ?
Dr H S : Une fois qu’on diagnostique le cancer de la prostate, la prise en charge est décidée par ce qu’on appelle des réunions de concertation pluridisciplinaires. Plusieurs médecins de spécialités différentes se réunissent et décident ensemble de la prise en charge d’un patient. Même si le patient ne voit qu’un médecin qui est peut-être son cancérologue, ce médecin n’est que le porte-parole d’un groupe. Ce médecin va lui proposer ce qu’on appelle une hormonothérapie si la maladie n’est pas métastatique. Si elle est métastatique la maladie peut être traitée et par hormonothérapie et par chimio thérapie. Ce sont des médicaments qu’on donne dans le cas du cancer de la prostate par perfusion. On peut l’associer à la radiothérapie. Donc, on peut associer ces 3 types de traitement.
LP : Tous ces traitements se font ici en Côte d’Ivoire ?
Dr HS : Oui tous ces types de traitement se font en Côte d'Ivoire. Dans certaines situations, on peut être amené à proposer une intervention chirurgicale au malade. C’est possible, c'est réalisable.
LP : Quelles sont les chances de guérison quand on a un cancer de la prostate ?
Dr HS : Nous disons que plus on vient consulter tôt, plus on a des chances d'être guéri. Il y a aujourd'hui en Côte d'ivoire beaucoup de malades qui été ont guéris du cancer de la prostate parce qu'ils sont venus tôt à l’hôpital. Il ne faut plus aller à l'hôpital parce qu'on est malade. Aller à l'hôpital parce qu'on est malade c'est bien, mais il ne faut plus attendre d'être malade. Si on pense être en bonne santé, si on pense qu'on ne peut pas être porteur de maladie, c'est le moment idéal pour aller consulter.
Réalisée par DM (collaboration OF)